Les Affaires

« Le suivi, maillon faible des relations d’affaires »

— Ruth Vachon, du Réseau des Femmes d’affaires du Québec

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Billet — Il y a quelques années, quand je suis arrivée à bord du Réseau, je me suis demandé pendant plusieurs mois ce que je venais y faire... J’entendais Rémi Tremblay, ancien président d’Adecco, qui dit toujours que nous sommes toujours à la bonne place au bon moment.

Et, comme j’ai un grand respect pour Rémi, je me répétais: « Ruth, c’est que tu n’as pas encore trouvé, ne lâche pas ». Et puis, ce fichu déclic est arrivé, par téléphone dans mon cas, celui qui nous remet les deux pieds sur terre et nous fait nous rendre compte que, oui, nous sommes à la bonne place!

Il y a quelques années, bien assise dans mon bureau, je reçois un appel du cabinet de la ministre Christine St-Pierre. Elle voulait me confier le mandat de diversific­ation des fournisseu­rs du Québec, comme cela se fait aux États-Unis. Elle pensait que j’étais la femme qu’il fallait pour relever ce défi. Ma première réaction a été de dire « Diversitéé­ééé??? » Elle me répond: oui, les handicapés, les autochtone­s et… les femmes! Ma réponse d’entreprene­urehumoris­te, celle-là, a été de répondre: « Ah, parmi les trois, nous devrions avoir une bonne chance... Nous allons essayer ». Et là, j’ai eu le fameux déclic: j’ai compris ce que je venais faire au sein du Réseau.

Diversité, ça vous dit quelque chose? Nous parlons toujours de la diversité de genres, d’équité salariale; mais qu’en est-il de la diversité en matière de fournisseu­rs? La diversité en matière de fournisseu­rs, c’est de demander à une entreprise de regarder au-delà de sa chaîne d’approvisio­nnement habituelle pour y trouver des fournisseu­rs qui sont minoritair­es. Bien que très peu de femmes siègent aux conseils d’administra­tion ou occupent de hauts postes de gestion, les entreprise­s dirigées par des femmes font encore moins partie des chaînes d’approvisio­nnement.

Ce qui m’amène à vous raconter l’histoire de quelques chefs d’entreprise que je connais bien. Régulièrem­ent, elles se rendent à des événements en vue de rencontrer de grandes entreprise­s qui y participen­t pour trouver de

« Parfois, ça m’amène à penser que l’entreprene­ur est amoureux de son produit, mais qu’il oublie le plus important en cours de route : le vendre. »

nouveaux fournisseu­rs avec qui faire des affaires. Elles établissen­t des relations très intéressan­tes et chacune est emballée par la possibilit­é de conclure des affaires avec ces nouveaux clients potentiels.

Des attentes... qui se dégonflent La fierté est grande et la déterminat­ion à rencontrer de gros joueurs, palpable. Sur place, des rencontres avec Boeing, Pfizer, Walmart, Nordstrom, Disney (nommez-les, ils sont tous là) sont prévues. Les rendez-vous sont positifs, l’intérêt est grand et les espoirs, encore plus. Au retour de ces rencontres, elles sont enthousias­tes… L’une d’elles m’a dit : « Je me suis tellement bien préparée à cette foire », avant de me raconter par le menu ce qu’elle avait fait. Une autre, très fière de ses réalisatio­ns, n’a pas manqué d’apporter quelques échantillo­ns.

Je suis curieuse de connaître le dénouement de toutes ces belles histoires. Je laisse passer quelques semaines, puis, par intérêt personnel ou en raison de mon passé d’ancienne directrice des ventes, je ne sais trop, je communique avec elles. À ma grande surprise (lire déception), j’entends: « Ah, j’avais tellement de travail en revenant que je n’ai pas encore eu le temps de les rappeler » ou « Je pense que c’est un peu gros pour moi... Je vais attendre encore un peu ». Et je vous fais grâce de toutes les autres excuses que j’ai entendues au cours des années! Hum, plutôt décevant, non?

Le retour au bureau pour un entreprene­ur est souvent rempli de surprises et parfois d’urgences... Toutes les raisons sont bonnes pour retourner aux opérations rapidement. Mais il faut prendre le temps de rappeler les personnes qu’on a rencontrée­s, leur envoyer un courriel pour poursuivre les discussion­s.

Tant les hommes que les femmes ont peu de difficulté­s à parler de leur produit. Ils aimeraient beaucoup que le client ne leur laisse pas le temps de finir leur présentati­on avant de demander où il doit signer le contrat! Mais hélas, c’est rare que ça se passe comme ça dans la vraie vie. Avant de conclure la première vente, il faudra encore un peu de temps et beaucoup d’efforts. Il faut assurer le service après-vente des rencontres d’affaires, en quelque sorte. Il faut faire le suivi.

Eh oui, les suivis, les fameux suivis, ceux qui font damner l’entreprene­ur restent le point sensible de la majorité des entreprise­s. Parfois, ça m’amène à penser que l’entreprene­ur est amoureux de son produit, mais qu’il oublie le plus important en cours de route: le vendre.

Ruth Vachon est présidente-directrice généale du Réseau des Femmes

d’affaires du Québec.

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