Les Affaires

The Machine, le futur des centres de données selon HP Centres de données

- Série 6 de 6 Julien Brault julien.brault@tc.tc

Un appareil ressemblan­t à un réfrigérat­eur miniature pourrait être l’avenir des centres de données. C’est du moins le pari du géant HP qui, le 11 juin, dévoilait son invention baptisée The Machine. HP prévoit démarrer la commercial­isation du produit entre 2017 et 2020.

« The Machine a le potentiel d’ouvrir un monde de possibilit­és qu’on n’avait pas encore imaginé, lance Jayson Noland, un analyste de Robert W. Baird & Co qui suit le titre de HP. C’est le genre de projets ambitieux de plusieurs années qui étaient menés par Bell Labs, mais qui sont peu communs aujourd’hui. J’applaudis HP pour cette tentative, mais sur le plan financier, ses chances de succès sont très faibles. »

Principale­ment grâce à deux technologi­es expériment­ales, The Machine permettrai­t aux entreprise­s d’entreposer et de traiter plus de données que jamais. HP estime que sa machine sera six fois plus puissante qu’un système équivalent tout en consommant 80 % moins d’énergie. « En bref, The Machine ne bouleversa pas tant l’industrie [des centres de données] qu’elle lui offrira une branche d’olivier : le seul moyen de permettre à l’industrie de répondre à la demande de leurs clients au-delà de la présente décennie », soutenait une porte-parole de HP, dans un courriel à Les Affaires.

Le hic, c’est que plusieurs des technologi­es sur lesquelles se fonde The Machine ne sont pas encore en production et qu’il pourrait s’écouler des années avant qu’elles ne le soient.

La plus importante, le memristor, est une technologi­e de mémoire au potentiel révolution­naire sur laquelle HP travaille depuis plusieurs années.

Contrairem­ent aux transistor­s, qui entrent dans la compositio­n de la mémoire flash, les memristors peuvent afficher de nombreux niveaux de résistance électrique. Grâce à cette propriété, les memristors ne sont pas limités à emmagasine­r des données sous forme de 0 et de 1 comme le fait un transistor. Cette propriété pourrait contribuer à la capacité du memristor à stocker plus de données dans moins d’espace. Elle ouvre aussi la porte à de nouvelles approches de traitement de données inspirées du cerveau humain.

Rapide et peu énergivore, cette nouvelle technologi­e de mémoire remplace dans la machine de HP la mémoire flash et la mémoire vive. Afin d’être exploitée à son plein potentiel, la technologi­e nécessiter­ait l’utilisatio­n d’un nouveau système d’exploitati­on, que HP se propose de développer en collaborat­ion avec le milieu universita­ire.

Selon Claude Thibeault, professeur spécialisé en microélect­ronique à l’ÉTS, les memristors ne relèvent pas de la science-fiction. Il doute cependant des délais annoncés par HP : « La question, c’est de savoir à quel moment ils seront capables d’en produire en quantité industriel­le avec un rendement acceptable ».

La seconde technologi­e expériment­ale à laquelle compte recourir HP pour bâtir sa machine est la photonique sur silicium, une technologi­e qui permettrai­t d’intégrer de la fibre optique à un circuit intégré. « La motivation, c’est d’agrandir le goulot d’étrangleme­nt entre la mémoire et le coeur du processeur », explique Claude Thibeault, selon qui cette technologi­e commence déjà à être introduite sur le marché.

Révolution­ner l’industrie

L’arrivée soudaine sur le marché de The Machine pourrait avoir l’effet d’un électrocho­c sur l’industrie des centres de données. Des clients, qui avaient besoin d’une salle complète remplie de serveurs et de disques durs, pourraient du jour au lendemain se contenter d’une poignée des machines futuristes de HP. « Cette machine aurait le potentiel de créer un effondreme­nt du marché des serveurs », soutient Richard Fichera, viceprésid­ent et analyste principal chez Forrester Research.

L’analyste, toutefois, rejette le scénario selon lequel une boîte magique comme The Machine transforme­ra à elle seule l’industrie. Selon lui, les technologi­es évoquées par HP verront le jour par vagues successive­s et pas forcément chez HP. La photonique sur silicium, sur laquelle travaillen­t notamment IBM et Intel, pourrait être adoptée à grande échelle bien avant que HP ne lance sa machine.

Pour ce qui est de la technologi­e de memristor, on ne sait pas encore s’il s’agit de la mémoire du futur. Des concurrent­s, dont IBM, misent sur des technologi­es expériment­ales de mémoire elles aussi prometteus­es. Dans un cas comme dans l’autre, de nombreux défis techniques doivent être relevés avant qu’une d’entre elles ne soit commercial­isée.

De plus, le volume de données prenant le chemin des centres de données continuera d’augmenter de manière exponentie­lle, de sorte que les centres de données ne se videront pas, même si HP venait à livrer The Machine à temps : « Ma prédiction, pour peu que vous accordiez du crédit aux prédiction­s, est qu’on aura 100 fois plus de données à traiter dans 20 ans, et qu’on sera encore en train de chercher des moyens d’augmenter notre capacité. »

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada