Les Affaires

60 secondes avec Isabelle Deschamps

— Isabelle Deschamps, professeur­e associée, Polytechni­que Montréal

- Suzanne Dansereau suzanne.dansereau@tc.tc

La professeur­e à Polytechni­que Montréal soutient que l’innovation exige un style de gestion plus diffus.

Entrevue 60 secondes — Polytechni­que Montréal vient de lancer un programme de gestion de l’innovation technologi­que. Pourquoi avoir mis sur pied un tel programme ? Parce qu’on ne gère pas l’innovation de la même façon qu’on gère les industries traditionn­elles de produits ou de services. Tous les vieux préceptes doivent être mis aux poubelles. On gère des idées, de l’intangible, et non une chaîne de montage. Cela demande un style de gestion plus diffus, plus décentrali­sé, qui accorde plus d’autonomie aux employés, fait moins appel au contrôle et davantage au leadership. La prise de décision doit être plus rapide, car les technologi­es évoluent très vite. Des outils traditionn­els de gestion, comme la planificat­ion stratégiqu­e, ne sont pas indiqués. Parce que dans les firmes qui produisent des logiciels, le cycle de marché est de trois mois !

Est-ce que le Québec affronte des problémati­ques spécifique­s par rapport à la gestion de l’innovation ? Les PME québécoise­s développai­ent un produit qu’elles vendaient d’abord localement, puis quatre ou cinq ans plus tard, aux États-Unis, et ensuite, à l’internatio­nal. Résultat : le Québec manque de bons vendeurs à l’internatio­nal. De plus, on était concentrés dans des secteurs où on n’avait pas besoin de pousser, le marché venait à nous. Maintenant, en innovation technologi­que, il faut s’intégrer rapidement dans des réseaux de vente mondiaux, et la concurrenc­e est féroce. Du fait que le Québec est une petite économie, composée surtout de PME et de très peu de

10 % Pourcentag­e des entreprise­s qui établissen­t des projets réels d’innovation en collaborat­ion avec les université­s, et seulement de 1 % à 3% d’entre elles font aboutir ces projets sous forme de contrats, démarrages ou licences d’innovation­s commercial­isables. Source : Chambre de commerce du Montréal métropolit­ain, « Regard des entreprise­s sur le réseau universita­ire québécois », automne 2010

multinatio­nales, nous sommes peu intégrés à des chaînes d’approvisio­nnement mondiales, et nos entreprise­s ne croissent pas. L’aérospatia­le fait exception. Par exemple, dans le secteur pharmaceut­ique, les grands donneurs d’ordre ont fermé leurs centres de R-D ici. Ces problémati­ques d’éloignemen­t des chaînes d’approvisio­nnement doivent être surmontées et compensées.

Comment ? En matière de politiques gouverneme­ntales, il faut chercher à attirer et à retenir des sièges sociaux de grands donneurs d’ordres au Québec. Et de notre côté [les université­s], nous voulons former de meilleurs gestionnai­res d’innovation­s technologi­ques, capables de se rendre à l’étape de la commercial­isation, et ce, dans les entreprise­s de toutes tailles. C’est une roue qui tourne. Si au Québec on peut compter sur d’excellents ingénieurs capables d’inventer et d’excellents gestionnai­res qui savent comment conclure des alliances stratégiqu­es, négocier la propriété intellectu­elle et gérer les risques en technologi­e, les grands donneurs d’ordres auront une raison de plus de venir s’établir ici. Inspirons-nous du MIT ou de Stanford, où la gestion de l’innovation est enseignée depuis longtemps.

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