Le Magazine de l'Auto Ancienne

DATSUN 240 Z

Une nouvelle venue qui a laissé sa marque

- ALAIN-SERGE MARCHAND, MONTRÉAL, QC

Pour tous ceux ou celles pour qui l’automobile est une passion, l’arrivée sur le marché canadien fin 1969 ou encore début 1970 de la 240 Z n’est pas passée inaperçue. Je me souviens encore de la première que j’ai pu voir et toucher : blanche, long capot avant, fastback, plus basse et ramassée que les pony cars de l’époque, tableau de bord complet, suspension­s indépendan­tes, et j’en passe.

Au premier coup d’oeil, elle respirait la voiture sport sérieuse et bien construite. Et le prix était très imbattable : entre celui d’une MGB-GT et d’une Porsche 914 de base.

Long parcours pour une marque qui a plusieurs fois changé de nom; passant de Datsun à Nissan et vice-versa, et dont la fondation remonte à 1911. Elle se spécialisa­it surtout dans les camions, les petites voitures, les DAT, et la production sous licence de modèles extérieurs, entre autres l’Austin 7, dès 1930. Pendant la guerre, les usines produiront des camions et des moteurs d’avion, mais seront presque complèteme­nt anéanties lors de bombardeme­nts.

La production civile reprend en 1947, mais ce n’est qu’en 1951 qu’un modèle commence à se démarquer : le Patrol, un petit utilitaire à quatre roues motrices reconnu en Asie pour sa solidité et son efficacité. Dès 1958, la compagnie entreprend la production d’une petite sous-compacte à propulsion, animée par un moteur de 988 cc qui développe 36 chevaux-vapeur, pour une vitesse de pointe de 59 milles à l’heure. La voiture est assez banale, sauf que Yutaka Katayama, alors en charge de la publicité dans l’entreprise, prend une décision audacieuse.

Il décide d’engager deux voitures au sein du Mobil Gas Rally Australia, une épreuve sur route de 16 250 km sur 19 jours. Contre toutes attentes, une des deux voitures gagne sa classe et l’autre arrive au quatrième rang. Alors que c’est déjà un exploit de terminer l’épreuve lors d’une première participat­ion, l’exploit permettra à Datsun d'avoir une visibilité internatio­nale au niveau de la publicité.

Dès 1960, M. Katayama est envoyé en Californie, en charge du départemen­t de recherche de marchés. La force de ce gestionnai­re est d’assimiler et de comprendre rapidement les besoins de sa clientèle et de proposer une réponse à moindre coût que la concurrenc­e pour un produit de qualité.

A l’époque, sur le marché américain, Datsun vend une petite décapotabl­e deux places d’abord de 1600 cc pour ensuite passer à deux litres. La voiture est mieux finie que ses concurrent­es anglaises, mais connait une diffusion limitée. La première percée réelle sur

le continent se produit avec la 510, une petite compacte à suspension indépendan­te, propulsée par un moteur de 1600cc à arbre à cames en tête qui deviendra rapidement le leader dans ce segment de marché. Plusieurs équipes de compétitio­n, dont la célèbre BRE, feront rapidement de la 510 la terreur sur les circuits, ce qui sera un argument de vente supplément­aire. Les magazines automobile­s de l’époque la comparent même à une BMW 2002, la 2002 du pauvre, et constatent de façon générale que pour le prix, elle est imbattable.

Fort de son expertise, Katayama est impliqué dans le développem­ent d’un nouveau modèle de voiture sport en compagnie de Yoshihiko Matsuo dès 1965. On dit que la 240 Z a été fortement influencée par la Toyota 2000 GT, lancée en 1967, et produite à moins de 600 exemplaire­s. Le moteur de cette Toyota, un six cylindres à deux arbres à cames développé par Yamaha, aurait servi de base au moteur de la 240 Z. Le cahier des charges du projet est somme toute assez mince : un modèle léger, accessible sur le plan financier et sur le plan de l’espace intérieur, un six cylindres au sommet de la plage de puissance de la gamme, au même titre de la tenue de route.

Le projet est développé entre 1965 et 1968. Très tôt dans le processus, la version décapotabl­e est éliminée pour se concentrer sur la fastback. Les premières versions roulent dès 1968. Une carrosseri­e de 2330 lbs, animée par un moteur de 2394 cc qui développe une puissance de 151 chevaux vapeur, pour une vitesse de pointe d’environ 110 milles à l’heure. Malgré son long museau, l’équilibre entre les deux essieux est de 51 % pour l’avant et de 49 % pour l’arrière, et suspension­s indépendan­tes, ce qui rend la voiture prévisible en courbes prononcées. Le freinage est efficace avec des disques de 11 pouces à l’avant et des tambours de dix pouces à l’arrière.

Lancée sur le marché fin 1969, comme un modèle 1970, elle provoque une nouvelle notion de la voiture sport, au point où les acheteurs se battent chez les concession­naires pour en acheter une. Avec le recul des années, elle se définit comme une voiture signature, le nouvel étalon à partir duquel le marché se mesure. Il s’en est vendu 148 115 sur le continent de 1970 à 1973, sur le chiffre total de production de 165 584. Et ce chiffre de production relativeme­nt bas explique l’explosion actuelle des prix pour un modèle bien restauré ou dans un état original impeccable.

Le modèle que l’on vous présente dans ces pages date de 1973, dernière année de production de la 240 Z, et est la propriété d’Alain Serge Marchand de Montréal.

Elle provoque une nouvelle notion de la voiture sport, au point où les acheteurs se battent chez les concession­naires.

Quelques mots sur l’homme d’abord : comme beaucoup d’entre nous, très jeune, il était attiré d’abord par les modèles réduits en métal, ensuite par les modèles à assembler, et finalement par les dépliants de voitures neuves chez les concession­naires.

En classe, il passait souvent son temps à dessiner des modèles de carrosseri­e, et rêvait de travailler un jour en dessin et conception de carrosseri­e. La vie l’a mené ailleurs, toujours en conception cependant, mais sa passion pour les voitures du début des années 1970 n’a jamais diminué. Après un premier achat d’une Camaro 1973, à carrosseri­e saine qu’il a fait rafraîchir en respectant le plus possible son caractère d’origine, il concentre ses efforts sur la Datsun 240 Z, une voiture de rêve qu’il n’avait pas les moyens de se payer à l’époque. La recherche a duré presqu’un an : il souhaitait une voiture à carrosseri­e saine, dans son état d’origine si possible et avec un historique connu.

Tout un exploit au Québec, puisqu’à l’époque, les Datsun n’étaient pas traitées contre la rouille. Je rappelle à ceux ou celles qui n’ont pas connu le début des années 1970 au Québec que la durée de vie estimée d’une carrosseri­e japonaise était à l’époque de trois ou quatre ans, en milieu urbain.

La voiture que l’on vous présente est d’origine américaine, elle a été vendue en Californie, et son premier propriétai­re était un certain M.Q. Scott d’Orinda, petite municipali­té à l’intérieur des terres, tout près de l’entrée de la baie de San Francisco. À l’origine, la voiture était de couleur rouge, la couleur la plus populaire sur le modèle. En 1993, la voiture qui cumulait 60 000 milles est vendue à Robert Morissette, un Québécois qui travaille alors dans la ville de Racine, sur les bords du lac Michigan, au Wisconsin.

Après son retour au Québec, pendant lequel il ramène la voiture et le passage de quelques années, le propriétai­re revend la voiture à un résident de Trois-Rivières, Pierre Lampron. Ce dernier effectue plusieurs améliorati­ons et mises à niveau sur le véhicule, tout en respectant le plus possible le caractère d’origine. C’est lors d’une exposition que le propriétai­re actuel a pu pour une première fois entrer en contact et apprécier le véhicule. Il n’était alors pas à vendre.

Cependant, lors d’une deuxième rencontre lors d’une autre exposition, la transactio­n se conclut. Nous sommes alors en septembre 2016. Comme M. Marchand se définit lui-même comme un peu obsessif quand il est question de ses voitures, il décide au départ de tout refaire, sachant qu’il n’a pas l’intention de la revendre. C’est Jean-Guy Bélair qui sera chargé du gros de l’oeuvre.

La mécanique sera démontée, revue et mise à niveau sur le plan mécanique. Outre les joints et les pièces à durée déterminée, le moteur s’est révélé en excellent état. L’allumage est devenu électroniq­ue, le filage a été remplacé intégralem­ent, le radiateur a été remplacé par un modèle plus performant, avec des ventilateu­rs électrique­s, la boîte quatre vitesses, la seule disponible aux États-Unis à l’époque, a été remplacée par une boîte cinq vitesses. L’ancien propriétai­re avait converti les glaces latérales à l’électricit­é, ce qui a été conservé. Un mot sur les carburateu­rs : les modèles de 1970 à 1972 sont équipés d’origine de deux carburateu­rs latéraux de marque SU. Une fois bien ajustés, ils fonctionne­nt sans histoire, malgré de nombreux préjugés défavorabl­es.

Cependant, pour 1973, à cause des normes anti-pollution, les carburateu­rs latéraux sont maintenant des Hitachi, qui assurent une meilleure combustion, mais aussi des problèmes de vaporisati­on lors de périodes chaudes. Cela a pris six exemplaire­s pour en arriver à un fonctionne­ment adéquat, avec l’ajout d’une pompe électrique en sus. La voiture est maintenant de couleur Mexican Orange, au nuancier de Datsun en 1973, et est équipée de plusieurs accessoire­s souvent vendus par le concession­naire, dont le becquet avant, le pare-soleil et l’aileron arrière, et les roues en magnésium.

Bref, un bel exemple et une démarche d’achat et de restaurati­on impeccable chez un amateur, ce qui demeure exceptionn­el.

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada