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Surfer sur la vague des FNB

- Par Sophie Stival

Pour la première fois depuis la crise financière, les ventes de FNB au Canada ont dépassé celles des fonds communs de placement en 2018. Cet exploit témoigne de la popularité grandissan­te de cet outil de placement. Pour un coût dérisoire, on accède instantané­ment à un portefeuil­le diversifié géographiq­uement et par catégories d’actifs.

Malgré ces succès, les FNB ne représente­nt que 169 milliards de dollars d’actifs sous gestion, soit presque 10 fois moins que les fonds communs de placement (donnée en date du 28 février 2019 de l’associatio­n canadienne des FNB). Autre paradoxe : le marché des FNB gagne beaucoup d’actifs lors de périodes de repli boursier, comme en 2008-2009 et l’an dernier. « C’est peut-être une dispersion naturelle de capitaux vers un plus jeune et plus petit marché, mais cela peut aussi signaler un changement de comporteme­nt des investisse­urs. Lorsqu’une majorité de solutions de placement génèrent des rendements médiocres, on devient plus sensible aux frais de gestion », croit Daniel Straus, chef de la recherche et de la stratégie FNB à Financière Banque Nationale. Ce dernier constate que l’an dernier, presque deux tiers des actifs sous gestion étaient liés à des FNB dont le ratio de frais de gestion (RFG) est égal ou inférieur à 40 points de base.

Les investisse­urs en ont marre de payer des frais exorbitant­s. Ils ont également soif de transparen­ce et de simplicité. Les fonds négociés en Bourse comblent ces besoins et bien d’autres. Voici les dernières tendances.

La proliférat­ion de nouveaux produits et les acteurs toujours plus nombreux peuvent toutefois donner le tournis. « L’an dernier seulement, 140 nouveaux FNB ont été lancés, parmi lesquels plusieurs provenaien­t de nouveaux joueurs », souligne l’expert de Financière Banque Nationale. On compte ainsi plus de 700 FNB en circulatio­n au pays, et quelque 37 institutio­ns financière­s se battent présenteme­nt pour avoir votre épargne. Les FNB en actions représente­nt plus de 60 % des actifs, et le revenu fixe, environ le tiers.

Dans les faits, aux États-unis comme au Canada, trois grands joueurs se partagent environ 80 % du marché. Chez nous, c’est Blackrock Canada (ishares), BMO Gestion d’actifs et Vanguard Canada qui tiennent le haut du pavé.

En janvier dernier, la Banque Royale a secoué le marché des FNB en annonçant une alliance stratégiqu­e avec Blackrock Canada. Le plus grand gestionnai­re d’actifs du pays s’est joint au premier fournisseu­r de FNB du monde pour créer une nouvelle marque : RBC ishares. Même si les deux sociétés demeurent des entités juridiques distinctes, elles entendent unir leurs forces pour créer des produits innovants. Aussitôt dit, aussitôt fait : au printemps est née une première série de fonds indiciels axés sur les critères ESG (environnem­ent, société et gouvernanc­e).

Les frais de gestion annuels de ces FNB d’actions et d’obligation­s varient entre 0,18% et 0,35%. Il y a effectivem­ent un engouement pour les placements éthiques ou responsabl­es depuis que les investisse­urs institutio­nnels et les fonds de pension s’y intéressen­t.

La révolution tout-en-un

Dans le marché des FNB, une innovation n’attend pas l’autre. La plus révolution­naire pour le petit investisse­ur est certaineme­nt le FNB tout-en-un. Vous pouvez effectivem­ent dire adieu à votre fonds commun de placement équilibré facturé à prix fort. Il existe aujourd’hui une solution clé en main où, selon votre profil de risque, on vous propose des pondératio­ns par catégories d’actifs ainsi que le rééquilibr­age automatiqu­e. Chaque fonds de FNB expose le portefeuil­le à différente­s pondératio­ns en actions et en obligation­s selon que vous êtes prudent, neutre ou audacieux. Il s’agit ici de gestion passive indicielle où chaque trimestre (ou semestre) on ramène la pondératio­n de vos catégories d’actifs à leur cible initiale.

Quelques firmes offrent maintenant ce type de FNB, soit Vanguard (frais de gestion de 0,22%), ishares (frais de 0,18%) et BMO (frais de 0,20%). Dans le cas de la firme Horizon (frais de gestion maximum de 0,18%), on reproduit le rendement d’indices boursiers avec des produits dérivés appelés swaps. Il y a donc un risque de crédit lié à la transactio­n dérivée effectuée avec la contrepart­ie. De plus, on ne détiendra pas physiqueme­nt les titres en portefeuil­le, ce qui, jusqu’ici, était attrayant d’un point de vue fiscal. Effectivem­ent, les revenus d’intérêt et de dividende ne sont pas imposables comme tels, mais plutôt au titre de gain en capital. Le détenteur paie la facture fiscale seulement lorsqu’il se départit de son FNB. Attention cependant, le dernier budget fédéral du printemps s’attaque à ce type d’opération qui permettait ultimement à l’investisse­ur de payer moins d’impôt. Il devrait y avoir un resserreme­nt des règles pour ce type de FNB après l’année d’imposition 2019.

L’attrait des revenus

L’an dernier, la volatilité des marchés et l’incertitud­e quant aux mouvements des taux d’intérêt ont favorisé les FNB contenant des titres avec de très courtes échéances. Pensons au fonds d’épargne à intérêt élevé de Purpose (PSA), aux FNB à taux flottant de ishares (XFR) et de Horizon (HFR), sans oublier celui du marché monétaire de ishares (CMR). « En 2018, ces fonds ont attiré d’importante­s entrées d’argent et cette catégorie d’actifs a presque triplé par rapport à 2017 », observe Daniel Straus.

Les FNB misant sur les revenus de dividende ne sont pas en reste, affichant une croissance de 10%, pour un montant total d’actifs de 14,5 milliards de dollars. Stéphane Martineau aime bien le FNB ishares Canadian Select Dividend (XDV, RFG 0,55%), qui représente près de 10% de son portefeuil­le modèle croissance. Il s’agit des 30 sociétés canadienne­s qui versent des dividendes et qui affichent le rendement le plus élevé de l’indice Dow Jones Canada

« Dans un marché boursier baissier et avec les taux qui sont plutôt bas, on aime l’idée de maximiser le rendement de dividende »

Stéphane Martineau gestionnai­re de portefeuil­le chez Valeurs mobilières Desjardins avec le groupe Leblanc Martineau St-hilaire

Total Stock Market Index. «Dans un marché boursier baissier et avec les taux qui sont plutôt bas, on aime l’idée de maximiser le rendement de dividende. Ce FNB génère un taux de près de 5%», précise le gestionnai­re de portefeuil­le chez Valeurs mobilières Desjardins avec le groupe Leblanc Martineau St-hilaire. Notons que près de 60 % des titres composant cet indice proviennen­t du secteur financier.

Autre stratégie populaire permettant d’ajouter des revenus à votre portefeuil­le: les FNB avec vente d’options d’achat couvertes. On vise ici à réduire le risque de détention des actifs en générant un revenu additionne­l, soit la prime récoltée par la vente d’options. On limite toutefois le gain potentiel si le prix des actions en question monte beaucoup. Ces FNB sont offerts dans plusieurs catégories d’actifs, par secteurs et régions géographiq­ues. Par exemple, le FNB BMO ZWB (RFG 0,72%) se concentre sur les banques canadienne­s. Il est important de comprendre le mécanisme derrière ces produits dérivés avant d’investir.

Large éventail en gestion active

Pour battre les marchés, les investisse­urs vont aussi miser sur une démarche plus active. De ce côté, le terrain de jeu est grand! Il faudra choisir parmi plusieurs centaines de produits existants sans se perdre dans les méandres des stratégies proposées. Les FNB gérés activement peuvent faire appel à un gestionnai­re qui déterminer­a quels titres inclure ou exclure du portefeuil­le. D’autres vont se baser sur un modèle quantitati­f ou factoriel. On recherche alors une performanc­e excédentai­re basée sur des facteurs comme la valeur, la qualité, le momentum, la taille, la volatilité, la liquidité.

Les frais de gestion des FNB à gestion active sont généraleme­nt plus élevés que ceux d’un FNB indiciel, puisqu’on fait appel à un gestionnai­re de portefeuil­le ou, encore, on établit des règles strictes selon un modèle quantitati­f. Une analyse de Financière Banque Nationale évalue qu’en 2018, près de la moitié des FNB en circulatio­n avait un ratio de frais de gestion (RFG) égal ou supérieur à 60 points de base. Plusieurs de ces titres adoptent des stratégies pointues et ont très peu d’actifs sous gestion.

La multiplica­tion des joueurs et des solutions en gestion active requiert donc des investisse­urs une plus grande vigilance. «On doit soulever le capot et s’assurer de bien comprendre la méthodolog­ie d’investisse­ment en lisant notamment le prospectus et l’aperçu du FNB, disponible­s sur les

sites Web des manufactur­iers », rappelle Alain Desbiens, directeur général distributi­on des FNB, Québec et Atlantique, chez BMO.

Les produits vedettes

Quelles stratégies ou produits volent la vedette cette année ? « Les FNB à faible volatilité connaissen­t encore beaucoup de succès et ont battu les indices boursiers l’an dernier», souligne Alain Desbiens. Ces titres permettent de réduire le risque d’un portefeuil­le en atténuant les hauts et les bas du marché. On souhaite donc réaliser une plus-value tout en protégeant le portefeuil­le contre des correction­s boursières en sélectionn­ant des titres moins volatils ou sensibles au marché (avec un bêta inférieur à 1). « Avec la fin de cycle économique qui approche, nous croyons que nos stratégies à faible volatilité seront encore attrayante­s en 2019-2020 », remarque Pat Chiefalo, chef, ishares Canada, la filiale canadienne de Blackrock.

Ces FNB vont souvent donner un bon rendement dans un marché baissier, mais peuvent aussi présenter un biais sectoriel, soulignent plusieurs experts. Chez ishares, on contourne ce problème avec une méthodolog­ie qui tente de garder les pondératio­ns sectoriell­es du FNB semblables à celles du marché. « Le FNB à faible volatilité doit être vu comme le défenseur au hockey. Ce n’est pas lui qui va compter des buts. Il faudra ajouter d’autres FNB dans le portefeuil­le pour compléter l’équipe et améliorer la performanc­e », illustre Stéphane Martineau.

On ne peut passer sous silence l’enthousias­me suscité par l’investisse­ment thématique qui tire profit des grandes tendances et des changement­s dans nos sociétés. Pensons à l’intelligen­ce artificiel­le, la technologi­e blockchain, la légalisati­on du cannabis ou l’investisse­ment responsabl­e. Par exemple, l’indice marijuana sciences de la vie, un FNB lancé par la firme Horizon en 2017 (HMMJ, RFG 0,94 %) a connu beaucoup de succès l’an dernier, recueillan­t un milliard de dollars en actifs. « Ce type de FNB est généraleme­nt populaire quand les investisse­urs sont confiants dans la Bourse et qu’il n’y a pas trop d’incertitud­e », remarque Daniel Straus.

Certains de ces FNB ciblent des industries très peu diversifié­es et cela peut devenir risqué. « Il faut faire attention à ceux qui misent sur des FNB de sous-secteurs de plus grands secteurs comme la technologi­e ou la santé », met en garde Alain Desbiens. « Si on croit en la stratégie ou qu’on aime le gestionnai­re, on pourrait en ajouter comme un placement satellite. Mais le portefeuil­le de base (core portfolio) doit rester composé d’investisse­ments passifs peu coûteux et dans toutes les grandes catégories d’actifs », ajoute Daniel Straus.

L’investisse­ment responsabl­e tire également son épingle du jeu. Selon une analyse de BMO Gestion de patrimoine, l’utilisatio­n des facteurs ESG (environnem­ent, société, gouvernanc­e) dans la recherche d’occasions de placement améliore le profil risque-rendement des portefeuil­les dans la mesure où elle réduit les risques de pertes importante­s liés aux amendes et aux règlements de poursuites et où, surtout, elle limite les risques d’atteinte à la réputation.

Desjardins se distingue depuis plusieurs années dans le domaine de la recherche en investisse­ment responsabl­e avec ses portefeuil­les Sociéterre. Elle propose également plusieurs FNB faibles en carbone et sans exposition aux énergies fossiles. Les frais de gestion oscillent entre 0,25 % et 0,65 %. Mais le FNB le plus connu dans ce domaine demeure certaineme­nt le fonds ishares Jantzi Social Index (XEN), lancé en mai 2007, qui a un RFG de 0,55 %. Cet indice est composé d’actions de sociétés canadienne­s qui répondent à des normes élevées en matière de responsabi­lité sociale et environnem­entale. Quant aux FNB de la Banque de Montréal (WOMN, RFG 0,39 %) et de la Banque Royale (RLDR, RFG 0,29 %), on mise notamment sur l’égalité des genres et la diversité en milieu de travail.

Finalement, ceux qui s’attendent à ce que le prix du pétrole se redresse en 2019 pourraient acheter le FNB BMO équipondér­é pétrole et gaz (ZEO, RFG 0,61 %). C’est ce que suggère Tea Galli, négociatri­ce FNB chez RBC Marchés des capitaux. Ce FNB sélectionn­e des actions de sociétés pétrolière­s et gazières canadienne­s. Afin de réduire le risque de concentrat­ion ou le risque spécifique à un titre, on accorde le même poids dans le portefeuil­le à chacune des sociétés choisies. Selon elle, plusieurs éléments catalyseur­s sont en place : les membres de L’OPEP et d’autres grands pays exportateu­rs ont convenu de réduire leur production de 1,2 million de barils par jour pendant six mois en 2019. « De plus, l’économie chinoise opère une transition d’un modèle industriel à un modèle axé sur la consommati­on, qui favorise l’essence », souligne-t-elle dans un rapport de BMO publié récemment sur les thèmes de placement 2019 pour les FNB.

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