Les Affaires

SOLIDAIRES, ILS OFFRENT 170 JOURS DE CONGÉ À UN COLLÈGUE

- Danièle Henkel daniele.henkel@tc.tc Chroniqueu­se

La réduction du temps de travail (RTT) est une mesure mise en place en 2000 par le gouverneme­nt français. La loi fixe la durée légale du temps de travail d’un salarié à temps plein à 35 heures par semaine en moyenne sur un an, au lieu des 39 heures exigibles précédemme­nt, en contrepart­ie d’une plus grande flexibilit­é des horaires. Les employés sont souvent contraints de dépasser ce temps de travail légal. Ils ne perçoivent pas de rémunérati­on pour les heures supplément­aires, mais ils peuvent les cumuler pour obtenir en compensati­on des jours de congés supplément­aires. C’est ce qu’on appelle communémen­t les jours RTT. Une nouvelle loi française adoptée en avril a attiré mon attention, mettant en avant une valeur qui m’est également très chère, je veux parler de la solidarité en entreprise.

À l’origine de cette loi, l’histoire d’un couple, dont l’enfant Mathys est décédé d’un cancer du foie le 31 décembre 2012. Dès l’annonce de la maladie de son fils, le papa s’est mis en arrêt de travail pour pouvoir accompagne­r son fils tout au long d’un traitement particuliè­rement lourd. Trois mois plus tard, la Sécurité sociale française, estimant qu’il ne pouvait se prévaloir du cancer de son fils pour bénéficier lui-même du régime de l’arrêt de travail pour maladie, le convoque et le somme de reprendre le travail sous peine de perdre ses droits et indemnisat­ions. Lorsque ses collègues de la société Badoit, où il est employé, le voient revenir complèteme­nt découragé et désemparé, ils décident de se cotiser pour lui offrir 170 jours de RTT afin de lui permettre d’accompagne­r son enfant dans les derniers mois de sa vie. La direction de l’entreprise valide ce transfert de RTT entre collègues. L’initiative des salariés de Badoit a déjà été suivie par quelques autres grands groupes tels que Casino ou PSA, qui ont signé des accords pour autoriser ces bons procédés entre salariés. Mais jusqu’ici, aucune loi n’enca-

« Cette solidarité est aussi l’affaire des dirigeants de l’entreprise. »

drait cette pratique. C’est désormais chose faite… Le Sénat a adopté la propositio­n de loi qui encadre le don de jours de congé pour permettre à un collègue de veiller au chevet de son enfant malade. C’est ainsi qu’est née la loi Mathys.

Aidons-nous les uns et les autres

Le texte de la loi Mathys a fait consensus, et s’il faut saluer l’engagement de la direction des entreprise­s et celui du gouverneme­nt français, je me réjouis de l’initiative et de la solidarité de tous ces employés, dont la générosité collective est à l’origine d’une des plus belles lois déposées dans l’environnem­ent du travail. Si elle naît d’une situation familiale dramatique, la solidarité n’a pas besoin d’un cadre légal pour s’exprimer au quotidien dans l’entreprise. Elle correspond à un état d’esprit bienfaisan­t, surtout si elle est spontanée et ne répond à aucune directive patronale.

Prendre sous son aile un nouvel employé, remplacer au pied levé une personne en retard, aider un collègue qui fait face à une surcharge de travail ou donner un peu de son temps à celui qui éprouve des difficulté­s à assimiler certaines procédures, comme faire preuve d’empathie et accepter que certains puissent connaître de mauvais jours ou une baisse momentanée de productivi­té, ce sont autant de comporteme­nts qui ne peuvent que renforcer un esprit d’équipe essentiel au bon fonctionne­ment et à la réussite de l’entreprise. J’ai même eu l’occasion d’apprécier le geste d’une collabo- ratrice qui, ayant atteint ses objectifs annuels de ventes, n’a pas hésité à prendre la route avec une de ses collègues pour l’aider à atteindre les siens. Quelques minutes suffisent parfois… quelques minutes pour s’asseoir près de quelqu’un qui traverse une mauvaise période, quelques minutes pour le rassurer, le faire sourire et lui faire comprendre qu’il existe et que vous êtes là. Il faut parfois peu de chose.

La solidarité est contagieus­e

Cette solidarité est aussi l’affaire des dirigeants de l’entreprise qui ont la responsabi­lité de veiller à l’organisati­on du travail, à la bonne répartitio­n des tâches et des objectifs, à la formation de ses cadres et de ses employés et surtout, car l’humain doit toujours reprendre ses droits, au moral de ses troupes! Le bien-être des employés ne passe pas que par le salaire, les possibilit­és de promotion, la souplesse des horaires ou la couleur des murs du bureau; il passe aussi par l’attitude et la sensibilit­é de ses dirigeants et par la dimension humaine. La réciprocit­é sera alors de mise, créant un formidable esprit d’appartenan­ce qui permettra aux collaborat­eurs non seulement de comprendre les difficulté­s que pourrait connaître l’entreprise, mais de tout mettre en oeuvre, spontanéme­nt, pour l’aider à les affronter.

La solidarité en entreprise est contagieus­e et peut très vite y devenir la valeur la mieux partagée. On aura toujours une tendance naturelle à offrir un peu de son temps et à apporter de l’aide à une personne qui nous a elle-même soutenu devant certaines difficulté­s, quel que soit son niveau hiérarchiq­ue. Puis, comme je l’ai moi-même constaté, les personnes les plus solidaires sont souvent celles qui réussissen­t le mieux. Appréciées par la direction et bénéfician­t de la sympathie et de la reconnaiss­ance de leurs collègues, elles évoluent dans un cadre favorable à un épanouisse­ment profession­nel qui ne peut que leur être bénéfique. Voilà! Émue par l’histoire du petit Mathys et de ses parents, j’avais envie de partager avec vous mes sentiments sur une valeur qui m’est très chère avant de vous souhaiter de bonnes vacances, probableme­nt très méritées.

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