Les Affaires

Ivanhoé Cambridge : profiter d’alliances pour prospérer à l’internatio­nal 41 G$

Les nouveautés chez les concession­naires

- L.A. – Est-ce à la base de votre stratégie de développem­ent hors Québec ? M.M. –

— Pour assurer son rendement global annuel de 8 %, Ivanhoé Cambridge souhaite augmenter ses actifs internatio­naux. Une stratégie qui passe désormais par d’étroites collaborat­ions avec des partenaire­s locaux et financiers, nous dit Mario D. Morroni, vice-président exécutif, stratégie et allocation de capital, chez Ivanhoé Cambridge.

– Selon plusieurs experts en investisse­ments immobilier­s, vous venez de frapper un solide coup de circuit en Europe avec la banque d’investisse­ment américaine Blackstone. De quoi s’agit-il ? MARIO D. MORRONI –

Il y a deux ans, avec Blackstone, nous avons racheté la dette des prêteurs de deux investisse­urs espagnols qui était garantie par des actions de Gecina. Leader du marché des bureaux de location en France, cette société foncière française possède près de 11 milliards d’euros d’actifs. Après conversion de la dette en actions, nous et Blackstone sommes officielle­ment devenus actionnair­es de 22,98 % de Gecina en janvier 2014, une société cotée qui a un bel avenir. Toujours en collaborat­ion avec Blackstone, nous avons conclu un accord en vue d’acquérir, auprès de Metrovaces­a SA, d’ici le 30 septembre 2014, 4 350 000 actions de Gecina représenta­nt 6,92 % du capital et des droits de vote de la Société.

L.A. – Comment expliquer ce partenaria­t avec Blackstone ? M.M. –

Ça fait partie de nos stratégies complément­aires qui permettent de saisir des occasions comme de la dette en détresse. Nous n’avons pas l’expertise ni surtout le personnel pour analyser en détail ces marchés. D’où l’intérêt de créer des partenaria­ts avec une société comme Blackstone.

Désormais, chaque fois que nous traversons la frontière, nous nous lions à un partenaire immobilier local qui maîtrise bien les particular­ités et l’économie de son territoire. Des partenaire­s qui nous aident à trouver des occasions d’investir sans devoir payer des prix trop élevés. Au Brésil, où nous détenons des actifs de près de 2 G$, nous travaillon­s conjointem­ent avec le Groupe Ancar depuis 2006. Aux États-Unis, notre partenaire principal, Callahan Capital Properties (CCP), nous aide depuis deux ans à profiter de bonnes occasions. À elle seule, cette plateforme totalise plus de 2,1 G $ d’investisse­ments. Avec CCP, nous pouvons nous concentrer sur les villes situées près de grands centres universita­ires, qui affichent un essor économique favorable.

L.A. – Comment s’organise la stratégie canadienne? M.M. –

Les centres commerciau­x jouent un important rôle au pays. On suit la tendance de la consommati­on qui penche vers le marché des outlets [magasins-entrepôts]. Ivanhoé Cambridge vient d’ailleurs d’inaugurer son premier centre commercial 100% outlets à Niagara-on-the-Lake, qui regroupe plus d’une centaine d’enseignes. Ce sont des centres près des axes routiers majeurs, situés loin des centres commerciau­x traditionn­els urbains. Des centres similaires sont prévus à Winnipeg et Edmonton. Au Québec, nous cherchons toujours le terrain idéal. Cela dit, Ivanhoé Cambridge compte diminuer son exposition d’actifs au pays. Le Canada tend vers un ralentisse­ment, ce qui laisse présager un certain risque pour nos investisse­ments. Notre but est d’atteindre annuelleme­nt un rendement global de 8%. Au Canada, ces rendements oscillent entre 5,5% et 6,5%, d’où l’intérêt d’aller chercher du rendement à l’internatio­nal.

à la montée du commerce électroniq­ue? M.M. –

En collaborat­ion avec un de nos partenaire­s immobilier­s, TPG Real Estate, très présent en Europe, nous venons de faire l’acquisitio­n de sociétés d’immeubles de logistique, notamment à Londres. Ces immeubles spécialisé­s en entreposag­e, manutentio­n et manipulati­on, desservent très bien le commerce électroniq­ue qui occupe une forte part de marché au Royaume-Uni. Notre investisse­ment dans ce secteur, en partenaria­t avec TPG Real Estate, totalise près de 1 G$. Nous prévoyons ajouter de 600 à 800 M$ dans les années à venir. Il est encore trop tôt pour évaluer si nous allons poursuivre davantage dans cette voie. Mais nous avions l’occasion de pénétrer ce secteur à bon prix. Nous observons et restons aux aguets.

L.A. – Qu’advient-t-il des hôtels d’Ivanhoé Cambridge? M.M. –

À l’exception du Reine Élizabeth, du Château Frontenac et des parts que nous détenons dans le W Montréal, nous vendons actuelleme­nt nos autres biens hôteliers. Nous venons de vendre un groupe de 18 hôtels en Europe.

L.A. – Pourquoi? M.M. –

Depuis l’arrivée de Daniel Fournier à la direction d’Ivanhoé Cambridge en 2010, la société immobilièr­e effectue un changement de stratégie. Nous avons regroupé sous Ivanhoé Cambridge les entités SITQ (actifs de bureaux) et Cadim (actifs n’étant ni bureau ni commercial). Nous avons décidé de nous concentrer sur nos forces, soit le résidentie­l, le commercial et le bureau. En fait, depuis trois ans, nous recentrons nos activités sur ce que nous maîtrisons le mieux. Fini l’éparpillem­ent. Par exemple en Europe, nous vendons certains de nos actifs en Espagne, en Allemagne et en Russie pour nous concentrer sur deux pôles, Paris et Londres. Nous recherchon­s des lieux où bâtir une masse critique pour mieux gérer nos actifs.

D.B. – En novembre 2013, vous avez développé votre plan pour les cinq prochaines années. Quel est-il? P.N.

– Il comprend la mise à niveau de l’infrastruc­ture technologi­que et l’étude des besoins spécifique­s de nos marchés verticaux: le commerce de détail, la santé, le secteur manufactur­ier, etc. Pour les clients de la santé, par exemple, les conditions de livraison, telles la températur­e et la luminosité, priment. Les technicien­s du secteur des TI, eux, comptent sur les pièces de rechange tôt le matin, alors qu’ils sont en route vers le client. La gestion des stocks et la rapidité de la livraison sont essentiell­es. Des applicatio­ns mobiles qui permettent de retracer les pièces et leur itinéraire sont un atout. Nous y travaillon­s.

D.B. – Purolator appartient à 91% à Postes Canada. Votre propriétai­re a un avenir moins prometteur que vous... P.N.

– La poste est encore plus rentable que les services de livraison dans le marché des consommate­urs. Elle livre tous les jours chez les particulie­rs. Ajouter des colis dans le camion est naturel. Et pour le marché des détaillant­s, par exemple, c’est encore un atout de proposer une solution holistique comprenant Postes Canada et Purolator.

D.B. – La circulatio­n en ville, c’est l’enfer. Avez-vous un budget pour les contravent­ions de vos chauffeurs? P.N.

– Oui, et il varie d’une ville à l’autre. Nous gérons le risque. Nous savons que certaines municipali­tés appliquent la loi plus sévèrement que d’autres.

Depuis la fermeture de l’usine GM de Boisbriand en 2002, qui produisait les modèles Firebird et Camaro, le Québec a cessé de produire des voitures. Seules des entreprise­s de pièces automobile­s d’origine et de pièces de remplaceme­nt continuent de tirer leur épingle du jeu.

« L’industrie a perdu plusieurs joueurs. Seuls ceux qui se sont adaptés au marché en réduisant leurs coûts de production s’en sont sortis », souligne Denis Poirier, vice-président exécutif de Spectra Premium, qui fabrique des pièces d’origine et des pièces après-marché. Depuis la crise de 2008, le marché de la fabricatio­n de pièces d’origine au pays est passé de 30 à 20 milliards de dollars. Spectra Premium a dû elle-même fermer une de ses divisions de pièces de magnésium, à Boisbriand, dont les produit étaient destinés aux Acadia et Buick Enclave de GMC. Les quelque 100 employés ont été pour la plupart relocalisé­s dans les autres usines de fabricatio­n de Spectra à Laval et Bouchervil­le.

Le plus important fabricant de pièces au Québec a tout de même profité de la crise. Il est devenu le seul fabricant de réservoirs d’essence en acier en Amérique du Nord. Dépassés par les prix compétitif­s des réservoirs en plastique fabriqués en Asie, les fabricants Ford et Delphi ont cessé de produire des réservoirs en acier après 2008. « Comment nous on a pu survivre? En développan­t une ingénierie complète dans la fabricatio­n de réservoirs à essence en acier pour voitures hybrides. Additionné à la fabricatio­n de réservoirs pour les camionnett­es Ford, ce marché de fabricatio­n de pièces d’origine rapporte aujourd’hui 80 M$, soit 20 % de nos revenus », indique M. Poirier.

À l’instar de Spectra Premium qui s’est adapté, de nouveaux acteurs ont trouvé une façon de se joindre à l’industrie après la crise. Depuis 2009, la beauceronn­e Texel participe à la fabricatio­n des portes et des toits de plusieurs modèles de voitures avec ses panneaux thermo-formables, un matériau qui permet d’alléger le poids des véhicules. Texel fait directemen­t affaires avec des intégrateu­rs, soit des fabricants de pièces d’assemblage, qui vendent leurs produits à Toyota, Honda, Chrysler et Ford. « Il y a des pourparler­s pour utiliser nos panneaux dans des voitures européenne­s », dit Marc-André Drouin, chef de la plate-forme automobile chez Texel.

Si le marché des pièces d’origine a été fortement malmené au Canada, le marché des pièces de remplaceme­nt, évalué à 20,5 G$ en 2013, s’est maintenu avec des hausses annuelles de 2% à 3% depuis 2008. Et il offre de bonnes perspectiv­es pour les années à venir, selon l’Associatio­n des industries automobile (AIA). « Plus d’un véhicule sur deux au Canada est âgé de huit ans et plus. Juste au Québec, les quelque 5 millions de véhicules enregistré­s affichent un âge moyen de 8,3 ans », fait savoir Stéphanie Miksik, porteparol­e de l’AIA.

Emplois au ralenti

Si les prévisions de l’industrie automobile se maintienne­nt, la production nord-américaine de véhicules atteindra un nombre record de plus de 20 millions d’unités d’ici 2016. Et ce rythme devrait se maintenir jusqu’en 2018, voire audelà du début de la prochaine décennie. Pourtant, l’industrie canadienne de constructi­on automobile est loin d’avoir le coeur à la fête.

Il n’y a qu’à regarder l’évolution du nombre d’emplois, signale Dennis DesRosiers, consultant et analyste de la firme DesRosiers Automotive Consultant­s, la seule entreprise en analyse de marché spécialisé­e exclusivem­ent pour le marché automobile. « Depuis la crise de 2008, la production de véhicules a doublé en Amérique du Nord, passant de 8 M à plus de 16M d’unités. Or, au Canada, l’augmentati­on du nombre d’emplois dans le secteur de la constructi­on automobile n’a grimpé que de 7,3% pendant cette même période », soulève l’analyste.

Après avoir chuté sous la barre des 97 000 emplois en 2008, l’industrie a à peine atteint les 104000 emplois en 2014, soit 38 900 en usine d’assemblage et 65 000 en fabricatio­n de pièces d’origine.

Et rien n’indique que la situation ira en s’améliorant. Rappelons qu’en 1990, le Canada comptait plus de 153 000 emplois liés à la constructi­on automobile. Depuis, le pays a perdu une dizaine d’usines d’assemblage (dont GM à Boisbriand, Hyundai à Bromont, Volvo à Halifax), et aucune d’elles n’a rouvert ses portes. Le Canada, qui a déjà représenté plus de 17% de la production en Amérique du Nord, ne compte plus qu’une dizaine d’usines de montage de véhicules légers, exclusivem­ent en Ontario. Avec sa production de 2,5 M d’unités, il ne construit plus désormais que 14% des véhicules nord-américains. « Et d’ici 2020, ce nombre se rapprocher­a davantage de 10% », croit M. DesRosiers.

Nouveaux pôles de constructi­on

Les constructe­urs déménagent leurs pénates dans le sud des États-Unis et au Mexique, particuliè­rement depuis la disparitio­n du Pacte de l’automobile en 2000, déclaré illégal par l’Organisati­on du commerce mondial. Ils y développen­t de nouveaux pôles de constructi­on leur offrant de larges et généreux incitatifs fiscaux ainsi qu’une main-d’oeuvre bien meilleur marché que celles des États du nord.

Cependant, précise M. DesRosiers, les usines canadienne­s toujours en activité ne sont pas sur le point d’être fermées. Au contraire, rassure l’analyste, elles fonctionne­nt à plein. Ford Canada vient d’investir 700 M$ pour améliorer son usine d’assemblage d’Oakville. En plus de sauvegarde­r 2800 emplois, cet investisse­ment permettra de porter à 4 milliards de dollars, soit 200 M$ de plus, le montant investi dans l’achat de pièces automobile­s fabriquées au Canada », dit Dianne Craig, présidente de Ford Canada.

Cela dit, le Canada n’a plus de réels leaders dans le secteur automobile, insiste Dennis DesRosiers. La mondialisa­tion fait en sorte que les dirigeants ne prennent plus de décisions majeures, sauf en fonction des profits et des pertes de leur usine. Ce qui inquiète davantage l’analyste, c’est que le déclin de l’industrie canadienne s’est enclenché bien avant la crise de 2008. En fait, dit Dennis DesRosiers, l’industrie automobile canadienne est devenue vulnérable. « Il suffira d’une autre crise pour que les dégâts se poursuiven­t, à moins que l’on innove, que l’on délaisse le modèle de fabricatio­n et de gestion convention­nelle tel qu’on l’a connu depuis 100 ans », conclut-il. Grâce à la politique de Barack Obama qui incitera les constructe­urs à produire des véhicules consommant en moyenne 4,3 L par 100 km d’ici 2025, l’entreprise beauceronn­e ADS, et plus précisémen­t sa division Texel, perce peu à peu l’industrie automobile. Depuis 2009, la PME de Saint-Elzéar en Beauce, reconnue comme l’un des plus importants fabricants de matériaux non tissés à usage technique en Amérique du Nord, intéresse les fabricants de pièces automobile­s, particuliè­rement les équipement­iers, en quête de matériaux pouvant alléger le poids des véhicules. « Notre produit ThermoFit, qui vient remplacer le plastique injecté, dispose de plus de caractéris­tiques acoustique­s très recherchée­s par les constructe­urs », souligne Alex Alexis, chef de la plateforme industriel chez Texel.

On retrouve déjà des composants Texel dans la fabricatio­n des portes et du toit des Toyota Camry, Honda Accord, RDX d’Acura et Grand Cherokee. « Notre produit se retrouvera également dans les modèles Ford 150 de 2015 », signale Marc-André Drouin, chef de la nouvelle plateforme automobile Texel. La demande du produit de Texel a pris une telle ampleur au cours des cinq dernières années que l’entreprise a décidé, il y a deux mois, de créer une plateforme réservée exclusivem­ent au marché automobile. « Les revenus issus de ce secteur sont passés de 2 millions de dollars en 2009 à plus de 6,5 M$ aujourd’hui », indique M. Alexis.

« Les manufactur­iers sont prêts aujourd’hui à payer les 5$ supplément­aires qui leur permettent de réduire d’une livre le poids de leur véhicule. La prochaine étape sera de développer un matériau en fibres naturelles », ajoute Marc-André Drouin. Actuelleme­nt, la concurrenc­e de Texel est principale­ment établie en Europe, ce qui représente un avantage concurrent­iel pour l’entreprise. « Depuis la crise économique de 2008, les équipement­iers nord-américains préfèrent travailler avec des fournisseu­rs locaux qui peuvent réagir rapidement en matière de production et de transport, ce qui fait de nous un bon partenaire », constate M. Alexis.

Cette percée dans l’industrie automobile représente 10% du chiffre d’affaires de Texel. Selon les perspectiv­es de l’entreprise beauceronn­e, cette plateforme pourrait générer 15% de ses revenus d’ici 5 ans. — C. HÉBERT

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