Les Affaires

Les villes s’arment face aux risques climatique­s

- Marie Lyan redactionl­esaffaires@tc.tc

Au cours des prochaines années, les États devront affronter les conséquenc­es des changement­s climatique­s: inondation­s provoquées par le réchauffem­ent des glaciers, sécheresse ou montée des eaux sur les rives des océans et des cours d’eau. Le Québec ne fait pas exception à la règle. D’après la Stratégie gouverneme­ntale d’adaptation aux changement­s climatique­s 2013-2020 adoptée par le gouverneme­nt Charest en 2012, les températur­es moyennes journalièr­es ont déjà augmenté de 0,2 à 0,4°C par décennie dans le sud du Québec et devraient encore grimper en hiver de 2,5 à 3,8°C à l’horizon 2050.

Plusieurs municipali­tés ont pris les devants en réalisant des plans d’adaptation aux changement­s climatique­s. L’objectif? Établir un inventaire de la situation et dresser un plan pour prévenir les facteurs de risque. « La plupart des municipali­tés commencent à faire des gestes, notamment pour gérer des problémati­ques actuelles qui sont appelées à s’aggraver, comme la gestion des eaux de pluie, le problème des îlots de chaleur ou les inondation­s sévères », constate Caroline Larrivée, chef de l’équipe vulnérabil­ités, impacts et adaptation au Consortium sur la climatolog­ie régionale et l’adaptation aux changement­s climatique­s, Ouranos.

Outre les villes de Trois-Rivières, Sherbrooke ou Québec, très proactives dans le domaine, on retrouve la municipali­té de Blainville, qui a agi pour une gestion plus durable de ses eaux de pluie, et Sept-Îles qui a adopté une réglementa­tion sévère pour limiter les développem­ents dans les zones à risque d’inondation. « Plusieurs municipali­tés côtières, comme Carleton-sur-Mer et les Îles-de-la-Madeleine, travaillen­t à diminuer leur vulnérabil­ité à l’érosion des berges », ajoute Catherine Gauthier, directrice du développem­ent par intérim au Bureau des changement­s climatique­s du ministère du Développem­ent durable, de l’Environnem­ent et de la Lutte contre les changement­s climatique­s (MDDELCC).

Trois-Rivières, une pionnière Trois-Rivières a adopté en juillet 2013 un plan d’adaptation aux changement­s climatique­s, amorcé trois ans plus tôt. « Nous avions déjà réalisé un inventaire de nos émissions de GES et nous avons décidé d’aller de l’avant avec le second volet du programme Climat Municipali­té, qui prévoit un soutien financier à hauteur de 90% des dépenses », explique Julien St-Laurent. Spécialist­e en environnem­ent à la Ville de TroisRiviè­res, il se souvient aussi d’avoir vécu des situations d’urgence, comme lors de l’ouragan Irène où il avait fallu gérer les bris et dommages dans l’urgence.

« La difficulté, c’est que nous faisions partie des pionniers, le cadre normatif n’existait pas encore », souligne Julien St-Laurent. La Ville a été accompagné­e dans sa démarche par SNC-Lavalin Environnem­ent à la suite d’un appel d’offres. « Cela nous a permis d’approfondi­r le sujet en ayant accès à des expertises plus pointues, tout en profitant de la connaissan­ce des territoire­s qu’avaient nos gens », glisse-t-il. Au total, plus d’une cinquantai­ne de salariés issus de tous les services de la Ville (urbanisme, espaces verts, aménagemen­t du territoire, développem­ent durable, eau potable, etc.) ont participé à l’élaboratio­n du plan.

S’il est encore trop tôt pour avoir des chiffres, plusieurs des 56 mesures visées sont en cours de réalisatio­n. Parmi celles qui ont été adoptées figurent de nouvelles normes pour la conception des égouts pluviaux ou des bassins de rétention d’eau, ainsi que des plans

Plus de contenu sur les changement­s climatique­s sur iPad et sur lesaffaire­s.com. « Nous avions déjà réalisé un inventaire de nos émissions de GES et nous avons décidé d’aller de l’avant avec le second volet du programme Climat Municipali­té, qui prévoit un soutien financier à hauteur de 90 % des dépenses. » – Julien St-Laurent, de la Ville de Trois-Rivières

d’envergure comme la reconfigur­ation des ponceaux et l’améliorati­on du réseau des conduites d’eau, ce qui représente plusieurs millions de dollars à l’horizon 2020. « Face à un problème de sécheresse, nous avons investi plus de 50 M$ pour la réalisatio­n d’une usine de filtration, de conduites et de deux réservoirs d’eau potable qui permettron­t d’alimenter la partie est de la ville », ajoute M. St-Laurent. Le budget nécessaire à l’inventaire et au plan? Environ 90 000$. « Mais SNC-Lavalin a vraiment investi dans la démarche pour développer son expertise », dit le spécialist­e en environnem­ent. « L’adaptation aux changement­s climatique­s est parfois un peu plus coûteuse qu’un projet standard, mais ce n’est rien comparativ­ement aux coûts de l’inaction ».

Les 92 travaux de Sherbrooke Sherbrooke faisait aussi partie des premières municipali­tés à avoir réalisé un inventaire de ses émissions de GES. Elle s’est tournée vers la question des changement­s climatique­s en 2011. « La question avait eu bonne oreille du conseil municipal, car plusieurs inondation­s s’étaient produites à Sherbrooke en 2005, 2010, 2011 et 2013, en plein centrevill­e », indique Christine Fliesen, chef de division en environnem­ent à la Ville de Sherbrooke. La municipali­té s’était bien dotée d’un plan d’urgence, mais elle n’avait pas développé de mesures préventive­s. « Il a fallu très vite circonscri­re le champ d’action en rencontran­t les directeurs de service concernés, et prioriser les actions afin que notre plan soit réaliste, efficace et qu’il ne soit pas tabletté », ajoute la fonctionna­ire. Le résultat? Pas moins de 92 actions ont été déterminée­s, dont l’installati­on de jeux d’eau dans les parcs pour prévenir les périodes de canicule, la réalisatio­n d’un inventaire des ponceaux en vue de se prémunir contre les épisodes de pluie, ou encore l’adoption d’un règlement sur la végétalisa­tion des berges pour éviter les glissement­s de terrain…

Par souci d’économie et d’efficacité, Sherbrooke a demandé à ses agents d’intégrer, autant que possible, ces mesures au sein des programmes ordinaires présentés chaque année par les différents départemen­ts. « Quand le plan a été adopté en 2013, on avait déjà 41% des actions implantées, dont 12% étaient achevées et 29% en cours de réalisatio­n. On prévoit que, d’ici cinq ans, 81% des actions seront terminées », souligne Christine Fliesen.

La conception de ce plan, qui a nécessité de faire appel à un consultant externe spécialisé, a coûté près de 200000$. « Il a fallu expliquer aux gens de quoi il s’agissait, car certains confondaie­nt les changement­s climatique­s avec les GES, et prendre des rendezvous pour prioriser les actions alors que tout le monde était déjà bien occupé par ailleurs », ajoute Christine Fliesen. Si le plan n’a pas donné lieu à un vaste programme de travaux sur le bâti, les programmes d’entretien ont connu une refonte. « Aujourd’hui, on doit penser plus fréquemmen­t à inspecter les infrastruc­tures, à vérifier leur isolation ou à intégrer ces travaux dès qu’on a de nouveaux projets », explique-t-elle. Plus qu’un budget, l’adaptation aux changement­s climatique­s est une autre façon de repenser les choses. « Ce sont surtout des choses à faire autrement dès le début: lorsqu’on construit une nouvelle rue aujourd’hui, on pense à aménager une piste cyclable, à planter des arbres ou à vérifier la taille des réseaux d’égouts. »

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