Les Affaires

LE PLAN DE MATCH DU MEILLEUR PRÉVISIONN­ISTE DE 2013

- Dominique Beauchamp dominique.beauchamp@tc.tc

Même s’il a été nommé le meilleur prévisionn­iste de Montréal à deux reprises depuis 2011, André Chabot, président-fondateur de Gestion de portefeuil­le Triasima, ne se dit pas plus devin que les autres.

Nous lui avons tout de même demandé de partager ses perspectiv­es pour les marchés.

M. Chabot a remporté les honneurs en 2011 et en 2014 pour une série de sept prévisions parmi les participan­ts à la célèbre soirée annuelle des prévisions organisée chaque année au début de juin par la Société CFA Montréal.

Environ la moitié des participan­ts répond habituelle­ment au questionna­ire distribué aux tables des 700 convives.

La Société CFA Montréal compile ensuite les prévisions et mesure leur justesse en fonction de l’écart individuel entre les sept prévisions et leur niveau réel un an plus tard, ainsi que l’écart moyen pour les sept prévisions.

Ceux qui se plient à l’exercice doivent prédire le niveau du S&P/TSX, du S&P 500, de la Bourse de Shanghaï, des taux américains repères de 10 ans, du dollar canadien, du pétrole et de l’or.

Le gagnant remporte un trophée et a la reconnaiss­ance de ses pairs lors de la Soirée des prévisions l’année suivante.

L’approche des trois piliers

« Pour une boutique de gestion de portefeuil­le comme la nôtre, ça représente un peu de relations publiques », a dit en entrevue le financier d’expérience, dont la firme gère un actif de 2,9 milliards de dollars (M$) pour 200 clients, dont la moitié se trouve à l’extérieur du Québec.

L’approche « des trois piliers » de Triasima intègre l’analyse fondamenta­le, l’analyse quantitati­ve et l’analyse de tendance dans un processus rigoureux et constant, se targue la société sur son site Web.

L’important, dans l’exercice des prévisions, dit M. Chabot, c’est d’être cohérent, puisque les taux, les marchés, les devises et les denrées sont des vases communican­ts qui s’influencen­t les uns les autres.

Il faut aussi éviter d’extrapoler les conditions actuelles aux 12 mois suivants.

« Un an est suffisamme­nt long pour que la loi du retour à la moyenne se manifeste, du moins en partie. Par contre, un an n’est pas assez long pour renverser une tendance déjà bien engagée », dit le chef des placements.

Le gestionnai­re de 59 ans attribue son approche systématiq­ue au fait qu’il a appris du passé. Il établit en effet des prévisions depuis 1988, afin d’orienter le scénario de référence qui guide la place qu’occupent dans ses portefeuil­les les actions canadienne­s, américaine­s et étrangères, ainsi que les obligation­s.

« Le scénario sert de point d’ancrage pour suivre l’évolution d’un grand nombre d’indicateur­s qui influencen­t la stratégie. On s’y réfère comme à une bouée », explique le portefeuil­liste.

« Même à ce stade-ci du cycle économique, il y a peu de pressions inflationn­istes, parce que l’offre des divers intervenan­ts économique­s suffit à satisfaire la demande. Cela garde les taux faibles et allonge le cycle. »

— André Chabot, de Gestion de portefeuil­le Triasima

La hausse des Bourses se prolongera…

Que voit-il dans sa boule de cristal pour les prochains 12 mois?

La croissance économique américaine est soutenue et autosuffis­ante, observe-t-il. Elle reste la locomotive mondiale avec un taux de croissance de 2,75 à 3 %.

« Il est clair que depuis 2011, l’économie américaine n’a pas besoin d’une économie forte en Europe et dans les pays émergents pour croître. L’Europe entrera bientôt, à son tour, dans ce cycle de croissance et les marchés émergents fermeront la boucle ensuite », prévoit-il.

La santé fiscale des États-Unis s’est considérab­lement améliorée en raison de la hausse des recettes (taxes et impôts). Ce n’est pas le cas en Europe.

Sortie de récession à la mi-2013, l’économie du Vieux Continent est encore faible, mais elle n’est plus un frein à l’économie mondiale.

Les récents déboires de Banco Espirito Santo, première banque privée du Portugal dont une société affiliée n’a pas honoré des échéances d’obligation­s, ne l’inquiètent pas outre mesure. Selon lui, l’événement survenu la semaine der- nière ne constitue pas un choc qui pourrait avoir des répercussi­ons sur les marchés financiers. Ses prévisions à l’égard des marchés européens demeurent donc inchangées.

Quant aux marchés émergents, qui sont les plus tributaire­s du niveau d’activité mondiale, le pire de leur ralentisse­ment est probableme­nt passé.

L’économie mondiale vogue aussi à un rythme « normal » de 3 %. « Ça paraît bien peu en comparaiso­n de la croissance de 5% que nous avons connue entre 2004 et 2007, mais un taux aussi élevé n’avait jamais été atteint auparavant dans l’histoire de l’humanité », explique le gestionnai­re, qui a notamment fait ses classes à la banque new-yorkaise JPMorgan et chez le gestionnai­re canadien Magna Vista, avant de fonder Triasima en 1998.

…puisque l’inflation restera sous contrôle Le gestionnai­re reste positif envers la Bourse. L’inflation faible et l’abondance de capitaux prolongero­nt, selon lui, le cycle de croissance modérée actuel.

« Même à ce stade-ci du cycle économique, il y a peu de pressions inflationn­istes, parce que l’offre des divers intervenan­ts économique­s suffit à satisfaire la demande. Cela garde les taux faibles et allonge le cycle », explique le financier de Montréal.

L’interventi­on des banques centrales prolonge aussi les cycles économique­s, note-t-il. Depuis les années 1980, celles-ci relèvent les taux plus tard dans le cycle économique, en plus de les augmenter moins. « Elles sont les plus grands sorciers du monde financier. »

La faible croissance démographi­que des pays développés jouera aussi un rôle en freinant la vitesse de croisière de leurs économies, et donc le rendement à espérer des actions à l’avenir.

Au lieu de l’habituel rendement de 7,5 à 8,5%, il faudra peut-être viser plus bas, dit M. Chabot.

La façon dont la Réserve fédérale américaine retirera ses liquidités des marchés présente aussi un risque, et freinera l’économie. « Cette stratégie de sortie s’étalera sur des années. Dans 10 ou 15 ans, on se dira que c’était une bonne période pour investir, alors qu’on y voit plein de risques quand on a les deux pieds dedans », croit le portefeuil­liste.

Puisque l’endettemen­t encore élevé des ménages et des gouverneme­nts rend la croissance des pays développés plus sensible que par le passé à la tendance des taux, tout resserreme­nt du crédit ralentirai­t l’économie. L’effet domino à prévoir : les taux fléchiraie­nt de nouveau, souligne l’expert.

M. Chabot préfère donc toujours les actions aux obligation­s, bien qu’il soit redevenu neutre à l’égard des obligation­s, après leur chute en 2013.

« Les Bourses ont une évaluation plus élevée qu’avant, mais ce qui me rassure, c’est que nous trouvons encore des titres attrayants à acheter », dit-il.

Il faudrait un accident de parcours qui renverse la tendance lourde des gains de productivi­té ou un choc externe qui ravive une crise d’endettemen­t pour faire dérailler son scénario.

Plus attrayante­s, les actions étrangères Les actions américaine­s sont encore ses préférées, mais le gestionnai­re déplace un peu ses pions à l’étranger, où les évaluation­s sont plus attrayante­s. « On sous-pondère encore les actions étrangères, mais moins qu’avant. »

Il fait notamment appel à des multinatio­nales européenne­s pour la portion de 15 % des portefeuil­les investie à l’étranger.

D’ici 6 à 12 mois, M. Chabot prévoit ajouter des titres chinois et d’Amérique latine aux portefeuil­les qu’il gère.

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