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Le risque des actions privilégié­es

Ils disent offrir stabilité et rendements. Et si ce n’était que du vent ?

- par Ian Gascon

Récemment, un fonds privé d’EnerVest qui a investi dans les énergies fossiles semble s’être effondré, ce qui a entraîné la perte probable de pratiqueme­nt tout le capital investi. C’est une belle occasion d’illustrer un aspect peu connu des fonds privés : le risque de liquidité.

Depuis plusieurs années, les investisse­urs institutio­nnels placent une partie de leur allocation dans des fonds privés. Généraleme­nt, les actifs détenus dans ces fonds sont peu liquides et les investisse­urs y voient la possibilit­é d’obtenir un meilleur rendement en étant rémunérés pour ce risque de liquidité. En contrepart­ie, les investisse­urs acceptent d’investir pour plusieurs années, sans pouvoir retirer leur avoir. C’est une contrainte essentiell­e afin de permettre aux fonds de traverser certaines périodes potentiell­ement plus difficiles sans devoir liquider les actifs sous-jacents.

De plus en plus, des fonds similaires sont offerts aux particulie­rs fortunés. C’est une façon pour les firmes de gestion privée d’offrir un produit différenci­é et d’attirer une clientèle qui cherche un produit auquel n’ont pas accès les plus petits investisse­urs. Souvent, un des principaux arguments de vente de ces fonds est qu’ils offrent un rendement comparable à celui du marché boursier avec moins de risque. Est-ce vraiment le cas ?

Si l’on se fie aux présentati­ons marketing et aux rendements publiés de plusieurs fonds privés, ça semble être souvent le cas. Mais ce qui est moins transparen­t, c’est la façon dont les rendements sont calculés, et cela peut changer du tout au tout l’analyse qu’en ferait un investisse­ur bien informé.

Pour un fonds commun de placement ou un fonds négocié en Bourse, la juste valeur marchande est généraleme­nt facile à calculer, puisque le prix des actifs est établi quotidienn­ement par les marchés. Or, dans le cas des fonds privés, les actifs détenus sont rarement négociés sur les marchés boursiers. Pour publier un rendement mensuellem­ent, les fonds ont souvent recours à des modèles mathématiq­ues qui estiment la juste valeur marchande des actifs. Ces modèles sont rarement aussi efficaces que les marchés à refléter les changement­s dans l’environnem­ent économique, politique ou autre. Le résultat est que les rendements publiés sont plutôt stables, jusqu’au moment où un événement important force le gestionnai­re du fonds à modifier son modèle pour y refléter un élément imprévu. La plupart du temps, si cette situation se produit, c’est un ajustement négatif qui sera fait.

Généraleme­nt, les fonds privés donneront l’impression d’offrir des rendements plus stables, mais dans les faits, c’est souvent une illusion qui reflète une absence de transparen­ce dans les prix des actifs sous-jacents. L’avantage d’offrir un rendement plus stable permet alors aux fonds privés d’attirer des actifs supplément­aires, de facturer des frais plus élevés et de convaincre les investisse­urs d’investir pour plusieurs années sans possibilit­é de retrait. Bref, ce ne sont pas des caractéris­tiques que recherche un investisse­ur bien informé.

De par leur mandat, les grandes caisses de retraite ont un horizon de placement beaucoup plus long qu’un particulie­r et sont bien équipées pour analyser les avantages et les inconvénie­nts des fonds privés, mais l’investisse­ur fortuné l’est probableme­nt beaucoup moins. Il est important de comparer des occasions d’investisse­ment sur des bases comparable­s, et souvent, dans le cas des fonds privés, les comparaiso­ns sont malheureus­ement biaisées.

Un particulie­r n'est pas équipé comme une caisse de retraite pour analyser ce genre d'actif. »

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Ian Gascon Gestionnai­re de portefeuil­le

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