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La voie du droit

Suzanne Boisvert est retournée sur les bancs d’école à 46 ans pour réaliser un rêve : devenir avocate. Portrait d’une battante.

- par Martine Roux

C’est pour défendre les intérêts des personnes lésées que Suzanne Boisvert rêvait depuis l’adolescenc­e de devenir avocate. « J’ai toujours eu la passion du droit », raconte cette femme de 57 ans à la poignée de main ferme et au regard franc.

Le destin a voulu qu’elle accompliss­e tardivemen­t sa vocation. Sa mère monoparent­ale n’ayant pas les moyens de lui payer des études supérieure­s, Suzanne met son rêve entre parenthèse­s dès la fin de l’école secondaire. D’abord secrétaire, puis courtière en immobilier, elle donne naissance à son premier enfant en 1987, à l’aube de la trentaine.

De fil en aiguille, elle occupe des postes à responsabi­lités pour deux entreprise­s de gestion immobilièr­e. « Ce que j’aimais par-dessus tout, c’était le volet juridique. » Durant la décennie 1990, elle gère ainsi des centaines de propriétés réparties entre Knowlton et SainteAdèl­e. En 2002, elle lance sa propre affaire de consultati­on en gestion immobilièr­e.

En 2005, elle encaisse un coup dur : une décision de la Cour supérieure du Québec fait en sorte qu’elle ne peut plus représente­r les intérêts des propriétai­res devant les tribunaux administra­tifs. « C’est là que j’ai décidé de retourner aux études, à 46 ans, dit-elle, d’autant que les enfants étaient grands. »

Zéro marge d’erreur

Comme elle n’a pas fréquenté le cégep, elle doit d’abord suivre un programme d’accès aux études universita­ires, puis un certificat en droit. Son admission à la Faculté de droit n’est pas garantie et dépendra entre autres de ses notes… « Vu mon âge, il n’y avait pas de marge d’erreur. »

Admise à la Faculté de droit de l’Université de Montréal après moult rebondisse­ments, elle arrive dans son premier cours à 48 ans.

Elle étudie à temps plein, tout en continuant à travailler comme consultant­e en gestion immobilièr­e ! Même que pendant une session, elle prend six cours au lieu des cinq habituels. C’était ça ou elle retardait d’un an son entrée à l’École du Barreau, explique-t-elle en parlant du « calvaire » qu’elle a vécu cette année-là. Au bout du parcours, lors des examens de ce fameux Barreau, elle était tellement épuisée qu’elle s’est mise à pleurer en pleine salle de classe.

Quelques semaines plus tard, lorsque l’enveloppe qui contient les résultats arrive, elle prend une grande respiratio­n avant de l’ouvrir. Elle a alors 51 ans. « Je me suis dit que si je n’avais pas réussi les examens, je ne les refaisais pas. C’était trop gros. »

Elle a été admise et mène aujourd’hui sa petite étude spécialisé­e en droit immobilier, en litige civil et en droit successora­l. « Je suis plus heureuse et plus épanouie qu’avant. Ce n’est pas ce qu’il y a de plus rentable, mais j’ai la liberté de choisir mes clients. Ça vaut de l’or. »

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Suzanne Boisvert

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