Cominar : la nécessaire diversification canadienne
Le plus important propriétaire d’immeubles commerciaux du Québec explique pourquoi il souhaite accélérer sa présence dans le reste du Canada. D’ailleurs, selon plusieurs observateurs, 2014 est une année charnière pour le fonds immobilier.
Ces derniers mois, la présence de Cominar (Tor., CUF.UN, 18,88$) dans le marché immobilier de Toronto est devenue aussi importante que sa présence dans la région d’Ottawa, siège des premières incursions ontariennes.
Une semaine avant l’assemblée annuelle de ses détenteurs de parts au début de mai, le fonds de placement immobilier (FPI) a allongé 100,7 millions de dollars pour acheter 14 immeubles, principalement industriels, dans la région de la métropole canadienne.
Cette transaction portait à 358 M$ la valeur des acquisitions réalisées par le fonds depuis le 1er janvier, et son président et chef de la direction, Michel Dallaire, affirmait « qu’environ 75% du bénéfice net d’exploitation des récentes acquisitions proviendra du marché torontois ».
L’actif total de Cominar, à 6,3 milliards de dollars, le place au troisième rang des FPI diversifiés au Canada, derrière H&R (Tor., HR.UN) et CREIT (Tor., REF.UN). Il est principalement composé de centres commerciaux, d’immeubles de bureaux et d’immeubles industriels et polyvalents totalisant 38,3 millions de pieds carrés (l’équivalent de 664 terrains de football américain!) au Québec, dans les provinces atlantiques, en Ontario et dans l’Ouest canadien.
M. Dallaire a accordé à Les Affaires une longue entrevue dans les nouveaux locaux du siège social.
Celui-ci a été déménagé à la fin de 2013 du modeste immeuble occupé pendant 20 ans dans le parc industriel voisin de l’autoroute FélixLeclerc, à Québec, au huitième étage du plus prestigieux édifice du parc immobilier de Cominar, le complexe Jules Dallaire sur le boulevard Laurier. Il a été nommé en l’honneur du fondateur.
Dans cet immeuble phare du nouveau centre des affaires de Québec, l’aménagement plus fonctionnel reste sobre, comparativement à ce qu’on voit chez certains autres locataires de l’édifice de 28 étages.
Une reprise bénéfique pour le secteur industriel
« Nous gardons les yeux bien ouverts sur les occasions d’acquisition qui nous permettront de croître sur le marché canadien », explique le président. L’expérimenté gestionnaire de 52 ans se montre prudent face aux coûteuses propriétés situées dans les centres-villes.
La diversification géographique est au coeur de sa stratégie de croissance.
Environ 400 des 513 immeubles détenus au 27 février se trouvent dans les régions de Québec (134) et Montréal (268), soit environ 78% du portefeuille de l’entreprise. Cette forte concentration au Québec représente l’un des principaux risques avec lequel doit composer la société, signalent les analystes qui suivent l’entreprise.
Dans le marché montréalais, Cominar est devenu le plus important propriétaire d’immeubles de bureaux et industriels au fil des nombreuses acquisitions.
Dans ce créneau, « le marché est fragile et la concurrence féroce ». Il faut, dit M. Dallaire, tenir compte de la tendance à densifier l’occupation des espaces loués. Dans le contexte économique actuel, la demande de pieds carrés pour chaque travailleur logé diminue.
Le taux d’occupation des immeubles de bureaux de Cominar a d’ailleurs reculé entre le quatrième trimestre 2013 et le premier trimestre de 2014, en raison de la faiblesse du marché montréalais. Jonathan Kelcher, analyste de Valeurs mobilières TD, soulignait dans un récent rapport que la société était contrainte d’offrir plus d’incitatifs, voire même de diminuer le prix de certains loyers afin d’accroître son taux d’occupation.
Dans le créneau industriel, l’homme d’affaires constate les effets positifs de la reprise économique nord-américaine et de la baisse de la devise canadienne sur la demande d’espace ou d’entreposage. « On a récemment recommencé à hausser le loyer au pied carré, au renouvellement des baux. »
Pour choisir le bon immeuble dans le bon marché, il faut trouver celui qui correspond aux besoins du locataire moyen. Un entrepôt difficile à subdiviser ne l’intéresse pas dans la région de Québec, tandis qu’un entrepôt de plus grande taille représente un avantage dans la région de Montréal.
Un accès aux marchés à un coût avantageux
Dans un contexte où il est possible d’obtenir un emprunt pour un taux aussi bas que 4,25 % pour 10 ans, la direction de Cominar vise à fermer le plus possible ses contrats hypothécaires pour des termes de sept à dix ans. Par contre, au moment de faire des acquisitions, un marché actif relève le prix des propriétés et « tire vers le bas le taux de capitalisation » (ratio entre le revenu annuel net et le prix au comptant d’un immeuble), qui fait foi de tout dans l’immobilier.
« Ce ne sera pas au cours des cinq à six prochains mois, mais c’est logique que les taux d’intérêt remontent », prévient M. Dallaire. « Ça ne nous dérange pas, car la durée résiduelle moyenne de nos hypothèques est de cinq ans environ et nous n’avons pas d’emprunts à court terme. »
Au cours des cinq derniers trimestres, la proportion de la dette financée par des débentures non garanties de premier rang est passée de 16 % à presque 36 %. L’objectif : faire passer cette proportion à 50 %.
Au 31 décembre 2013, le taux d’intérêt moyen pondéré sur les emprunts hypothécaires s’établissait à 5,06 %, comparativement à 4,31 % pour les débentures. La stratégie de Cominar vise aussi à « assurer un accès stable aux marchés financiers, surtout à un coût avantageux ».
La firme de notation Dominion Bond Rating Service (DBRS) attribue à ces débentures la cote « BBBLow ».
Il s’agit de la « note d’entrée » pour toutes les fiducies immobilières, explique M. Dallaire. Pour l’améliorer, dit-il, il faut non seulement poursuivre la diversification géographique du portefeuille de propriétés, mais aussi garantir un ratio de 1,30 $ de propriété libre de dette pour chaque 1,00 $ d’immeuble grevé de dette.
Les discussions avec l’agence de notation évoluent bien, assure le passionné d’immobilier.
Victime de « l’escompte Québec »
La valeur des parts des FPI fluctue traditionnellement en fonction du taux d’intérêt des obligations canadiennes à échéance de 10 ans.
Au printemps 2013, quand des experts ont soutenu l’hypothèse d’un relèvement prochain des taux obligataires de long terme, « l’ensemble des titres de fiducies de placement immobilier canadiennes ont planté », dit Michel Dallaire.
Les parts de Cominar ont été plus touchées que les autres, parce que la fiducie a réalisé plusieurs émissions de titres pour financer ses acquisitions de 2012, à hauteur de plus de 1 G$.
Présentement, « l’ensemble des valorisations du secteur se rattrapent », estime le patron de Cominar, même si plusieurs se sont inquiétés de la faiblesse du titre en Bourse lors de l’assemblée des porteurs de parts.
Le président du fonds évoque à ce sujet « l’escompte Québec » lié à la concentration de propriétés dans cette province.
Chaque investisseur institutionnel évalue différemment le risque pour des actifs situés à Calgary, Toronto ou Montréal. Il peut, à tort ou à raison, s’attendre à un rendement plus élevé pour participer à un financement au Québec, explique le dirigeant.
Le phénomène est difficile à chiffrer mais réel, dit-il, en faisant référence à des discussions avec des gens d’autres sociétés québécoises cotées, comme la Banque Nationale.
Pendant la dernière campagne électorale provinciale, un important gestionnaire de fonds de Vancouver a même pris la peine d’avertir Michel Dallaire que, contrairement à son habitude, il ne ferait pas partie des acheteurs si Cominar lançait une nouvelle émission de titres, comme un analyste financier en avait émis l’hypothèse.
Mais « l’insécurité politique est derrière nous », se réjouit l’ingénieur de formation. L’analyste Matt Kornack, de la Financière Banque Nationale, prévoyait d’ailleurs en mai que le contexte politique plus stable au Québec « contribuera à dynamiser l’activité de location à Montréal au cours des prochaines années ».
Chose certaine, pour Michel Dallaire, il n’est pas question de prôner, comme certaines fiducies immobilières l’ont fait récemment, une scission du fonds selon les catégories d’immeubles. « Scinder n’a pas de sens pour nous », dit celui qui attache autant d’importance à la diversification sectorielle qu’à la répartition géographique.
Aux yeux des dirigeants de Cominar, les centres commerciaux « sont là pour rester » grâce au renouvellement de « l’expérience client », et ce, malgré la menace du commerce en ligne. Les centres commerciaux ont beaucoup évolué depuis 50 ans, et l’offre de services continuera à se transformer au cours des 10 à 15 prochaines années.
Par contre, Michel Dallaire est moins optimiste pour ce qui est des ensembles commerciaux de type power center. D’autres usages pourraient être envisagés pour ces propriétés, selon lui
Pas pressé de relever la distribution
La fiducie avait pris l’habitude de relever régulièrement le montant de la distribution versée à ses détenteurs de parts, jusqu’à ce que la crise de 2008 renverse cette tendance. Elle n’a pas bougé à ce chapitre depuis le retour au calme, fait remarquer son patron.
« La pire chose serait de faire fluctuer d’un mois à l’autre le montant distribué par part. »
La cible reste de donner aux investisseurs 90 % du bénéfice distribuable. Ce ratio se situait à 92,3 % pour le trimestre terminé le 31 mars 2014.
En attendant que l’action de Cominar obtienne une meilleure valorisation en Bourse, les investisseurs sont bien récompensés pour leur patience avec un taux de rendement de la distribution de 7,5 %, croit Jonathan Kelcher, de la TD.
On disait souvent du fondateur de Cominar, Jules Dallaire, qu’il était un homme discret.
Quand on demande à Alban D’Amours de parler de Michel Dallaire, qui a pris la relève de son père à la tête du fonds de placement immobilier en avril 2005, le premier qualificatif qui lui vient aux lèvres est « humble ».
Au seuil de la cinquantaine, l’ingénieur a acquis la réputation d’être un homme capable de faire partager ses valeurs. Il compte plus de 20 ans d’expérience dans Cominar et y a occupé successivement les fonctions de vice-président et directeur de l’exploitation, et de président et chef de l’exploitation.
Pour l’ex-président et chef de la direction de Desjardins, Michel Dallaire était alors méconnu. Il avait travaillé dans l’ombre de son père de qui il avait énormément appris, souligne M. D’Amours.
« On a découvert un homme exceptionnel qui allait devenir avec le temps un vrai leader », dit celui qui siège depuis maintenant cinq ans au conseil des fiduciaires et préside le comité d’audit de Cominar.
Jules Dallaire a été son mentor, reconnaît le fils, « parce qu’il savait me laisser apprendre à prendre des décisions », quitte à faire des erreurs, mais à condition de savoir pourquoi.
Implication sociale
Parmi les gens d’affaires que Michel Dallaire admire, Yvon Charest est celui qui a le plus marqué son implication sociale.
C’est le président et chef de la direction de l’Industrielle Alliance qui l’a notamment convaincu que les leaders d’affaires doivent montrer leur engagement afin de créer un effet d’entraînement chez leurs pairs.
Par ailleurs, aux yeux de celui qui se dévoue pour le Patro Roc-Amadour depuis 20 ans, côtoyer des personnes âgées ou des enfants handicapés « aide à rester connecté aux vraies valeurs ».
Plus récemment associé aux activités de Leucan, il plaide surtout pour l’aide qu’apporte l’organisme Portage aux adolescents « qui ont rencontré la mauvaise per- sonne au mauvais moment ». Pour Alban D’Amours, Michel Dallaire est un homme transparent et d’une grande intégrité qui « travaille beaucoup » et inspire confiance aux investisseurs.
Celui-ci admet qu’il lui arrive d’apporter un peu d’ouvrage à la maison les fins de semaine. Mais il a abandonné le golf quand un de ses enfants lui a fait prendre conscience que cette activité leur laissait peu de temps ensemble. La « chimie du tissu familial » est très importante pour lui, et ainsi il a orienté ses loisirs vers des sports partagés avec les enfants, comme la voile et le ski.
À l’écoute
Au travail, il « n’est pas du genre à casser la vaisselle », illustre Alban D’Amours. Son écoute inspire confiance et son assurance lui permet de faire valoir son point de vue efficacement, explique-t-il.
Peu de temps après la création du FPI, Michel Berthelot est devenu en 1999 le bras droit financier de Jules Dallaire. Il a récemment quitté le poste de vice-président exécutif et chef des opérations financières pour celui de président et chef de l’exploitation du Groupe Dallaire, qui gère les autres actifs familiaux.
De son ami Michel, il retient principalement, outre « son intelligence au-dessus de la moyenne et sa mémoire phénoménale pour le suivi des dossiers », sa grande patience. « Le temps ne compte pas pour lui au moment d’écouter un employé, peu importe son niveau hiérarchique. »
Si le style de gestion « fortement contrôlée » sous le fondateur a évolué vers une forme beaucoup plus décentralisée sous le fils, c’est surtout en raison de la taille de l’organisation, dont l’actif est passé de 250 millions de dollars à 6,3 milliards de dollars en 16 ans.
« Michel Dallaire n’accorde pas facilement sa confiance, mais une fois qu’elle est acquise, il nous laisse travailler », dit Michel Berthelot. « La solidité de son portefeuille immobilier et de son équipe ne peut que donner de bons résultats », dit-il en faisant référence à l’avenir de Cominar. — L. TANGUAY
Depuis longtemps, les Américains qui prennent leurs décisions de placement sans l’aide d’un conseiller peuvent acheter un fonds commun directement de la société qui le gère. Ils évitent ainsi les frais à payer à un conseiller et ne payent donc que les frais de gestion du fonds. La logique est simple: l’investisseur ne paye que pour les services qu’il reçoit.
Les fonds de série D permettent aux épargnants canadiens d’appliquer la même logique. Hélas, ces fonds sont trop peu nombreux. Et aujourd’hui encore, des honoraires de conseil sont intégrés aux frais de la grande majorité des fonds disponibles au Canada. Un investisseur achetant des fonds par l’entremise d’un courtier exécutant paiera les mêmes frais que s’il les avait achetés auprès d’un conseiller. Or, le courtier exécutant ne peut pas offrir de conseil. Dans cet exemple, les honoraires de « conseil » seront versés au courtier exécutant.
Pourtant, les fonds de série D réduisent justement la commission de suivi ( trailer fee) payable au courtier exécutant. Celle-ci, sur la plupart des fonds de série D composés d’actions, est souvent de 0,25% comparativement à 1% pour les fonds d’actions de série A habituels.
Dans les faits, la réduction du ratio des frais de gestion (RFG) varie beaucoup d’un fonds à l’autre. Par exemple, le RFG de la série A du Fonds mondial d’analyse fondamentale Trimark est de 2,8%, tandis que celui de la série D n’est que de 1,32%. Par contre, le RFG de la série A des Fonds d’actions canadiennes O’Shaughnessy est de 1,55%, par rapport à 1,21% pour celui de la série D, un écart plus modeste de 22%. Rappelons que le RFG médian sur les fonds d’actions canadiennes est de 2,37%, selon la base de données PALTrak de Morningstar Canada.
Un créneau en effervescence
Plusieurs études ont documenté l’effet négatif des coûts sur la performance des fonds. Selon une étude de Financial Research Corporation publiée en 2002, le RFG s’avère l’indice le plus fiable de la performance future des fonds. L’étude démontre que les fonds les moins coûteux ont affiché des rendements supérieurs à la moyenne durant toutes les périodes examinées.
Les fonds de série D ne datent pas d’hier. Selon la base de données PALTrak de Morningstar Canada, le premier aurait été lancé il y a une cinquantaine d’années par la société de gestion de fonds PH&N, acquise par la Banque Royale du Canada en mai 2008. Toutefois, ces fonds sont restés marginaux, probablement parce que les conseillers n’y trouvaient pas leur compte.
L’annonce en novembre dernier de l’ajout de fonds de série D par Invesco Canada, Placements Mackenzie et BlackRock Canada a toutefois changé la donne. Depuis, le courtier exécutant BMO Ligne d’action a récemment lancé sa propre gamme d’une trentaine de fonds de série D, tous basés sur des fonds gérés par BMO. On comptait 298 fonds de série D offerts sur le site du courtier exécutant RBC Placements en Direct à la fin de mai, avec un seuil de placement initial de 500$.
Cette soudaine effervescence n’est pas étrangère à des discussions que les autorités en valeurs mobilières du Canada mènent sur la structure de tarification actuelle des organismes de placement collectif. Des groupes de défense des consom- mateurs, notamment la Fondation canadienne pour l’avancement des droits des investisseurs (FAIR Canada), aimeraient voir disparaître les commissions de suivi intégrées dans les frais d’un fonds. Ces commissions de suivi sont désormais interdites au Royaume-Uni et en Australie.
L’industrie canadienne des fonds préférerait conserver la structure actuelle, quitte à jeter du lest en créant les fonds de série D pour les investisseurs autonomes: « Il semble de plus en plus clair que les autorités veulent s’assurer que les investisseurs autonomes ne paient pas pour des conseils qu’ils ne reçoivent pas », reconnaît Peter Intraligi, président d’Invesco Canada.
D’autres options que les fonds de série D s’offrent à l’investisseur autonome qui veut diminuer le coût de détention des fonds communs. Ils peuvent se tourner vers des fonds négociés en Bourse, qui offrent pour la plupart une gestion qui vise à reproduire un indice boursier. Leurs frais de gestion peuvent être aussi bas que 0,05%. Il existe aussi des familles de fonds gérés activement dont les frais ont toujours été plus bas parce qu’elles s’adressaient déjà aux investisseurs autonomes. Un nom vient immédiatement à l’esprit: Mawer. Cette société de gestion de Calgary offre une dizaine de fonds, dont le RFG varie de 0,98% à 1,82% pour un placement initial de 5 000$. Mawer ne verse aucune commission de suivi aux courtiers.