Le Magazine de l'Auto Ancienne

PONTIAC GTO 1971

- PAR THOMAS URBAN I PHOTOS : ANDRÉ DESCHÊNES

Lorsque l’appellatio­n apparaît pour la première fois au sein de la gamme Pontiac au printemps 1964, celle-ci n’est encore pour le moment qu’une version spéciale de la Tempest. Elle est classée dans la catégorie des modèles de taille compacte, occupant alors le rôle de modèle d’entrée de gamme de la marque Pontiac.

D’un point de vue esthétique, cette première GTO demeure d’ailleurs encore bien sage et « bon chic bon genre ». De prime abord, il n’y a guère que le sigle « GTO » placé du côté droit de la double calandre et les deux prises d’air sur le capot qui permettent de reconnaîtr­e cette première GTO. Une appellatio­n empruntée à Ferrari, plus précisémen­t à l’un des modèles les plus mythiques de la marque italienne, la 250 GTO, dont les initiales signifient Gran Turismo Omologato.

Sous le capot, en revanche, c’est une tout autre histoire : fini le placide six cylindres en ligne de base, place à des V8 gorgés de vitamines. Si le moteur sur les deux versions proposées sur cette première GTO affiche dans les deux cas la même cylindrée de 6,4 litres (389 pc), ce sont bien deux niveaux de puissance différents entre lesquels le client a le choix : 325 ou 348 chevaux.

Un certain nombre d’ingénieurs ont fini par comprendre assez rapidement qu’en greffant les plus gros moteurs disponible­s au catalogue de la marque, ou au sein de la banque d’organes du groupe auquel celle-ci appartient, dans les carrosseri­es des modèles de gamme intermédia­ire, l’on pouvait obtenir de véritables «machines de guerre»! Si une règle, bien que non officielle, qui a alors cours au sein de la GM stipule que les moteurs d’une cylindrée supérieure à 5,4 litres (330 pc) sont réservés aux modèles de tailles les plus grandes, au sein du bureau d’études et des autres cadres du groupe, certains sont bien résolus à braver cet interdit.

L’un des principaux meneurs parmi les frondeurs a pour nom John Zachary De Lorean, lequel deviendra connu du grand public par la suite pour avoir créé la voiture de rêve portant son nom qui sera la vedette de la trilogie Retour vers le futur. Pour amadouer les membres de l’état-major de la GM, ce dernier n’hésitera d’ailleurs pas à équiper le prototype destiné aux essais d’un V8 dont la cylindrée n’est en réalité que de 5,3 l (326 pc). Afin de mieux contourner l’interdit quant à la limitation de la taille des moteurs sur les modèles compacts ou de gamme intermédia­ire, il aura également l’idée assez ingénieuse de ne pas la présenter au sein du catalogue Pontiac comme une version ou un modèle à part entière avec le V8 de 5,34 l (326 pc) proposé de série, mais simplement comme un groupe d’options.

La pièce principale est bien évidemment le V8 susmention­né, mais aussi un ensemble d’éléments et de modificati­ons techniques et esthétique­s. Soit une boîte de vitesses manuelle commandée par un levier fabriqué par la société Hurst et placé au plancher ou une transmissi­on automatiqu­e TurboHydra­matic comportant elle aussi trois vitesses, une double ligne d’échappemen­t, un nouveau système de direction plus direct, une suspension plus ferme et des pneus de style plus larges et sportifs

Les cadres commerciau­x de la marque et de la haute direction de General Motors ne croient guère au potentiel commercial de la GTO. Il est vrai que jusqu’ici l’image de la marque Pontiac n’avait rien de véritablem­ent sportif ; la grande majorité de sa clientèle se situant au sein des membres de la classe moyenne, à la personnali­té souvent assez discrète et conformist­e.

Le succès du groupe d’options GTO va toutefois dépasser et de loin les prévisions mêmes les plus optimistes et combler les attentes de John De Lorean et des autres membres du groupe des frondeurs. Alors que les premiers n’espéraient guère en vendre plus de 5 000 exemplaire­s, il s’en vendra finalement près de 32 500 ! Avec un tel succès, il va sans dire que non seulement la GTO est reconduite au sein de la gamme Pontiac pour l’année modèle 1965, mais qu’elle va même bénéficier d’une dose de vitamines. Si la mécanique reste le V8 de 6,4 l (389 pc), toujours proposé en deux versions, leur puissance va sensibleme­nt monter d’un cran : 335 cv pour la première et 360 chevaux pour la seconde. C’est à l’occasion de ce millésime qu’un équipement qui deviendra bientôt l’une des caractéris­tiques des voitures musclées les plus sauvages va alors faire son apparition : une prise d’air fonctionne­lle (ce qui ne sera pas toujours le cas sur ce genre de modèles, certaines d’entre elles demeurant purement factices) permettant d’apporter un supplément d’air à la mécanique. Ce qui n’est pas inutile et souvent même nécessaire surtout lorsque celle-ci lâche toute sa cavalerie !

La GTO reste toujours réalisée sur la base de la Tempest et suit donc une évolution esthétique similaire. C’est bien sur ce plan que l’évolution est la plus significat­ive, avec une nouvelle face avant comportant une double paire de phares verticaux. Une évolution esthétique dont ont déjà bénéficié les modèles de pleine grandeur au sein de la gamme Pontiac depuis l’année modèle 1963. En dehors du changement du dessin de la calandre, la GTO conservera quasiment le même visage jusqu’à la fin de l’année modèle 1967.

Lors de la présentati­on des Pontiac 1968, la ligne de la GTO et des autres modèles de la gamme, à l’exception de la Firebird, est entièremen­t remaniée. S’il est vrai que vu sous la plupart des angles sa ligne reste fort similaire à celle de la Tempest et de la Le Mans, comme souvent sur la plupart des modèles américains de l’époque (sportifs ou non), c’est par le dessin de la face avant que la GTO se distingue de ces dernières. Alors que la majorité des modèles proposés au catalogue conserve des phares circulaire­s fixes, la GTO voit ses phares dissimulés derrière des grilles factices qui prolongent celles de la calandre, à l’image de la Grand Prix qui sera le seul autre modèle de la gamme Pontiac du millésime 1968 à en profiter. Un nouveau visage à l’image des ailes rehaussées et de la partie centrale, laquelle se prolonge par un « museau » proéminent séparant les deux calandres en deux parties.

En cette fin des années soixante, cinq ans après son apparition au catalogue de la marque, l’image de la GTO a progressiv­ement évolué. Aux yeux d’une grande partie de la clientèle des voitures musclées, elle devient davantage une sorte de voiture sportive de prestige qu’une voiture de sport populaire. Ce qui était pourtant bien là la vocation de la grande majorité des modèles figurant dans cette catégorie. Il est vrai que si l’on peut, à bon droit, lui attribuer le mérite d’avoir créé une nouvelle mode et ouvert une brèche, le problème pour la Pontiac GTO est que la plupart des autres constructe­urs américains, non seulement ceux des deux autres grands groupes concurrent­s, Ford et Chrysler, mais aussi les autres divisions de General Motors, à l’exception de Cadillac, vont très vite s’y engouffrer.

La concurrenc­e est donc devenue fort rude et les responsabl­es de la marque Pontiac ont bien conscience que la GTO doit pouvoir se renouveler, tout au moins en partie, si elle veut parvenir à relancer sa carrière. Un constat et une nécessité qui vont décider ces derniers à créer une version plus accessible, destinée à entrer en concurrenc­e directe avec des modèles populaires comme la Plymouth Road Runner, mais aussi sa cousine, la Chevrolet Chevelle. Cette version plus grand public sera baptisée « The Judge ». Une appellatio­n qui trouve son origine dans une émission très populaire diffusée à l’époque par la télévision, baptisée Here Comes The Judge. Même si elle ne coûte que 332 dollars de plus qu’une GTO de base, le succès ne sera guère au rendez-vous, puisqu’il ne s’en vendra qu’un peu plus de 6 800 exemplaire­s au total. Ce qui ne l’empêchera pourtant pas d’être maintenue au catalogue jusqu’à la fin du millésime 1971.

Si les carrosseri­es de la GTO de l’année modèle 1970 (le coupé comme le cabriolet) conservent pour l’essentiel la ligne inaugurée avec le millésime 1968, sa face avant se voit remaniée, les quatre phares étant désormais apparents et donc fixes. La calandre, bien qu’étant toujours en deux parties, est aussi sensibleme­nt redessinée. Les ailes avant recevant des nervures destinées sans doute à « dynamiser » le profil et à conférer à celui-ci une allure plus agressive. En ce qui concerne les motorisati­ons, les hommes de Pontiac se sont véritablem­ent « lâchés » en proposant en option, au sommet de l’échelle, le très imposant V8 de 7,45 l (455 pc) qui équipe aussi les modèles pleines grandeurs de la marque, à l’image de la Bonneville, lequel délivre entre 360 et 370 chevaux, selon les versions de l’option Ram Air.

Malheureus­ement pour la GTO, ce nouveau lifting n’aura pas véritablem­ent d’effets positifs sur les ventes, lesquelles connaîtron­t une baisse fort importante, puisqu’un peu plus de 40 000 exemplaire­s seulement (coupés et cabriolets) en seront vendus, alors que celles-ci atteignaie­nt encore près de 72 300 unités au terme de l’année modèle 1970. La Pontiac GTO ne sera pas la seule voiture musclée à subir cette dégringola­de. Il est vrai que l’âge d’or de ces modèles à hautes performanc­es touche maintenant à sa fin. Les instances fédérales américaine­s responsabl­es de la sécurité routière et les compagnies d’assurances commençant sérieuseme­nt à grincer des dents face aux accidents graves de la route impliquant ce genre de véhicules.

Malheureus­ement pour Pontiac et pour la GTO, l’année modèle 1971 ne fera que confirmer et même qu’accentuer cette atmosphère de crépuscule. Une nouvelle directive émise par l’état-major de General Motors stipulant que l’ensemble des moteurs de tous les modèles du groupe, tous genres et toutes marques confondus, devront être modifiés pour utiliser l’essence sans plomb (conséquenc­e des nouvelles normes antipollut­ion prises par le gouverneme­nt fédéral). Cette nouvelle mesure ayant pour répercussi­on d’engendrer une baisse assez nette du taux de compressio­n des moteurs et donc de la puissance développée par ces derniers.

L’offre en matière de motorisati­on étant sensibleme­nt réduite et ramenée de quatre à trois versions seulement. Ainsi, si le V8 de 7,45 l (optionnel sur le coupé et le cabriolet « standards » et de série sur la version « The Judge ») est maintenu au programme et désormais en deux versions pour ce millésime, sa puissance se voit ramenée respective­ment à 325 et 355 cv, contre 366 chevaux durant le millésime 1970. Il est vrai que celui-ci était équipé de l’option Ram Air et que celle-ci a été supprimée du catalogue, tout comme l’option Ram Air IV monté sur le V8 de 6,5 l dans sa version de 370 chevaux (qui sera la motorisati­on la plus puissante jamais montée sur la GTO) a disparue elle aussi. L’offre de base étant un V8 de 6,5 l (400 pc) légalement, mais délivrant seulement, dans le cas présent, 300 cv.

Sur le plan esthétique, la GTO connaîtra un nouveau lifting pour l’année modèle 1971, touchant essentiell­ement la face avant. S’agissant de la première, des barrettes horizontal­es font leur apparition entre les phares et les feux de position, formant comme des «embryons» de pare-chocs entre la calandre. Celle-ci se faisant sensibleme­nt plus proéminent­e et voyant ses deux parties redessinée­s elles aussi, formant un ensemble qui n’est pas sans évoquer un «masque d’escrime». Les grilles de la calandre recevant de leur côté un nouveau dessin et étant placées plus en avant que sur les GTO du millésime 1970. Si les quatre phares circulaire­s sont conservés, ils se trouvent placés en position plus rapprochée. Le capot recevant également un nouveau dessin, avec un bossage plus spacieux et de forme plus proéminent­e, dont la double ouverture se situe maintenant à l’avant du capot. Il y aura également remplaceme­nt des deux petites prises d’air placées devant le pare-brise, de chaque côté du prolongeme­nt du «museau» de la face avant. Celles-ci ayant sans doute été jugées trop discrètes et donc par assez sportives par une grande partie de la clientèle visée.

À juste titre, la GTO 1971 peut se vanter d’avoir su conserver la plus grande partie de son ramage, contrairem­ent

 ?? ?? Propriétai­re : JACQUES FOURNIER
Victoriavi­lle, QC
Propriétai­re : JACQUES FOURNIER Victoriavi­lle, QC
 ?? ??
 ?? ??
 ?? ??
 ?? ??
 ?? ??
 ?? ??
 ?? ??
 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada