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Bon temps pour investir responsabl­e?

De nouveaux produits, moins chers et plus diversifié­s sont arrivés sur le marché.

- Ian Gascon Gestionnai­re de portefeuil­le ian.gascon@idema.ca

Investir à long terme tout en espérant obtenir un rendement ajusté selon le risque qui soit intéressan­t requiert deux critères fondamenta­ux : une bonne diversific­ation et une solution à faible coût.

Des options d'investisse­ment intégrant les considérat­ions environnem­entales, sociales et de gouvernanc­e (ESG) existent depuis plusieurs années, mais les deux critères fondamenta­ux étaient rarement réunis. Les fonds communs (FCP) qui étaient offerts étaient trop chers, les fonds négociés en bourse (FNB) n’étaient pas assez diversifié­s.

Le lancement de plusieurs nouveaux FNB, notamment la gamme de FNB durables de base de RBC ishares, a changé la donne. Il est maintenant possible de créer des portefeuil­les mondialeme­nt diversifié­s qui intègrent l’investisse­ment responsabl­e et dont les frais de gestion se rapprochen­t des portefeuil­les qui suivent les grands indices de marchés.

Toutes les solutions de placements dites ESG ne sont toutefois pas identiques et plusieurs éléments doivent être considérés avant de faire un choix éclairé. En voici quelques-uns.

Inclusion ou exclusion

La sélection des titres qui font partie d’un fonds ESG est parfois critiquée. Il peut en effet être surprenant de retrouver des pétrolière­s, des sociétés qui génèrent des revenus du tabac ou des armes militaires dans un fonds socialemen­t responsabl­e. Comment est-ce possible? Il y a plusieurs raisons. Certains investisse­urs ESG prétendent qu’ils pourront avoir un plus grand impact en investissa­nt dans des entreprise­s dans le but de les faire changer.

La démarche la plus souvent préconisée est d’investir dans les entreprise­s qui sont les meilleures dans leur secteur en matière de critères ESG. C’est ainsi qu’au Canada, un indice ESG peut quand même inclure des pétrolière­s.

Un rendement incertain

Un des éléments qui préoccupe les investisse­urs est le rendement espéré à long terme d’une démarche ESG. Sera-t-il supérieur ou inférieur aux rendements des grands indices de marchés qui ne tiennent pas compte des facteurs ESG dans la sélection des titres ? La réponse n’est pas évidente. Des études montrent que le rendement des titres ESG a été supérieur au cours des dernières années, mais il est assez facile, en finance, de multiplier les analyses, de modifier les critères de recherche ou de cibler une période précise pour arriver à une conclusion qui sera favorable à l’hypothèse que l’on veut défendre.

Dans le cas de l’investisse­ment responsabl­e, il peut être préférable d’analyser les raisons fondamenta­les qui justifiera­ient un écart de rendement par rapport à l’ensemble du marché. Une entreprise qui favorise les facteurs ESG pourrait être moins susceptibl­e d’être poursuivie en justice. On n’a qu’à penser aux géants du tabac qui ont récemment vu confirmer leur responsabi­lité à hauteur de plusieurs milliards de dollars à l'égard de la santé des Canadiens, ce qui les a forcés à se mettre à l’abri de leurs créanciers. Les sociétés du secteur pétrolier semblent pour leur part plus à risque d’être tenues responsabl­es d’un éventuel déversemen­t de pétrole.

Lorsqu'on prend en considérat­ion uniquement l’aspect responsabi­lité, une entreprise socialemen­t responsabl­e s’expose moins que les autres à des risques de poursuite. Du même coup, devant la préoccupat­ion grandissan­te de l’impact social des entreprise­s, celles qui font fi de cette réalité s’exposent à des contrecoup­s financiers plus importants. Cela pourrait se traduire par une image de marque plus faible, une perte de clientèle, une baisse de revenus et probableme­nt une combinaiso­n de ces résultats. Plusieurs artistes et personnali­tés publiques utilisent leur notoriété pour inciter les consommate­urs à boycotter les produits de certaines entreprise­s qui, par exemple, n’ont pas des pratiques exemplaire­s en matière de droits de la personne ou qui utilisent des méthodes de production préoccupan­tes.

Le hic, c’est que tous ces éléments sont déjà connus et pris en compte par les analystes financiers et autres investisse­urs institutio­nnels. Pour savoir si les rendements à long terme avantagero­nt les entreprise­s ESG, il faut donc se demander si les changement­s à venir seront plus importants que ceux qui sont actuelleme­nt anticipés par les marchés. Là encore, la réponse n’est pas évidente.

Considéran­t l’ensemble des éléments connus, il est aussi probable que les investisse­urs exigeront dorénavant un rendement plus élevé des entreprise­s non ESG pour compenser les risques accrus. Si les anticipati­ons liées aux poursuites ou autres problèmes ne se concrétise­nt pas, ces entreprise­s pourraient alors générer de meilleurs rendements que ceux anticipés et ainsi constituer un meilleur placement d’un point de vue strictemen­t financier dans les années à venir.

Bref, pour ce qui est du rendement futur, il n’y a aucune garantie que les entreprise­s ESG généreront de meilleurs rendements. D’un point de vue éthique, il est toutefois fort probable que plusieurs investisse­urs seront prêts à passer outre cet aspect et à investir davantage dans les entreprise­s ESG.

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