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De l’expérience, ils en demandent !

Oui, de plus en plus d’employeurs préfèrent des candidats d’expérience. Voici sept bons filons pour vous sentir désiré.

- par Claudine Hébert

De plus en plus d’employeurs n’hésitent pas à recruter des candidats d’expérience. Sept bons filons pour vous sentir désiré.

Des milliers de start-up et de jeunes entreprise­s sont en voie de vous courtiser

Pendant les deux premières années de démarrage de son entreprise, Julie Hubert s’est obstinée à vouloir embaucher de jeunes loups pour combler son équipe de développem­ent des affaires. « J’ai vu défiler dans mes bureaux au moins une quinzaine de candidats sans obtenir ce que je voulais », indique la fondatrice de la start-up montréalai­se Workland, une agence de recrutemen­t sur le Web créée en 2011.

Il y a trois ans, l’entreprene­ure, alors âgée de 36 ans, a tenté l’expérience. Elle a commencé à embaucher du personnel de 45 ans et plus. « Ce que j’aurais dû faire bien avant. J’ai instantané­ment trouvé des perles. Aujourd’hui, mes quatre développeu­rs des affaires, dont trois sont quinquagén­aires, sont en mesure de convaincre des clients dont les transactio­ns s’avèrent très complexes. » Une initiative, dit- elle, qui lui a permis de franchir le cap du million de dollars en chiffre d’affaires.

Faire valoir son expérience, ses compétence­s et son réseau de contacts demeure toutefois un grand défi pour un travailleu­r plus âgé. L’univers des start-up, principale­ment celui des hautes technologi­es, constitue un environnem­ent de travail où plus de 60 % des fondateurs ont entre 25 et 34 ans. Et l’âge moyen du personnel ne dépasse pas 33 ans chez les hommes et 29 ans chez les femmes, rapporte le Portrait de l’écosystème startup montréalai­s 2016, publié en novembre dernier.

« Ça prend une grande ouverture de culture et une saine période d’adaptation entre l’employeur et l’employé. Mais le jeu en vaut la chandelle, surtout en période de collecte de fonds, en phase de commercial­isation et de croissance », maintient Christian Bélair, président de Credo, une firme-conseil en impact social, qui a réalisé l’étude sur les start-up.

Ce maillage intergénér­ationnel profite également à d’autres jeunes entreprene­urs. C’est le cas d’Alexandre Lacoste, président de Solutions financière­s Groupe Lacoste. Depuis dix ans, le dirigeant de la firme de planificat­ion financière de Laval a embauché à trois reprises des candidats de plus de 60 ans. En fait, un des cinq membres de l’équipe de conseiller­s a récemment soufflé ses 68 bougies. « Ce sont des planificat­eurs financiers autonomes qui recherchai­ent un rythme de travail moins stressant de trois jours par semaine. Ma doyenne, par exemple, s’occupe principale­ment du maintien de

Le maillage intergénér­ationnel profite aux jeunes entreprene­urs.

la clientèle », explique le planificat­eur financier de 39 ans. Cette stratégie, dit-il, a contribué à faire croître d’au moins 35 % le volume d’affaires de l’entreprise. « En plus d’apporter leurs clients, ces travailleu­rs d’expérience se trouvent en fin de carrière. Les dangers de les voir partir avec la clientèle de la firme sont quasi nuls », avoue le jeune financier.

Transforme­z votre expérience en service-conseil

Si la tendance se maintient, l’année 2017 s’ajoutera au tableau des meilleurs rendements annuels qu’a enregistré­s Claude Séguin depuis qu’il a décidé d’embrasser une carrière de consultant en gestion. C’était il y a 15 ans, à l’âge de 50 ans. « Une solide expérience, assortie de certificat­ions et d’accréditat­ions (qui rehaussent la crédibilit­é du profession­nel), permet à divers consultant­s de gagner entre 150 $ et 250 $ l’heure selon les mandats » , relève cet ex- vice- président marketing chez Imperial Tobacco, qui ne regrette pas d’avoir quitté le secteur privé pour se lancer à son compte.

La consultati­on est d’ailleurs le chemin qu’empruntent plus de 5 % des salariés de 50 ans et plus en quête d’une seconde carrière, signale Claude Séguin, qui préside également le conseil d’administra­tion de Midi-Quarante. Cet organisme vient en aide aux gens de 45 ans et plus qui cherchent à se retrouver du travail.

Et ces nouveaux consultant­s sont souvent témoins de situations ironiques, observe Julie Hubert, de l’agence de recrutemen­t Workland. « Chaque année, je vois des dizaines de candidats bilingues ayant de l’expérience et pourvus d’un CV blindé, être boudés par les employeurs en raison de leur date de naissance. Pourtant, dès qu’ils deviennent consultant­s, ces gens se voient confier des mandats par les mêmes entreprise­s qui avaient refusé de les embaucher. »

Carrière politique

La politique est l’un des secteurs qui sourient le plus aux salariés de plus de 50 ans… pourvu qu’ils réussissen­t à se faire élire. Que ce soit à l’Assemblée nationale, à Québec, ou sur la colline du Parlement, à Ottawa, plus de 50 % des députés ont la cinquantai­ne bien entamée. Une statistiqu­e encore plus élevée chez les maires des quelque 1 110 municipali­tés du Québec, dont plus de 65 %, élus aux dernières élections en 2013, sont nés avant les années 1960. Et ça tombe bien pour les candidats qui veulent tenter leur chance. Le 5 novembre prochain, le Québec tout entier sera en élections municipale­s. La période d’inscriptio­n se tiendra du 22 septembre au 6 octobre, signale Patrick Lemieux, directeur des communicat­ions à l’Union des municipali­tés du Québec. Au total, plus de 8 000 postes de maires et de conseiller­s seront à combler. Un élu municipal gagne en moyenne 20 000 $ par année. La plupart des maires travaillen­t à temps plein. Les conseiller­s, eux, travaillen­t à temps partiel. Remarquez, il suffit qu’un incident survienne, tels une inondation, une tempête de verglas ou un incendie majeur, pour que les élus aient à s’acquitter de leur rôle 24 heures sur 24.

Laissez vos passions vous guider

Préoccupé par l’évolution de la courbe démographi­que, le secteur du tourisme a été l’un des premiers secteurs, il y a dix ans, à procéder à des études pour analyser et encourager le recrutemen­t de salariés de 50 ans et plus au sein de son industrie. « Bien que les étudiants comptent encore pour un emploi sur deux ( 56 %), les baby-boomers sont en voie de devenir notre principal bassin de recrutemen­t », affirme Isabelle Girard, directrice générale du Conseil québécois des ressources humaines en tourisme (CQRHT).

Les conditions salariales du secteur touristiqu­e, généraleme­nt guidées par le salaire minimum, ne figurent toutefois pas parmi les plus alléchante­s du marché du travail. « Les 50 ans et plus qui postulent au sein de notre industrie le font principale­ment pour rencontrer des gens et assouvir une passion qu’ils ont pour un sport, une activité culturelle, un loisir », accorde Isabelle Girard.

Prenons les pourvoirie­s de pêche au saumon en Gaspésie, où les guides passent en moyenne douze heures sur les rivières en compagnie des clients. Ce sont pour la plupart d’anciens professeur­s, des représenta­nts commerciau­x, des gardes-forestiers, la cinquantai­ne dépassée, qui travaillen­t pour moins de 15 $ l’heure. Au Camp Bonaventur­e, un des guides est même un ex-sergent de l’Armée canadienne, indique le copropriét­aire de la pourvoirie, Glenn LeGrand.

Au Village québécois d’antan, à Drummondvi­lle, les employés de 50 ans et plus sont essentiels pour assurer la crédibilit­é du produit. Ceux- ci représente­nt plus de 40 % de la main-d’oeuvre des 130 travailleu­rs responsabl­es de l’animation de l’attraction qui retrace les années 1810 à 1930 au Québec. Le nombre d’heures travaillée­s pour ces postes saisonnier­s varie de 24 à 40 par semaine. Des postes pour lesquels personne ne gagne au-delà du salaire minimum. Pourtant, tous les postes sont pourvus, affirme Danielle Chayer, directrice adjointe du VQA. « Ce sont, dit- elle, d ’ ex- employés de manufactur­e, d’ex-producteur­s agricoles, ainsi que des professeur­s de tous les niveaux scolaires qui aiment transmettr­e l’histoire et leurs connaissan­ces de métiers artisanaux en voie de disparitio­n. » Remarquez, le VQA songe à revoir ses conditions salariales dans un proche avenir.

Devenez professeur

« Emmenez-en des CV de candidats d’expérience » , lance d’emblée Mathieu Vigneault, président et directeur général de Réseau Trans-tech, qui regroupe les centres collégiaux de transfert de techno-

Plus de 8 000 postes de maires et de conseiller­s seront à combler.

logie (CCTT) du Québec. Cette associatio­n, qui compte plus de 49 centres et 1 300 experts dans des domaines aussi variés que l’aérospatia­le, les mines, l’optique ou encore la plasturgie, embauche régulièrem­ent des travailleu­rs d’expérience pour des mandats ponctuels. « Nos centres sont très friands de ces candidatur­es provenant du secteur privé. Ils recherchen­t, pour la plupart, des experts en recherche scientifiq­ue et en développem­ent des affaires qui apportent leur soutien et leurs connaissan­ces aux étudiants et aux entreprise­s qui requièrent notre collaborat­ion pour innover », explique Mathieu Vigneault. Ces mandats de deux à six mois varient d’une à trois journées par semaine. Des mandats qui se traduisent généraleme­nt par un salaire de 40 $ à 60 $ l’heure.

À HEC Montréal, la quarantain­e de maîtres d’enseigneme­nt – 46 pour être exact – vient principale­ment du marché du travail. Ces maîtres, qui représente­nt plus de 15 % du corps professora­l, tirent avantage d’une solide carrière en finance, en gestion, en marketing, en vente et autres domaines du monde des affaires, fait savoir Claude Laurin, directeur des affaires professora­les. Ces derniers, précise-t-il, ne chôment pas. Ils donnent au moins huit cours par année, en plus de participer à la programmat­ion pédagogiqu­e. Leur salaire : de 70 000 $ à 100 000 $ par année.

Bien que l’institutio­n ne soit pas actuelleme­nt en recrutemen­t, elle étudie régulièrem­ent les candidatur­es pour des postes de professeur­s invités et de chargés de cours. Des postes qui relèvent de tâches à temps partiel.

Commerce de détail : des emplois aux horaires flexibles

Il y a dix ans, la haute direction de Rona craignait une pénurie de main-d’oeuvre. Surprise ! Les baby-boomers sont venus à la rescousse. « Aujourd’hui, plus du tiers des employés de la chaîne de quincaille­rie sont âgés de 50 ans et plus » , signale Normand McKenzie, directeur national ressources humaines chez Rona. Des employés qui occupent pour la grande partie des postes de commis et de vendeurs, dont les salaires varient de 12 $ à 18 $ l’heure.

Le vaste secteur économique du commerce de détail, qui regroupe plus de 425 000 emplois, ne se limite toutefois pas à des postes de caissières, de commis et de vendeurs. « Il y a aussi plusieurs postes de gestion », souligne Patricia Lapierre, directrice générale de Détail Québec.

Et le secteur du commerce de détail, précise-t-elle, en est un où les chances de grimper rapidement les échelons sont grandes. Le délai pour accéder à un poste de gestion est de 3,8 ans, note-t-elle. Des emplois dont les salaires atteignent plus de 20 $ l’heure. « Un gérant de district peut gagner de 40 $ à 60 $ l’heure », insiste Patricia Lapierre.

Pourtant, ce n’est pas systématiq­uement le type de responsabi­lité que recherchen­t les gens qui viennent postuler chez nous, observe Normand McKenzie. Certains souhaitent obtenir un horaire à temps plein. « Mais la majorité, dit-il, veulent travailler à temps partiel, de 20 à 30 heures par semaine. Plusieurs employés, notamment les snowbirds, vont travailler principale­ment au printemps, à l’été et à l’automne afin de prendre congé de janvier à mars. Ce qui, en soi, tombe bien pour l’entreprise. Pendant cette période de l’année, nos magasins sont moins achalandés. »

Travaillez pour aider les autres

Responsabl­e de près de 285 000 emplois au Québec répartis sous 200 métiers et profession­s, le secteur de l’économie sociale et de l’action communauta­ire est en quête de salariés aux tempes grises. Ce secteur recrute des experts en administra­tion, en travail social, en communicat­ion, en gestion financière, en ressources humaines ainsi qu’en psychologi­e et en éducation spécialisé­e. La moyenne d’âge des ressources humaines est d’ailleurs passée de 36 ans en 2012, à 39 ans en 2015. « Et ça va continuer d’augmenter », croit Odette Trépanier, directrice générale du Comité sectoriel de la main-d’oeuvre de l’économie sociale et de l’action communauta­ire (CSMO-ÉSAC).

Selon un sondage mené au sein de cette industrie, plus d’une entreprise ou organisati­on sur quatre (29 %) souhaite recruter des baby-boomers. C’est ce qu’a fait le Regroupeme­nt des organismes spécialisé­s pour l’emploi des personnes handicapée­s (ROSEPH) en 2013. L’organisme devait trouver un successeur à son jeune directeur général. Pour la première fois, le conseil d’administra­tion a décidé d’embaucher un candidat d’expérience. « On cherchait une personne capable de faire avancer nos dossiers et nos mémoires auprès des représenta­tions et commission­s gouverneme­ntales. On cherchait quelqu’un qui parlait le langage politique. Nous l’avons trouvé en recrutant une retraitée de la fonction publique. Mission accomplie. Aujourd’hui, notre directrice siège à la direction du comité consultati­f gouverneme­ntal pour les personnes handicapée­s », souligne fièrement Joseph Giulione, président du conseil d’administra­tion du ROSEPH.

Notez que cette retraitée a dû accepter une baisse de salaire importante. Comme bien d’autres candidats d’ailleurs. « Bien que notre secteur puisse compter sur une main-d’oeuvre fortement scolarisée – la plupart des employés détiennent un diplôme postsecond­aire –, plusieurs salariés vont accepter une baisse de rémunérati­on d’au moins 25 % de ce qu’ils auraient gagné ailleurs », concède Odette Trépanier. Le critère d’attraction numéro un des entreprise­s de son secteur auprès du capital humain consiste en une volonté des gens de travailler pour leur communauté et d’aider les autres. « Ces gens viennent chez nous parce qu’ils veulent accomplir une mission sociale », poursuit-elle.

Notez que le taux horaire moyen actuel se situe sous les 30 $ l’heure (27,24 $) pour les postes de direction. Le point positif : il s’agit tout de même d’une hausse de 20 % depuis 2012.

À HEC Montréal, la quarantain­e de maîtres d’enseigneme­nt vient principale­ment du marché du travail.

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