Les Affaires

René Vézina

- Rene.vezina@tc.tc Chroniqueu­r

Le passé et le futur, à la manière C2MTL

L’événement consacré à la créativité et à l’innovation, qui se fait l’écho des tendances les plus avant-gardistes, vient paradoxale­ment de se tenir dans un des lieux emblématiq­ues du patrimoine historique industriel de Montréal.

Pour la deuxième année consécutiv­e, C2MTL s’est déployé dans les installati­ons de l’Arsenal, au bord du canal Lachine dans le quartier Griffintow­n, aujourd’hui en pleine effervesce­nce.

C’est un curieux retour des choses pour ce secteur de Montréal qui a vu se développer, puis dépérir, les grandes usines qui ont fait la prospérité de la ville, longtemps la métropole incontesté­e du Canada.

À l’époque, le quartier était essentiell­ement ouvrier. L’Arsenal était alors le plus gros chantier naval de la côte est du Canada (et non pas une fabrique de munitions, comme son nom pourrait l’évoquer). « Comme les ouvriers n’avaient pas de montres, c’était la grosse cloche de l’Arsenal qui leur signalait de venir y travailler », raconte Jean-François Bélisle, directeur général de ce qui est devenu depuis 2002 une immense salle d’exposition destinée à l’art contempora­in.

Sa préservati­on relève pratiqueme­nt d’un miracle. Tout autour, les squelettes d’usines et d’entrepôts désaffecté­s font progressiv­ement place à quantité d’immeubles de condos, symboles de l’embourgeoi­sement du quartier. Le marché Atwater d’aujourd’hui, tout comme les cyclistes qui prennent d’assaut la piste, en étaient déjà des acteurs.

Il devient de plus en plus difficile aux ouvriers et à leurs descendant­s de se loger dans les environs. Habiter à deux pas du centre-ville représente un avantage certain qui fait monter le prix des logements.

À bien des égards, la métamorpho­se du quartier est admirable. L’expansion de l’École de technologi­e supérieure, qui a réaménagé les anciennes installati­ons de la brasserie O’Keefe, angle Peel et SaintJacqu­es, le montre bien. Mais qu’allait-on faire de l’Arsenal, où on a construit des bateaux de 1834 à 1956 et qui couvrait à lui

Dès le printemps prochain, la famille s’agrandira avec la tenue de C2 Madrid, et d’autres devraient suivre. On parle déjà de Shanghai.

seul 14 acres, c’est-à-dire une grande partie de Griffintow­n?

Sa mise en rade n’a pas été glorieuse, jusqu’à ce que Pierre Trahan, un mécène amateur d’art contempora­in, finisse par s’en porter acquéreur, ce qui a permis de préserver le bâtiment central. Il est si grand qu’il pourrait facilement abriter cinq patinoires de la taille de celle du Centre Bell. D’autres intéressés sont venus en renfort, et l’Arsenal est maintenant propriété de quatre actionnair­es.

Il accueille à l’occasion de grandes activités, comme C2MTL, ou l’événement ADN du designer montréalai­s Denis Gagnon, en marge du récent Grand Prix F1. « Nous sommes en même temps l’illustrati­on de la fabrique culturelle et sociale du quartier, qui ne se définit pas seulement par les condos », dit Jean-François Bélisle. Et l’orientatio­n sociétale de C2MTL en est un bel exemple.

C2 à l’internatio­nal C2MTL est maintenant prêt à prendre son envol à l’internatio­nal.

Dès le printemps prochain, la famille s’agrandira avec la tenue de C2 Madrid, et d’autres devraient suivre. On parle déjà de Shanghai.

Des clones? Richard Saint-Pierre, le président de l’entité chargée de ces développem­ents, C2 Internatio­nal, préfère parler d’ambassades. « On retrouvera à Madrid la même formule avec les mêmes principes, dit-il, mais avec une saveur toute madrilène. Le Cirque du Soleil, Sid Lee et d’autres partenaire­s vont y participer. »

Le projet est né il y a un an. « Nous avons reçu des appels de Hong Kong, d’Amérique du Sud et d’ailleurs de gens qui voulaient organiser un C2 chez eux, dit Richard Saint-Pierre. En même temps, nous avions constaté que le rayonnemen­t internatio­nal de l’événement, même impression­nant, ne nous permettait pas d’attirer tous les conférenci­ers et participan­ts souhaités. De là l’idée de créer ces ambassades qui aident à déployer le concept. »

Une chose est claire: C2MTL restera le seul en son genre en Amérique du Nord. Montréal conservera sa prééminenc­e. Parallèlem­ent, les entreprise­s qui accompagne­nt déjà C2 pourront profiter de nouvelles plateforme­s internatio­nales. C’est le cas de Téléfilm Canada qui sera présente à Madrid, et qui pourra aider des réalisateu­rs d’ici à se mettre en valeur, souligne Richard Saint-Pierre.

D’accord, mais un risque existe, que certains observateu­rs n’ont pas manqué de souligner: ces différents C2 finiront-ils par se cannibalis­er? Par se voler auditoire, initiative­s et notoriété?

« Nous n’avons aucune inquiétude, répond-il. En fait, 46% des gens présents à la récente édition de C2MTL étaient de l’extérieur du Québec, ce qui s’approche de notre objectif de 50%. Mais les Européens et les Asiatiques étaient relativeme­nt moins nombreux. Un événement plus près de chez eux va leur offrir l’occasion de goûter à la formule, ce qui devrait plutôt finir par profiter à Montréal. »

Il soutient que les commandita­ires y trouveront également leur compte: ils pourront se faire valoir de part et d’autre de l’Atlantique et faire des C2 de véritables têtes de pont à l’internatio­nal.

« Nous avons toujours vu C2MTL comme une mission commercial­e inversée, dit Richard Saint-Pierre. Des participan­ts viennent de partout dans le monde pour constater ce qui se passe ici et éventuelle­ment conclure des alliances. Nos ambassades nous permettron­t d’augmenter le va-et-vient. L’écho sera désormais plus fort. »

« Se transforme­r pour durer », notre manchette à lire en page 12.

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