Le Magazine de l'Auto Ancienne
Ma belle histoire
MARC BOULANGER
De qui tient-il celui-là ? Combien de fois ai-je entendu cette remarque familiale en faisant référence à ma passion pour les anciennes voitures ! En effet, le contraste entre le désintérêt total de l’ensemble de ma famille, ascendante et descendante, pour tout ce qui est de l’automobile et le mien qui remonte à aussi loin que je puis me rappeler ne manquait pas de surprendre. Au fil du temps, mon intérêt s’est précisé. Ce sont les voitures vulnérables qui m’intéressaient, celles que je pourrais protéger et qui étaient moins aimées. Par exemple, je préférerais une banale familiale à une spectaculaire décapotable, une simple Coccinelle à une puissante voiture sport. Les petits doivent se battre pour survivre contre les gros de ce monde. La compagnie Chrysler a courageusement décidé d’aff ronter Cadillac et Lincoln dans les années cinquante en lançant la marque Imperial en tant qu’entité autonome. Ce n’était pas une mince tâche ! Il fallait que les voitures soient vraiment bonnes et avec beaucoup de panache. Pendant 20 ans, de 1955 à 1975, la firme Chrysler a bravement essayé, mais elle a dû jeter l’éponge, car l’intérêt du public n’était plus au rendez-vous.
Alors, quand j’ai eu l’occasion de mettre la main sur une Imperial 1969, fort jolie, mais avec un besoin évident de tendresse, je l’ai saisie, même si le vendeur exigeait au passage que je le déleste AUSSI, de trois autres Imperial (1967, 1968 et 1972) ! Je protégerais ces costaudes grands-mamans méprisées, témoins de l’histoire. Plus personne ne leur manquerait de respect !
Je ne me considère pas comme un propriétaire, mais plutôt comme un historien, une sorte de conservateur de musée, gardien de passage en attendant le suivant qui prendra la relève. Quand il s’agit de choisir une auto, mon conseil n’est pas la voiture rutilante clé en main, mais celle qui rend fier. Les sièges et le toit refaits, les douze travaux d’Hercule exécutés donnent de la fierté. La quête de la voiture est plaisante, l’avoir l’est tout autant. Mais sauver une pièce d’histoire de la destruction, et lui redonner sa jeunesse d’antan procure une joie bien plus noble : la dignité. Et cela n’a pas de prix.