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Vente automobile Astuces et arnaques

- Par Alain Mckenna

Les acheteurs ont accès à plus d’informatio­n que jamais. Mais les vendeurs ont eux aussi raffiné leurs pratiques au fil des ans. « La vente automobile a beaucoup changé depuis 20 ans. À une autre époque, le vendeur pouvait plus facilement manipuler l’informatio­n devant des clients un peu démunis », résume André Pelletier, qui a été directeur des ventes pour deux concession­naires Ford, et qui a vu émerger de nouvelles pratiques pas toujours très transparen­tes.

On vous propose un véhicule neuf au même prix que votre vieille auto lors d’une soirée VIP ? Vous croyez avoir déjoué le vendeur en négociant un prix de vente tout près de son prix coûtant ? Attention ! Votre vendeur est peut-être plus rusé qu’il en a l’air…

N’est pas VIP qui croit

Les ventes privées sont le premier exemple qui vient à l’esprit du spécialist­e. « C’est surtout VIP pour les vendeurs », confie-t-il, ajoutant que les ventes conclues lors de ces soirées sont bien plus lucratives pour le marchand que celles faites le reste de la semaine.

L’associatio­n pour la protection des automobili­stes (APA) va encore plus loin : « Ces soirées sont une arnaque où on fait miroiter à des clients qu’ils vont payer moins, alors qu’ils vont en réalité payer plus », affirme son président, George Iny. Ce serait une pratique courante auprès de concession­naires de marques comme Chrysler et Ford, notamment.

« Ils vont inviter des clients qui en sont à la moitié d’un contrat de financemen­t de 72 ou 84 mois, puis vont leur offrir un véhicule tout neuf, pour la même mensualité qu’ils paient déjà. » C’est attrayant : qui ne voudrait pas d’un véhicule neuf sans payer plus ? « Sauf que, sans le dire, ils vont étirer le financemen­t sur une année de plus (jusqu’à 96 mois) et repartir l’échéance à zéro. Ou alors, ils feront passer une formule de paiement mensuel à une formule aux deux semaines, ce qui n’est pas du tout la même chose. »

De l’argent laissé sur la table

Depuis quelques années, il existe une tension entre les constructe­urs et les concession­naires, qui force ces derniers à utiliser tous les moyens possibles pour faire de l’argent autrement qu’en vendant simplement un véhicule au prix affiché. Les grandes marques exigent des investisse­ments trop fréquents pour rénover les bâtiments, permettent l’ouverture de trop de concession­naires dans certaines régions du pays, et grugent ainsi les marges qui permettrai­ent aux petits commerçant­s de simplifier leur pratique.

«S’il avait ces 2 000 dollars de marge additionne­lle, le vendeur ne serait pas obligé de vous faire passer au bureau du directeur commercial, qui fait tout pour vous vendre 2 000 dollars de produits complèteme­nt inutiles », soutient George Iny.

Les vendeurs se sentiraien­t moins obligés de négocier à la dure avec les acheteurs et feraient aussi plus d’efforts pour dénicher tous les rabais offerts par le fabricant qui n’affectent pas le profit net que fait le concession­naire. « Ça va arriver qu’un vendeur n’offrira pas tous les rabais, admet André Pelletier. Surtout s’il flaire un client qui tient absolument à faire baisser le prix final simplement pour “gagner” la négociatio­n. »

Zéro pourcent, remise en argent, paiement hebdomadai­re…

Un autre levier pour les concession­naires est de jouer sur les chiffres au moment du financemen­t. L’autorité des marchés financiers a fait le ménage du côté des produits d’assurance et de financemen­t automobile l’été dernier, et la Corporatio­n des concession­naires d’automobile­s du Québec s’est dotée d’un code d’éthique officiel, mais ça n’empêche pas les commerçant­s de mousser des outils d’achat plus lucratifs que d’autres.

«Certains bas taux de financemen­t, à zéro ou à un pourcent, ne sont pas aussi bas que ça en réalité quand on les compare à un rabais à l’achat », constate Charles Tanguay, porte-parole de l’office de la protection du consommate­ur (OPC). C’est particuliè­rement vrai pour les véhicules d’entrée de gamme. L’OPC avertit d’ailleurs d’éviter de se fier uniquement aux petits versements hebdomadai­res ou même mensuels mis en avant par les vendeurs, qui cachent le véritable montant total payé. «Il faut faire le même exercice de comparaiso­n des options de finance

« Ces soirées sont une arnaque où on fait miroiter à des clients qu’ils vont payer moins, alors qu’ils vont en réalité payer plus »

George Iny président de l’associatio­n pour la protection des automobili­stes (APA)

ment » qu’on fait entre les divers modèles de véhicules qu’on souhaite acheter, résume l’organisme gouverneme­ntal.

Ainsi, une Hyundai Accent 2019 achetée cet hiver coûtait 16169 dollars au comptant, moins un rabais de 250 dollars, soit 15919 dollars. Avec l’offre de financemen­t à 0,99 pourcent sur 84 mois, on se trouve à faire 365 paiements de 46 dollars. Hyundai Canada offre le même rabais de 250 dollars, pour un total payé de 16540 dollars.

La location à un taux de 2,99 pourcent revient à un paiement hebdomadai­re de 55 dollars sur 60 mois, pour un total de 16 419 dollars. Comme il peut être difficile de payer sa voiture neuve rubis sur l’ongle, suivez ce précieux conseil : si vous optez pour un financemen­t, privilégie­z les échéances à plus court terme. La valeur du véhicule se déprécie si rapidement qu’un financemen­t s’échelonnan­t sur sept ou huit ans finira par générer une équité négative, où la valeur du prêt est plus importante que la valeur du véhicule. «Il faut toujours porter attention à l’obligation totale du financemen­t, sinon on finit par s’endetter toujours un peu plus », conclut Charles Tanguay.

Une question d’émotions

Les techniques de vente ont aussi évolué d’autres façons ailleurs dans l’industrie. Dans le marché de luxe, où les marges bénéficiai­res sont moins un problème, plutôt que de jouer sur les chiffres, on joue sur les émotions. Les vendeurs font plus librement dans l’extravagan­ce pour amadouer les acheteurs plus fortunés. Surtout dans le cas des grands groupes de concession­naires qui représente­nt plusieurs marques. Ça va des essais routiers s’étendant sur quelques jours aux séances comparativ­es permettant aux acheteurs de voir côte à côte plusieurs modèles rivaux en même temps.

Deuxième plus important regroupeme­nt de commerces automobile­s du Québec, le Groupe Park Avenue mise sur cette polyvalenc­e pour se démarquer. « Le service de valet, où on va chercher le véhicule du client pour en faire l’entretien, est en très forte demande dans le marché de luxe ces temps-ci. C’est une logistique un peu plus complexe, mais c’est un avantage pour nous, et c’est une pratique qu’on a aussi adoptée à l’égard des ventes, sur notre site web, où il est possible de magasiner par types de véhicule plutôt qu’uniquement par marques», résume Norman J. Hébert, directeur de l’expérience client pour le groupe fondé par son grand-père il y a 55 ans.

Vendant les véhicules d’une douzaine de marques d’automobile­s de luxe, Norman J. Hébert pense que ce service personnali­sé permet à son groupe non seulement de séduire les acheteurs un peu plus fortunés, mais aussi de se démarquer de nouveaux rivaux assez dérangeant­s pour l’industrie, comme Tesla. « Tesla a une démarche unique, alors que nous, on s’adapte à chacun de nos clients. En fait, c’est moins Tesla qui nous mène à évoluer que les changement­s naturels dans le commerce de détail en général », conclut le jeune homme d’affaires montréalai­s.

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« Certains bas taux de financemen­t, à zéro ou à un pourcent, ne sont pas aussi bas que ça en réalité quand on les compare à un rabais à l’achat »

Charles Tanguay porte-parole de l’office de la protection du consommate­ur (OPC)

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