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Valeurs mobilières : une étrange obsession !

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Courrier des lecteurs — Même si le gouverneme­nt fédéral a été débouté en Cour suprême en des termes lapidaires, il revient à la charge par deux petites portes entrouvert­es dans le jugement de cette Cour.

Bien qu’il ait été démontré à moult reprises que les arguments avancés pour défendre son projet d’un organisme central des valeurs mobilières étaient fallacieux et sophistiqu­es, Ottawa persiste et signe. Le nouveau stratagème du gouverneme­nt fédéral comporte deux volets, expresséme­nt conçus pour contourner la décision de la Cour suprême.

Ottawa remplace l’expression « commission nationale des valeurs mobilières » par « organisme coopératif de réglementa­tion des marchés de capitaux », mais s’assure que les provinces adopteront une seule loi « provincial­e » uniforme, l’équivalent en pratique d’une loi fédérale !

Ottawa produira donc une « loi fédérale complément­aire » portant notamment sur le droit pénal, le risque systémique et autres questions. Cette loi sera imposée à toutes les provinces, même à celles qui auront refusé de se joindre à l’organisme « coopératif ».

Par la suite, un protocole d’entente sera établi pour créer à Toronto une structure administra­tive centralisé­e dirigée par un régulateur en chef. Des « bureaux régionaux », dirigés par un régulateur en chef adjoint sous l’autorité du bureau central, offriront la gamme de services offerts actuelleme­nt par les autorités en valeurs mobilières provincial­es.

Cette propositio­n centralisa­trice n’est recevable que parce que certaines provinces sont prêtes à déléguer à cette entité centrale une compétence qui leur revient de plein droit. Sauf dans le cas de l’Ontario, qui rêve depuis toujours d’un organisme national de réglementa­tion situé à Toronto afin de consolider sa position à titre de place financière unique du Canada, il est difficile de comprendre pourquoi les autres provinces se rallieraie­nt à un tel projet.

Si elles devaient se joindre au projet fédéral – ce qui ne semble pas imminent en ce qui concerne l’Alberta à tout le moins –, le gouverneme­nt fédéral aura réussi à isoler le Québec et à placer le gouverneme­nt québécois devant un dilemme pénible : faire cavalier seul ou accepter de coopérer avec un organisme fédéral auquel il est opposé en droit et en pratique. Pour le Québec, unanime dans son opposition à ce projet, ce geste du gouverneme­nt fédéral posé avec la complicité de certaines provinces pourrait faire de cette histoire un mini lac Meech!

Yvan Allaire, président exécutif du conseil de l’Institut sur la gouvernanc­e d’organisati­ons privées et publiques. Les opinions exprimées dans ce texte n’engagent que son auteur.

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