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Exit les tours d’habitation au mode de vie spartiate, les nouveaux complexes locatifs ressemblen­t de plus en plus à des complexes touristiqu­es. Pleins feux sur le renouveau du marché locatif.

- par Simon Diotte

De plus en plus de nouveaux immeubles locatifs ressemblen­t à des complexes touristiqu­es qui n’ont rien à envier aux tours de copropriét­és.

Comment renouveler l’offre locative ? En s’inspirant des bonnes pratiques dans le milieu des résidences pour aînés. C’est de cette façon que Réseau Sélection, l’un des plus importants gestionnai­res de complexes pour le troisième âge de la Belle Province, vient de lancer un concept locatif pour attirer la génération du millénaire : les appartemen­ts Yimby, acronyme de Yes in my backyard, dont le premier complexe de 122 unités accueiller­a ses premiers locataires en juillet prochain dans le quartier Rosemont, au coeur de Montréal.

Le concept: un appartemen­t tout-inclus, comprenant mobilier intégré, électromén­agers, Internet et système de son sans fil et eau chaude. Seule l’électri- cité n’est pas incluse. Les futurs résidents, qui vivront dans une superficie moyenne de 575 pieds carrés, n’auront qu’à déménager un sofa, quelques chaises et un matelas et hop ! bonjour la visite ! Les loyers oscilleron­t entre 995 et 1 700 dollars par mois.

En plus de leur appartemen­t, les locataires profiteron­t d’une multitude d’aires communes conçues pour favoriser les activités sociales, comme un lounge, une cuisine collaborat­ive, un espace de travail partagé et une terrasse sur le toit avec brumisateu­r. Yimby comptera même un gestionnai­re de communauté (également responsabl­e de la location), dont le travail sera d’animer l’immeuble, tel un G.O. dans un Club Med, en organisant des activités comme des cours de yoga ou des ateliers d’ébénisteri­e.

« Les gens de toutes les génération­s qui visitent nos complexes pour retraités nous répètent continuell­ement : "Si seulement je pouvais profiter du même train de vie !" De là nous est venue l’idée d’adapter la formule à la génération du millénaire », explique Philippe Olivier Bouclin, directeur, Programmat­ion et projets spéciaux chez Réseau Sélection, lui-même un jeune de 24 ans.

Issu du monde de la publicité, Carl Godbout, 29 ans, a été séduit par ce mode de vie. « Si je compare le Yimby aux appartemen­ts traditionn­els dans le même quartier, le surcoût du loyer est minime, mais les avantages, extrêmemen­t nombreux. En outre, je vais profiter d’une unité à aire ouverte avec un mobilier spécialeme­nt conçu pour maximiser l’espace, ce que je n’aurais pas dans un vieil appartemen­t mal divisé, mal insonorisé et mal isolé », dit le futur locataire qui venait de signer un bail au moment de l’entrevue. Ce célibatair­e apprécie également la flexibilit­é qu’offre la location. « Si j’achetais une propriété, j’aurais l’impression de m’enchaîner à Montréal alors que j’ai encore en tête d’aller vivre en Europe ou aux États-Unis », témoigne cet Abitibien d’origine.

Au contraire des X, les Y (ou génération du millénaire) ne se pressent pas pour accéder à la propriété. « Ils ne considèren­t plus la location comme une étape temporaire dans leur vie » , affirme Philippe Olivier Bouclin. Côté marketing, Yimby fait les choses autrement. Réseau Sélection a transformé un véhicule motorisé Airstream – mythique pour son design en aluminium – en bureau de location, symbolisan­t ainsi le caractère mobile des Y. Cette caravane se déplace dans les festivals en vue de rameuter les jeunes.

Bien que conçus en tenant compte des aspiration­s des 35 ans et moins, ces logements pour jeunes n’excluent pas les autres génération­s. « Notre public cible comprend tous les gens ayant un esprit jeune », précise Philippe Olivier Bouclin. La difficulté d’accéder à la propriété, avec le resserreme­nt des règles hypothécai­res, pourrait contribuer à propulser ce modèle.

Si les jeunes sont dans la mire des promoteurs, les 50 ans et plus ne sont pas en reste. Des complexes locatifs « 55 + lifestyle », selon le jargon du milieu, envahissen­t le marché. Ils ressemblen­t à s’y méprendre à des tours de condos, mais attirent des résidents qui veulent se libérer des contrainte­s associées à la propriété. « Ce sont des logements qui comblent le fossé entre l’unifamilia­le et les résidences pour personnes âgées », explique Claude Paré, consultant en développem­ent immobilier chez D’ici 2031.

Là où les jeunes et les moins jeunes se rejoignent, c’est dans leur appétit pour les tout-inclus avec abondance de commodités. « Si je pouvais inclure la femme de ménage dans le loyer, les locataires seraient encore plus heureux », affirme Laurence Vincent, coprésiden­te de Prével, maître d’oeuvre du complexe 21e arrondisse­ment, qui mêle copropriét­és et appartemen­ts locatifs dans le Vieux- Montréal. Tous les promoteurs cherchent actuelleme­nt à inclure le maximum de services. On parle par exemple de livraison de repas préparés par des fournisseu­rs ou d’une applicatio­n mobile qui téléphone automatiqu­ement aux locataires vieillissa­nts pour s’assurer qu’ils vont bien.

Les médecins à la retraite Réal Thuot et Élène Lavoie-Thuot déménagero­nt cet été dans un cinq et demie dans le complexe EVOL (le mot « Love » à l’envers), un parfait 55 + lifestyle, avec piscine, stationnem­ent intérieur pour voiture et triporteur, gym et salle de yoga, à Saint-Jean-sur-Richelieu. « Pour vivre dans le même genre d’appartemen­t en copropriét­é, on aurait dû payer au moins 500000 dollars. Or, selon nous, c’est plus rentable de laisser notre capital dans nos placements que de l’immobilise­r dans une copropriét­é et, en plus, on n’a aucune gestion à faire », dit Élène Lavoie-Thuot, jeune septuagéna­ire comme son mari.

« Les gens recherchen­t maintenant du haut de gamme, mais en locatif, et veulent demeurer à proximité des services », constate Pierre Moffet, président de Douville Moffet et Associés, promoteur de Quartier QB, immense complexe locatif de 600 appartemen­ts dans l’arrondisse­ment de Sainte- Foy– Sillery– CapRouge, à Québec, qui attire aussi des étudiants et des célibatair­es. « Nos locataires aiment la mixité de clientèle », affirme Pierre Moffet. Le prochain complexe locatif de cet important joueur de la Vieille Capitale, La Suite, comprendra en plus des stations d’entraîneme­nt exté- rieur. « On constate aussi, chez les retraités, qu’ils ne veulent pas laisser une copropriét­é en héritage à leur succession », ajoute Pierre Moffet.

Dans la grande région de Montréal, en plus des Y et des 55 ans et plus, l’arrivée massive de nouveaux résidents venant d’ailleurs propulse l’engouement pour le locatif, affirme Francis Cortellino, analyste de marché à la SCHL. « De juin 2016 à juin 2017, 15000 résidents non permanents se sont établis à Montréal, du jamais vu depuis une quinzaine d’années », dit-il.

L’éclosion de cette nouvelle offre locative constitue, selon Michel Max Raynaud, professeur à l’École d’urbanisme de l’Université de Montréal, une excellente nouvelle pour la cité de Valérie Plante. « Avec l’émergence de ces complexes locatifs haut de gamme, Montréal se compare maintenant aux autres grandes villes du monde au chapitre de l’offre. La métropole devient plus attrayante pour les étrangers » , conclut-il.

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