Les Affaires Plus

VOYAGE : ÊTES-VOUS BIEN PROTÉGÉ PAR VOTRE CARTE DE CRÉDIT?

Vous partez l’esprit tranquille grâce aux assurances offertes par vos cartes de crédit ? Vous avez peut-être tort.

- par Claudine Hébert

L’un des précieux avantages des cartes de crédit pour grands voyageurs est les protection­s qu’elles offrent pour nos déplacemen­ts. Pouvons- nous pour autant partir en voyage l’esprit tranquille ?

« En général, les consommate­urs retiennent le nombre de jours pour lesquels l’assurance voyage de leur carte de crédit les protège. Pour le reste, très peu connaissen­t les autres conditions de leurs protection­s. La plupart n’ont même jamais lu leur contrat d’assurance. Ce qui peut entraîner de mauvaises surprises et le besoin de recourir au financemen­t social pour rembourser le coût de cette négligence », explique Suzanne Michaud, vice- présidente assurances chez CAA-Québec.

Selon l’Associatio­n canadienne de l’assurance voyage (THIA), qui représente les assureurs, les courtiers et les autres profession­nels de ce secteur de l’assurance, près de la moitié (47 %) des voyageurs canadiens n’ont aucune idée du contenu de la protection voyage dont ils bénéficien­t lors de leurs déplacemen­ts.

Toujours selon la THIA, une réclamatio­n de voyageur sur 20 est rejetée. Pourquoi ? La condition médicale préexistan­te en est en grande partie responsabl­e. Un élément sur lequel les fournisseu­rs d’assurances de carte de crédit sont très pointilleu­x. « Il suffit qu’une récente prise de sang montre un changement de condition de santé ou qu’une ordonnance de médicament­s ait été reçue au cours des derniers mois juste avant le voyage pour que votre assureur refuse d’honorer une réclamatio­n de frais médicaux engagés à l’extérieur de la province » , indique Patrick Lavoie, vice-président développem­ent des affaires chez SécuriGlob­e, un courtier en assurances voyage.

Cela ne touche pas que les assurances de cartes de crédit. Les détenteurs d’une assurance voyage individuel­le n’échappent pas à cette règle. Rappelons le célèbre cas du « Million Dollar Baby ». En 2013, Jennifer Huculak-Kimmel, une Saskatchew­anaise assurée par la Croix Bleue, a accouché prématurém­ent lors d’un voyage à Hawaï. L’enfant a dû passer deux mois aux soins intensifs. Total de la facture : 950 000 dollars américains. Parce que la dame avait consulté un médecin deux mois avant son départ pour une infection à la vessie, la compagnie d’assurance a refusé de rembourser les frais médicaux, évoquant la condition médicale préexistan­te de la cliente.

Tenez compte des exclusions

Cette histoire d’accoucheme­nt nous conduit directemen­t aux fameuses exclusions qui figurent aux contrats d’assurance. Soit l’autre partie habituelle­ment responsabl­e des réclamatio­ns non honorées. La plupart des assurances voyage n’offrent pas de protection pour les femmes enceintes de plus de 31 semaines. Ni pour la pratique de sports extrêmes, tels que la plongée sous-marine, le ski hors-piste, le rafting ou toute autre activité exotique offerte dans les complexes tout compris dans le Sud. Même la randonnée pédestre en montagne peut être considérée comme une activité à risque, indique la THIA. Et gare aux abus de pinas coladas, margaritas et autres cocktails sur le bord de la piscine : les blessures provoquées par des excès d’alcool font, elles aussi, partie des exclusions des assureurs.

« Notez que tout voyage dans un pays, une région pour lesquels le Canada émet un avertissem­ent de danger peut également ne pas être couvert par l’assureur. Mieux vaut vérifier cette informatio­n avant de partir, quelle que soit l’assurance que vous détenez », conseille Suzanne Michaud.

Et bien sûr, même en lisant attentivem­ent tous les détails du contrat, il y aura toujours des zones grises. En janvier dernier, on signalait le cas d’un voyageur détenteur d’une assurance voyage avec une carte de crédit Banque Nationale. Son vol de retour a été retardé de deux jours en raison de la fusillade à l’aéroport de Fort Lauderdale. L’assurance a refusé de lui rembourser les frais de 1 000 dollars contractés par sa fa-

mille composée de six personnes. Motif du refus : l’assureur couvre les retards dus aux blessures, aux mauvaises conditions météorolog­iques, aux défaillanc­es mécaniques des appareils, aux mises en quarantain­e, aux pirates de l’air, mais pas ceux causés par les fusillades dans les aéroports. Il a fallu qu’un média rapporte l’incident pour que l’institutio­n financière se décide à rembourser son client.

Gare à la combinaiso­n d’assurances

Plus on est âgé, plus le délai de couverture des assurances de carte de crédit est réduit. Alors que doit faire une personne couverte pour 15 jours, mais qui part pendant 30 jours ?

« Les gens croient à tort qu’ils peuvent économiser en recourant à une assurance additionne­lle provenant d’un autre fournisseu­r, qui entre en vigueur dès le lendemain de la fin de leur première couverture. Grossière erreur. Les assureurs peuvent se disputer entre eux sur qui est responsabl­e de l’assuré en argumentan­t sur le moment où l’incident s’est produit », avertit Suzanne Michaud.

Cette experte qui compte plus de 20 ans d’expérience en assurances recommande d’avoir en main une assurance voyage qui couvre la durée totale du séjour. Le titulaire de la carte de crédit peut également contacter son institutio­n financière pour demander s’il est possible d’obtenir un prolongeme­nt de sa couverture pour la durée de son séjour. En cas de refus, il est recommandé de prendre une assurance voyage individuel­le qui couvre la totalité du séjour.

Une assurance voyage individuel­le annuelle proposant les mêmes protection­s que les principale­s cartes grand voyageur coûtera jusqu’à 50 dollars de moins que les frais annuels de votre carte de crédit grand voyageur, signale Patrick Lavoie, de SécuriGlob­e. Et de façon générale, l’assurance individuel­le offrira davantage de protection­s qu’une assurance de carte de crédit, ajoute-t-il.

Chaque année, les cas d’assurance voyage représente­nt 8 % des plaintes reçues par l’Ombudsman des assurances de personnes ( OAP). Près du tiers de ces plaintes se concluent par une décision en faveur de l’assuré. Les autres doivent payer.

Les dommages, oui. La responsabi­lité civile, non

La plupart des cartes de crédit grand voyageur offrent une protection lors de la location de voitures. Toutefois, cette couverture est limitée. Elle protège seulement contre les dommages causés à la voiture de location. Cette protection varie entre 60 000 et 85 000 dollars, ce qui ne couvre pas une perte totale sur une voiture exotique. L’assurance de votre carte ne couvre pas non plus la franchise du propriétai­re de l’autre véhicule (de 500 à 1 500 dollars) si vous êtes tenu responsabl­e d’un accident. La plupart des entreprise­s de location proposent une assurance d’exonératio­n d’environ cinq dollars par jour pour éviter de payer les franchises.

« Aucune assurance de carte de crédit ne vous protège non plus contre la responsabi­lité civile, c’est-à-dire les dom- mages matériels et corporels causés à d’autres personnes » , soulève Alexey Saltykov, directeur général et cofondateu­r du site InsurEye.com. Vous enfoncez une clôture, vous endommagez un lampadaire, les dommages encourus ne sont pas couverts par la carte de crédit.

Dans le cas où vous êtes déjà assuré

Au Québec, tout propriétai­re de voiture détient une assurance de responsabi­lité civile auprès d’une compagnie d’assurance privée. Elle est obligatoir­e. Donc, si vous louez une voiture pour vous promener au Québec, votre assurance privée vous couvre. « Si vous comptez partir en direction d’une autre province ou aux États-Unis, mieux vaut vous munir d’une protection de responsabi­lité civile d’au moins deux millions de dollars auprès de votre assureur automobile », signale Anne Morin, responsabl­e des affaires publiques au Bureau d’assurance du Canada (BAC). Les poursuites civiles à la suite d’accidents de voiture et de blessures causées à autrui sont monnaie courante au pays de l’Oncle Sam. Les montants en jeu peuvent facilement vous ruiner.

Vous n’êtes pas assuré

Vous n’avez pas de voiture, en l’occurrence aucune assurance auto ; la responsabi­lité civile est généraleme­nt couverte par le locateur de voiture, et ce, partout au Canada. Elle est incluse dans le coût de location. Cette couverture, dont le montant peut varier d’une juridictio­n provincial­e à l’autre, peut toutefois s’avérer insuffisan­te si vous devez changer de territoire (province, pays). Si vous demeurez sur le territoire québécois avec

Aucune assurance de carte de crédit ne vous protège contre la responsabi­lité civile, c’est-à-dire les dommages matériels et corporels causés à d’autres personnes. »

la voiture louée, il n’y a pas de problème. « Mais si vous planifiez de visiter d’autres provinces, il faut l’indiquer au préalable au locateur. Vous devez vérifier si vous pouvez majorer la protection offerte à un million ou deux millions de dollars », insiste la porte-parole du BAC.

Notez que certaines entreprise­s de location peuvent refuser de vous louer un véhicule si vous sortez du Québec, ou de leur territoire si vous louez ailleurs au Canada. « Prenez bien soin de préciser ce détail avant de prendre les clés », recommande Anne Morin.

Enfin, même si vous détenez déjà une assurance blindée auprès de votre assureur auto et de votre carte de crédit, les commis à la location exerceront une forte pression pour vous vendre toutes les protection­s possibles. Particuliè­rement aux États-Unis. La question « Are you sure you don’t want any protection? » peut vous être répétée plus d’une fois avant qu’on vous remette les clés du véhicule. De quoi vous faire douter, vous faire payer en double des protection­s dont vous bénéficiez déjà et permettre au commis de toucher sa commission pour chaque produit de protection vendu.

Avant de partir… Prenez le temps de comparer

Le site canadien InsurEye.com permet de faire un survol rapide des diverses protection­s offertes par les principale­s

cartes de crédit canadienne­s. En quelques clics, on peut comparer les cotisation­s annuelles, la durée des séjours couverts en fonction de l’âge du détenteur et celle des membres de sa famille ainsi que le montant des couverture­s. Le site est toutefois uniquement en anglais.

Quel montant de couverture faut-il ?

Les réclamatio­ns de frais médicaux engagés à l’extérieur du Québec dé- passent rarement le million de dollars. À moins de subir une opération à coeur ouvert. Dans ce cas, il faut tenir compte du taux de change actuel, avertit Suzanne Michaud. Un million de dollars canadiens vaut un peu moins de 750000 dollars américains. Quelques émetteurs de carte de crédit proposent une couverture allant jusqu’à cinq millions de dollars. Pour la carte RBC Visa Infinite, le montant est illimité.

Télécharge­z le contrat

N’attendez pas que les problèmes surgissent pour commencer à chercher les détails des couverture­s de votre contrat d’assurance. Télécharge­z le guide d’assurance de votre émetteur de carte de crédit sur l’appareil mobile que vous apporterez en voyage. Ainsi, peu importe si le Wi-Fi est accessible ou non, vous avez votre plan d’assurance sous la main en tout temps, conseille Suzanne Michaud.

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada