La plupart des complexes d’aujourd’hui n’ont rien à envier aux condos dits de luxe. »
que des actes de vente. Dans le centre-ville de Montréal, le Groupe Canvar construit actuellement une tour mixte de 37 étages, dont les 12 premiers étages seront occupés par un hôtel, et les étages supérieurs, par des appartements locatifs. « Dans la région de Québec, on sent un véritable boom dans les appartements locatifs haut de gamme », constate Elisabeth Koulouris, analyste de marché à la SCHL.
Contrairement aux « blocs » à appartements moches et sans âme des années 1970, la plupart des complexes d’aujourd’hui n’ont rien à envier aux condos dits de luxe. Par exemple, le Groupe Huot, un important promoteur immobilier de Québec, construit actuellement L’Altitude à Saint-Augustin-de-Desmaures, un projet de 171 appartements au design contemporain érigé dans un boisé préservé à 45 %, avec stationnement souterrain, service de voiturier, centre de conditionnement physique et vue sur le SaintLaurent, le lac Saint-Augustin et les Laurentides.
« Mes appartements sont aussi luxueux que les condos de luxe que construisent mes voisins », affirme avec conviction Stephan Huot, président du Groupe Huot. Comme dans la plupart des projets locatifs neufs, ici, on vise clairement les baby-boomers, qui désirent la tranquillité d’esprit de la location, sans rien sacrifier au confort. « L’important pour eux, c’est de ne pas voir le mot “résidence pour personnes âgées” inscrit sur la façade ! » dit Stephan Huot en riant.
Après la vie de propriétaire, la vie de locataire. Voilà une tendance de plus en plus en vogue chez les baby-boomers. Anciennement propriétaire d’une grande maison à Saint-Michel-deBellechasse, près de Lévis, Sylvie Ruel, une rédactrice de 63 ans, n’a pas voulu garder la maison ni l’aménager en copropriété à la suite du décès de son mari en 2005. « Les propriétaires ont tendance à l’oublier, mais c’est lourd d’avoir une maison. Je me souviens de toutes les fins de semaine où l’on consacrait tout notre temps à son entretien. Pas bricoleuse pour deux sous, je ne me voyais pas payer constamment pour faire faire des travaux », dit-elle.
Ses amies lui recommandent l’achat d’un condo, affirmant qu’il s’agit d’un bon investissement. Or, elle n’y croit pas du tout. « J’aime mieux profiter du capital que j’ai obtenu à la vente de ma maison pour voyager que le cadenasser dans le bois et la brique. Une maison, ça rend captif », dit-elle. Dix ans plus tard, elle ne regrette pas son choix. « Je vis dans un spacieux haut de duplex qui a du cachet à revendre. Au prix de mon loyer (960 $, chauffage inclus), je ne pourrais avoir l’équivalent en tant que copropriétaire », dit Sylvie Ruel.
Et elle a probablement raison, soutient PierLuc Lafontaine, de Groupe Investors. « Devenir propriétaire au prix d’un loyer, c’est impossible. En plus des versements hypothécaires, on doit mettre dans la balance la taxe de bienvenue, les frais de notaire, les coûts de l’entretien, les frais de copropriété, les taxes foncières et scolaires et, éventuellement, les frais de revente. Ce sont des montants qu’on ne récupère pas », dit-il. Autre facteur à considérer : en investissant dans un condo, on ne peut pas placer son capital ailleurs, par exemple sur les marchés boursiers. « Dans le contexte actuel, acheter un condo pour du court terme n’a pas de sens », soutient Pier-Luc Lafontaine, preuves à l’appui (voir l’encadré « Louer ou acheter »).
En effet, les experts sont unanimes : des rendements de 10 % par an comme au début des années 2000, on ne reverra pas ça de sitôt. Kevin Hughes, économiste régional à la SCHL, constate que la question de la rentabilité des condos est sur toutes les lèvres. « La conjoncture, en raison d’un marché nettement favorable aux acheteurs, exerce une pression à la baisse sur les prix. On pense que nous en avons encore pour plusieurs années avant que les stocks de condos ne reviennent à un état d’équilibre », dit-il. Pour Hélène Bégin, économiste principale chez Desjardins, l’essor du condo est chose du passé. « On pense que la hausse des valeurs, à long terme, ne dépassera pas le taux de l’inflation », dit cette analyste.
La location présente aussi beaucoup d’avantages. « Les baby-boomers qui vendent leur maison devenue trop grande peuvent placer leur capital et puiser uniquement dans les intérêts pour payer leur loyer », affirme Stephan Huot. Autre atout : la flexibilité. « Rompre un bail est beaucoup plus facile que de trouver un acheteur pour une copropriété de luxe », ajoute le constructeur et gestionnaire immobilier. Les copropriétaires qui ont vendu dans les dernières années en savent quelque chose. Nombreux sont ceux qui ont dû vendre à perte.
Par contre, une épée de Damoclès pend audessus de la tête des locataires qui louent un condo ou un appartement d’un petit investisseur : la reprise de logement. Sylvie Ruel en a fait l’expérience. « J’habitais depuis sept ans dans un fabuleux appartement que j’avais soigneusement décoré. Mon propriétaire l’a trouvé si beau qu’il a décidé de le reprendre pour lui-même. Je ne l’ai pas trouvé drôle », racontet-elle avec amertume. D’où l’attrait, dit Sylvain B. Tremblay, des tours locatives qui appartiennent à des fonds. « On ne vous évincera pas pour loger sa belle-mère », avance-t-il.
Si le locatif neuf semble séduire davantage les baby-boomers, en dépit des loyers nettement plus élevés que dans le locatif vieillissant, il séduit aussi de jeunes professionnels. Dans le complexe L’Hexagone, dans Griffintown, ces derniers représentent une bonne partie des locataires. « Ce sont des gens qui gagnent beaucoup d’argent, mais qui n’ont pas encore accumulé une mise de fonds ou qui ne voient tout simplement pas l’intérêt d’accéder à la propriété dans la conjoncture », affirme Martin Killeen, directeur de la location à l’Hexagone. Le locatif, la prochaine vague de fond en immobilier ?
Àla demande du magazine Les Affaires Plus, Pier-Luc Lafontaine, de Groupe Investors, a fait des simulations afin de déterminer, de la location ou de l’achat d’une copropriété, celui qui représente l’investissement le plus intéressant sur une période de 10 ans.
En se basant sur l’achat d’un condo à 300 000 dollars, payé comptant – une situation fréquente chez les baby-boomers –, ce comptable agréé a tenu compte de tous les coûts qu’entraîne ce mode de vie : taxes scolaires et foncières, frais de copropriété et taxes de bienvenue. La plus-value annuelle a été évaluée à 1,75 %. Cette acquisition a été comparée à la location d’un appartement à 1 200 dollars par mois dont le loyer augmente au rythme de l’inflation (2 % par an). Pier-Luc Lafontaine a également tenu compte du coût d’option, c’est-à-dire de la possibilité qu’ont les locataires de placer leur capital, 300 000 dollars, pour obtenir un rendement annuel de 4 %.
Résultat : financièrement parlant, l’achat procurerait un rendement très légèrement supérieur à la location, de 2 974 dollars sur une période de 10 ans. Or, cette simulation ne tient pas compte des cotisations spéciales, presque la norme dans le milieu de la copropriété, ni des réparations ni des rénovations applicables à la partie privative. Les coûts de revente de la copropriété (commission de l’agent immobilier) n’entrent pas dans le calcul. Rien ne garantit non plus que la valeur du condo augmentera de 1,75 % par an pendant 10 ans. Tout bien considéré, l’avantage est-il vraiment au profit de l’acheteur ? Pas si sûr.
Toutefois, la modification d’un seul paramètre change radicalement l’équation. Par exemple, si les locataires obtiennent un rendement sur leur placement de 6 % (tous les autres paramètres restant les mêmes), les locataires seront plus riches de 90 206 dollars. Si la plus-value du condo augmente de 3 % par an (en gardant tous les paramètres de départ), ce sont les copropriétaires qui s’en sortiront plus riches de 40 474 dollars. Morale de l’histoire : l’immobilier n’est plus synonyme d’enrichissement garanti.