Les Affaires

Jean-Paul Gagné

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Au-delà des compressio­ns de dépenses, un enjeu fédéral

Si le gouverneme­nt Couillard tient ses promesses, le budget du ministre Carlos Leitao ne représente qu’un très petit aperçu de ce qui nous attend l’an prochain.

Alors que l’exercice financier 2013-2014 du gouverneme­nt s’est soldé par un déficit de 3,1 milliards de dollars, celui qui a débuté le 1er avril laissera un trou de 2,35 G$.

Pour revenir à l’équilibre en 2015-2016, le gouverneme­nt devra faire l’an prochain des compressio­ns de 2,4 G$ dans ses dépenses, après celles de cette année, qui sont évaluées à 2,7 G$, et trouver 3,3 G$ de mesures supplément­aires parmi les révisions de programmes que lui aura suggérées la commission qui sera créée à cette fin. On mise aussi sur des économies de 100 millions de dollars cette année et de 500 M$ l’an prochain provenant du gel des effectifs, une contributi­on de 279 M$ en deux ans des sociétés d’État et un apport de 331 M$ en deux ans également des fonds spéciaux et des organismes non subvention­nés.

C’est énorme. Qu’on en juge par les taux respectifs de croissance prévus des dépenses de santé au cours des trois prochains exercices (3,0%, 2,7% et 3,0%), d’éducation (2,2%, 1,9% et 2,2%) et de tous les autres ministères (1,2%, - 1,5 % et 0,7%). Ces dernières années, les dépenses de santé ont souvent augmenté, de l’ordre de 5% à 6% par année.

Il faudra aussi voir comment on arrivera à geler les effectifs. On a déjà entendu cet engagement, mais il semble que l’on n’y soit jamais parvenu.

Choix de société et capacité de payer Si l’on en est rendu là, c’est pour une raison bien simple: après avoir emprunté pendant des décennies pour payer les salaires des fonctionna­ires, le gouverneme­nt du Québec a fait vivre ses citoyens au-dessus de leurs moyens. Alors que la croissance économique du Québec est, depuis longtemps, inférieure à celle du PIB canadien, on a ajouté plusieurs programmes sociaux lourdement financés par l’État (garderies, assurance parentale, assurance médicament­s, scolarité universita­ire au rabais, procréatio­n assistée, etc.), que les autres provinces estiment ne pas avoir eu les moyens de se payer.

Ces choix de société ont un coût. En effet, pour nous offrir ces services distinctif­s, le Québec impose cette année un fardeau fiscal supplément­aire de 1 410$ par habitant, selon des calculs du ministère des Finances. Cette donnée a été établie pour montrer que le Québec ne vit pas aux crochets de la péréquatio­n canadienne, laquelle est fondée sur la capacité fiscale de chaque province.

Cet effort fiscal supplément­aire demandé aux Québécois est la différence entre, d’une part, les revenus totaux de 9610$ par habitant du gouverneme­nt et, d’autre part, le total des revenus autonomes qu’il perçoit (7042$ par habitant) et des 1 158$ par habitant provenant de la péréquatio­n fédérale (9 610$ - 7042$ - 1 158$ = 1 410$).

Nos choix de société ont un coût. En effet, pour s’offrir ces services distinctif­s, le Québec impose cette année un fardeau supplément­aire de 1 410 $ par habitant.

Revoir le financemen­t fédéral Ces chiffres révèlent une autre réalité. En effet, comme la capacité fiscale moyenne des provinces canadienne­s est de 8200$ par habitant et que celle du Québec est de 6755$ selon les mêmes données du fédéral, l’écart (1445$) entre ces deux chiffres devrait être comblé par la péréquatio­n. Or, la péréquatio­n fédérale sera plutôt cette année de 1158$ par habitant, d’où, selon Québec, un manque à gagner à ce titre de 287$ (1445$ - 1 158$) par habitant.

Cet écart résulte de deux changement­s unilatérau­x imposés par le gouverneme­nt Harper à la suite du trou financier que la crise a causé dans les finances fédérales: 1) plafonneme­nt de l’augmentati­on de la péréquatio­n au taux de croissance du PIB canadien; 2) imposition d’un plafond individuel de péréquatio­n fondé sur la capacité fiscale des provinces bénéficiai­res (et non plus sur celle de toutes les provinces).

De plus, Ottawa a réduit son Transfert canadien en matière de programmes sociaux (TCPS). Il y a 40 ans, Ottawa assumait 50% des dépenses de santé des provinces. L’an dernier, cette part était de 22,2% et elle tombera sous les 20% dans quelques années. Or, le vieillisse­ment de la population accroîtra ces dépenses, ce qui ajoutera de la pression sur les finances des provinces, qui veulent qu’Ottawa ramène sa part à 25%.

Bien des Québécois partagent sans doute la honte d’Alain Bouchard, d’Alimentati­on CoucheTard, à l’égard de la dépendance fiscale du Québec. Le Québec pourrait certaineme­nt améliorer son sort, mais il reste que l’indexation à 3% de la hausse du TCPS ne reflète pas les besoins grandissan­ts des provinces.

Tandis que les finances fédérales seront bientôt en équilibre et que plusieurs provinces peinent à voir la lumière au bout du tunnel, il est indiqué que les deux niveaux de gouverneme­nt recommence­nt à se parler de finances publiques.

Cet enjeu ne doit pas empêcher Québec de remettre de l’ordre dans sa maison. En effet, il serait irresponsa­ble de laisser aux prochaines génération­s le gâchis financier que nous avons créé.

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