Les Affaires

Deux vedettes boursières, deux modèles technos

- Dominique Lamy redactionl­esaffaires@tc.tc

Dans le coin gauche, la torontoise Constellat­ion Software multiplie les acquisitio­ns. Dans le coin droit, Avigilon, de Vancouver, comble une myriade de besoins pointus dans le domaine de la sécurité. Quel titre privilégie­nt les analystes ?

Marchés de niche tous azimuts

Quand est arrivé le moment de baptiser l’entreprise, le nom n’a pas été tiré d’un chapeau. Le modèle d’affaires de Constellat­ion Software consiste à acquérir de petites boîtes informatiq­ues opérant sur des marchés verticaux. La constellat­ion est ainsi formée d’une multitude de sociétés qui oeuvrent dans des secteurs aussi nichés que diversifié­s : la gestion d’approvisio­nnement d’une cafétéria à la gestion de taxes municipale­s, aux abonnement­s d’un club de golf, etc.

Fondée en 1995 par son président actuel, le discret Mark Leonard, la société de Toronto fonctionne à la manière d’une société de gestion. Les entreprise­s acquises restent indépendan­tes, tandis que leurs flux de trésorerie sont dirigés vers l’acquéreur, pour financer de nouvelles acquisitio­ns.

En 2013, Constellat­ion Software s’est établie avec succès dans de nouveaux marchés, dont celui des bibliothèq­ues scolaires, de la gestion événementi­elle et de la distributi­on de pneus. La société est désormais active dans 62 secteurs différents, et aucun de ses clients ne contribue à plus de 2 % de ses ventes annuelles.

« C’est un modèle d’entreprise fantastiqu­e », affirme Martin Ferguson, gestionnai­re chez Mawer Investment Management, dont les fonds possèdent 11 % de Constellat­ion.

Les logiciels sont spécialisé­s et essentiels pour les clients. Cette situation rend ces derniers captifs. « Lorsque tous les employés d’une PME reçoivent la formation et développen­t leurs compétence­s pour un logiciel en particulie­r, l’entreprise ne voudra pas changer de fournisseu­r », souligne Pierre-Olivier Langevin, gestionnai­re de portefeuil­le adjoint chez Medici, qui n’hésite pas à qualifier Constellat­ion Software « d’entreprise fétiche ».

Mario Zaccardell­i, gestionnai­re de portefeuil­le pour Lombard Odier Gestion (Canada), apprécie la stratégie de l’entreprise qui lui assure « une bonne récurrence et une solide diversific­ation des revenus, en provenance des secteurs public et privé. »

Du capital « gratuit »

L’entreprise parvient même à facturer ses clients avant d’avoir livré des services. « Elle profite de capital financier à coût nul », s’anime Pierre-Olivier Langevin. En faisant ainsi payer hâtivement les clients en échange des futures mises à jour de ses solutions logicielle­s, la société se dote donc d’une structure de financemen­t gratuite… pour ensuite maximiser ses bénéfices pour chaque dollar de capital utilisé, explique le gestionnai­re.

Cet avantage prend toute son importance lorsqu’on sait que l’entreprise multiplie les acquisitio­ns pour assurer sa croissance. La société digère présenteme­nt celle de l’européenne Total Specific Solutions au coût de 327 millions de dollars effectuée en 2013. Lors de cette seule année, elle a bouclé 29 acquisitio­ns supplément­aires pour un total de 262 M$, soit une moyenne de 9 M$ par achat. Cela se compare aux 35 acquisitio­ns réalisées en 2012 à un prix moyen de 5,1 M$ par transactio­n.

Au dernier trimestre, la société dirigée par le « meilleur dirigeant d’entreprise du Canada », selon PierreOliv­ier Langevin, a conclu six acquisitio­ns à un coût total de 18,5 M$, un rythme moindre que celui auquel les actionnair­es sont habitués. L’analyste Thanos Moschopoul­os, de BMO Nesbitt Burns, s’attend d’ailleurs à des acquisitio­ns de l’ordre de 150 M$ et de 200 M$ en 2014 et en 2015, respective­ment.

Constellat­ion Sotfware surveille plus de 10 000 cibles d’acquisitio­ns potentiell­es, à la recherche d’entreprise­s qui dominent leur créneau respectif, qui font face à une faible concurrenc­e et qui génèrent un minimum de 1 M$ annuelleme­nt en bénéfices avant intérêts et impôts.

M. Leonard cible des sociétés exceptionn­elles dirigées par des gestionnai­res de talent pour faciliter ainsi une intégratio­n parfaite à son modèle très décentrali­sé. La nouvelle entité greffée continue d’opérer de façon indépendan­te, avec les dirigeants en place : Constellat­ion Software participe très peu à la gestion quotidienn­e de ses filiales.

Une quinzaine de personnes pilotent les dossiers de fusions et d’acquisitio­ns à l’interne.

Résultats sous les attentes

Les résultats du premier trimestre n’ont pas été à la hauteur de certaines attentes, comme c’est parfois le cas avec les entreprise­s à forte croissance. Les revenus trimestrie­ls ont bondi de 54 %, à 395 M$, tandis que les analystes avaient prévu 402 M$.

Le bénéfice ajusté par action a crû de 60 %, à 2,52 $, mais les analystes avaient misé sur un bénéfice ajusté de 2,84 $ par action.

Thanos Moschopoul­os reste neutre à l’égard du titre, avec une cible de 280 $, ce qui représente néanmoins un gain potentiel de 14,3 % par rapport au cours actuel de 245 $.

Même conclusion de la part de Stéphanie Price, analyste de Marchés mondiaux CIBC, qui fixe sa cible à 275 $, soit un multiple de 19 fois le bénéfice ajusté par action prévu de 14,64 $ en 2015.

Pierre-Olivier Langevin, de Medici, préfère de son côté parler de valeur intrinsèqu­e, soit le prix par action qu’il serait disposé à payer pour acquérir l’entreprise entière et en tirer un rendement raisonnabl­e de 10 % à 12 % par an. Il situe cette valeur intrinsèqu­e à 275 $.

Pour sa part, Mario Zaccardell­i qualifie le titre de « valeur attrayante », mais soulève néanmoins l’impor-

« Tant que Constellat­ion obtient un rendement élevé sur ses acquisitio­ns, elles sont une meilleure utilisatio­n de son capital que le versement d’un dividende. » – Martin Ferguson, de Mawer Investment Management, qui commente la possibilit­é que Constellat­ion coupe son dividende pour financer de plus grosses transactio­ns. »

tance pour la société de continuer à réaliser des acquisitio­ns judicieuse­s et à prix raisonnabl­e pour soutenir la croissance du titre en Bourse.

Les analystes surveillen­t aussi de près les décisions entourant la répartitio­n de capital que l’entreprise pourrait prendre. Le président Mark Leonard a évoqué la possibilit­é de réduire ou d’éliminer le dividende si une occasion d’acquisitio­n intéressan­te l’obligeait à procéder ainsi. Un changement dans la distributi­on aux actionnair­es pourrait peser sur le titre à court terme.

« Tant que Constellat­ion obtient un rendement élevé sur ses acquisitio­ns, elles sont une meilleure utilisatio­n de son capital que le versement d’un dividende », dit Martin Ferguson, qui commente la possibilit­é que Constellat­ion réduise son dividende pour financer de plus grosses transactio­ns.

POINT POSITIF Les intérêts des actionnair­es alignés sur ceux de la direction Les dirigeants et les administra­teurs – qui sont d’ailleurs dans l’obligation d’investir 75 % de leurs bonis annuels dans l’achat d’actions de Constellat­ion Software et de conserver celles-ci sur une période s’échelonnan­t jusqu’à 5 ans – possèdent environ 13 % du capital-actions de la société torontoise.

POINT NÉGATIF Une révision de la politique du dividende en vue ? La loi des grands nombres fait en sorte que Constellat­ion Software doit viser et financer de plus importante­s acquisitio­ns pour soutenir sa croissance en matière de rentabilit­é. La société canadienne pourrait réduire ou éliminer le dividende si une occasion d’acquisitio­n se présentait. L’entreprise est également à la recherche de sources de financemen­t supplément­aires.

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada