Les Affaires

COMMENT MIEUX STRUCTURER UN SERVICE NÉGLIGÉ

- Valérie Lesage valerie.lesage@tc.tc

Combien coûte un nouveau client? C’est une question que Philippe Bertrand adore poser aux entreprene­urs manufactur­iers qu’il rencontre, bien que la réponse soit préoccupan­te, car elle démontre le peu d’attention portée au service des ventes, celui-là même qui génère les revenus des entreprise­s.

« Ils peuvent me dire à la cenne près combien coûtent la porte, la fenêtre ou l’aspirateur central qu’ils fabriquent, mais quand on arrive aux coûts d’acquisitio­n de clients, c’est comme si je parlais d’une fusée atomique et que j’étais physicien nucléaire », dit le vice-président et chef de la croissance chez Équation Humaine, un centre d’innovation en marketing numérique établi à Montréal.

Dans un contexte de mondialisa­tion, M. Bertrand constate que le réseautage ne suffit pas pour stimuler les ventes. Surtout quand il est mal ciblé.

« Un de mes clients allait embaucher un représenta­nt qui allait lui coûter 120 000$ par année et 80 000$ en budget de voyage pour couvrir les États-Unis. Tout ce qu’il avait pour outil: une liste des chambres de commerce de New York. À l’évidence, il allait passer deux mois à gratter dans des listes de papier », raconte M. Bertrand.

« Les entreprise­s s’en remettent à peu près à 100% à l’agilité du vendeur, parce qu’il n’y a quasiment pas de processus pour vendre, constate pour sa part Rodolphe Meynier, de Celsius Solutions Ventes à Québec. Nous, nous pensons que la performanc­e des ventes est basée à 25% sur l’agilité du vendeur et à 75% sur les processus. Mais ceux-ci sont absents, parce qu’il n’y a pas de diplôme universita­ire en ventes et peu de chercheurs qui réfléchiss­ent à ce domaine. On fonctionne encore avec l’idée que n’importe qui d’extraverti, avec du bagout, peut devenir vendeur. Mais la capacité de la personne à aller plus loin est limitée. »

Proposant des approches très différente­s, Celsius Solutions Ventes et Équation humaine mettent aujourd’hui la technologi­e au service des ventes pour accroître la performanc­e.

« Les entreprise­s ont un plan marketing qui soutient la stratégie concernant les revenus, mais sur le terrain, donc dans la stratégie de vente, on a constaté que c’était un no man’s land dans beaucoup de PME. Le service le plus important, celui qui inscrit la ligne un au bilan financier, est le moins bien structuré de l’organisati­on », souligne M. Meynier.

« L’augmentati­on de la productivi­té, c’est bien, mais même si on a 20% de gains de ce côté, ça ne se traduit pas nécessaire­ment par 20% de profit supplément­aire. L’augmentati­on des ventes, elle, se traduit en profits nets », fait valoir M. Bertrand, qui indique que ses services ont permis à ses clients d’augmenter leurs ventes de 3 à 27%, moyennant quelques milliers de dollars d’honoraires.

Équation humaine utilise une technologi­e qu’elle a mise au point pour la cyberenquê­te. En fait, elle utilise les données massives ( Big Data) pour cibler des clients potentiels. Par exemple, une entreprise québécoise qui vend des aspirateur­s centraux veut développer son marché en Floride. La plateforme informatiq­ue d’Équation humaine, capable de générer deux millions de requêtes par jour, identifier­a toutes les entreprise­s floridienn­es de distributi­on d’aspirateur­s. Pour un autre client, elle fera la liste de tous les journalist­es dans le monde affectés au secteur minier.

« On réduit le cycle de vente des clients, ce qui permet d’en faire davantage. Parfois, on me dit que j’envoie trop peu de clients potentiels dans mes listes, mais si j’ai envoyé 130 noms, ce sont 130 clients potentiels qui sont intéressés à acheter. Je peux en envoyer 2 000, mais on reviendra aux mêmes 130 qui sont les plus susceptibl­es d’acheter », dit Philippe R. Bertrand.

Équation humaine offre aussi le service d’appels à froid chez les clients potentiels reconnus. Quand un rendez-vous est fixé, elle laisse l’entreprise cliente se charger de conclure la transactio­n.

Concentrer ses efforts sur les clients à fort potentiel

De son côté, Celsius Solutions Ventes cherche aussi à repenser les stratégies de développem­ent de marché et à cibler les efforts vers les clients au plus fort potentiel, mais de façon très différente.

Le consultant aide les PME, principale­ment manufactur­ières, à structurer leur service de ventes comme celui d’une multinatio­nale, par l’approche de gestion des comptes principaux ( key account management). Dans beaucoup d’organisati­ons, 20% des clients génèrent 80% des revenus, et 50% des clients génèrent 5% du chiffre d’affaires. Or, pour ce petit 5%, l’organisati­on dépensera jusqu’à 30% de son temps et de ses énergies.

« L’augmentati­on de la productivi­té, c’est bien, mais [...] l’augmentati­on des ventes, elle, se traduit en profits nets. »

— Philippe R. Bertrand, vice-président et chef de la croissance chez Équation Humaine

Dans un portefeuil­le de clients, il y a les fidèles avec qui on grandit, les clients à fort potentiel que l’on veut séduire et les petits clients sans potentiel (petites commandes, aucune croissance).

« On aime peut-être Georges, qui achète chez nous depuis 20 ans, mais s’il a cessé de grandir et qu’on modifie notre planificat­ion en usine pour le satisfaire sous prétexte qu’il est fidèle, on s’empêche de croître. Il faut aligner l’énergie de l’organisati­on sur les bons clients », explique Rodolphe Meynier.

Le fabricant de vélos de haute performanc­e Procycle de Saint-Georges-de-Beauce travaille avec Celsius depuis deux ans. Les conseils reçus lui ont permis de maintenir ses ventes, alors que plusieurs concurrent­s subissent à des reculs dans ce marché. Et il est content de voir qu’aujourd’hui, tous les services de l’entreprise travaillen­t dans ce sens.

« Les vendeurs, en général, sont au courant du potentiel de chaque client, mais la difficulté était de le communique­r aux opérations, à l’expédition, au service à la clientèle, à tous les services. Là, on peut aligner nos ressources en fonction du potentiel de chaque client. C’est un pas important », dit le directeur général Guillaume Sénéchal.

« Nous pensons que la performanc­e des ventes est basée à 25 % sur l’agilité du vendeur et à 75 % sur les processus. »

— Rodolphe Meynier,

de Celsius Solutions Ventes à Québec

Procycle utilise désormais le logiciel de MASTER Account Management de Celsius. Ainsi, chaque client possède désormais une fiche informatis­ée qui indique sa catégorie et toutes les actions entreprise­s pour lui. Quand un client à fort potentiel est reconnu, même si sa commande est modeste, chaque service de l’entreprise sait que cette commande doit être parfaite et livrée à temps, par exemple. Le petit client fidèle mais sans potentiel de croissance attendra un peu s’il le faut, mais jamais celui qu’il faut séduire.

« La structure permet de préciser la gestion de la relation client. Est-ce qu’on veut investir dans un présentoir pour son magasin et l’aider à grandir ? Est-ce qu’on lui offre du crédit ? L’entreprise tout entière peut offrir une réponse dynamique pour servir ses clients maintenant », explique M. Sénéchal.

L’approche de Celsius a permis à certains clients d’augmenter leurs ventes de 50 %, et à d’autres, de 25 %. Les résultats varient beaucoup en fonction des objectifs des entreprise­s et de leur position dans le marché. Par exemple, une entreprise qui détient déjà 80 % des parts de marché dans son secteur fera des gains moins spectacula­ires, mais elle pourrait avoir besoin d’une meilleure structure pour maintenir sa position et gérer ses activités de manière efficace.

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