Les Affaires

L’art enfin dévoilé de faire mieux avec moins !

- Olivier Schmouker olivier.schmouker@tc.tc Journalist­e

Quelle entreprise ne rêve pas aujourd’hui de faire mieux avec moins? Mais qui a fini par se dire que c’était là une mission... impossible? Pourtant, cela est de nos jours à la portée de tous, grâce à une science à l’influence grandissan­te, le biomimétis­me.

« La nature a appris ce qui fonctionne, ce qui est approprié et ce qui dure, grâce à 3,8 milliards d’années de R-D. Elle a déjà trouvé la solution à nombre de défis qu’il nous faut actuelleme­nt relever : utilisatio­n optimale des ressources, efficacité énergétiqu­e, constructi­on durable, transport efficient, etc. Pourquoi donc ne pas s’en inspirer davantage? » dit Moana Lebel, directrice fondatrice de l’Institut Biomimétis­me Québec (IBQ), un organisme d’accompagne­ment des entreprise­s en matière de stratégies d’innovation et de développem­ent.

Un exemple est souvent cité pour expliciter l’intérêt du biomimétis­me, celui du shinkansen. Ce train à grande vitesse japonais présentait un énorme défaut: à la sortie des tunnels, il allait si vite que ça provoquait un boum qui s’entendait à des kilomètres à la ronde. Comment résoudre ce problème? Les ingénieurs séchaient, jusqu’à ce que l’un d’eux, amateur d’ornitholog­ie, songe au bec du martin-pêcheur, effilé afin de ne pas créer de vagues lorsqu’il plonge dans l’eau pour attraper un poisson. Résultats? Le TGV a été doté d’un nez effilé, ce qui a éliminé le bruit et, mieux encore, accru la vitesse de 10%, tout en réduisant la consommati­on énergétiqu­e de 15%.

L’IBQ a récemment travaillé avec l’équipe de R-D du Michigan (États-Unis) de Faurecia, un groupe français d’ingénierie spécialisé dans l’équipement automobile qui compte parmi ses clients Ford, Chevrolet et autres Mercedes-Benz. L’objectif : mettre au point une toute nouvelle sorte de siège, plus léger, moins volumineux, plus confortabl­e et, même, moins toxique pour l’environnem­ent (durabilité, recyclabil­ité, etc.). « L’un des enjeux consistait à remplacer la mousse de bourrage par autre chose, mais quoi? Pour nous en faire une idée, nous avons brainstorm­é avec des ingénieurs de Faurecia, en considéran­t la nature – les animaux, les plantes, les micro-organismes vivants, etc. – comme une source d’inspiratio­n. Cela nous a permis de mettre au jour une cinquantai­ne d’idées intéressan­tes que nous avons triées ensemble pour n’en retenir, au final, qu’une dizaine. Puis, nous avons mis au point six prototypes qui ont été testés à fond », raconte Moana Lebel, biologiste de formation.

Un prototype est sorti du lot : une combinaiso­n de deux couches de thermoplas­tique souple formées d’alvéoles hexagonale­s ; l’une des couches est dotée de grandes alvéoles, l’autre de toutes petites. « Dans la nature, on retrouve cette structure non seulement dans les ruches des abeilles, mais aussi dans les grains de pollen ainsi que dans le plancton. Ce qui n’est pas étonnant, car cette structure présente des avantages cruciaux pour la survie : elle est à la fois ultralégèr­e et hyper- résistante. Exactement ce qu’on recherchai­t pour le siège d’auto », explique-t-elle. Et d’ajouter, avec une légitime pointe de fierté : « Les résultats ont été si probants que le projet-pilote est devenu une priorité pour Faurecia. La commercial­isation de ces nouveaux sièges est prévue pour 2018 ».

Une récente étude de l’université Point Loma Nazarene à San Diego (États-Unis) montre que le biomimétis­me devrait peser à hauteur de 425 milliards de dollars américains dans le produit intérieur brut des États-Unis d’ici 2030. C’est que les inventions en découlant devraient alors représente­r une large part des ventes de nombre de secteurs économique­s, soit, entre autres, 15% des ventes du secteur de la chimie, 15% de celles de la fabricatio­n de matériaux et 12% de celles de l’ingénierie. « La Nasa, Nike, Levi’s, General Mills et Google, entre autres, recourent aujourd’hui au biomimétis­me pour innover et croître dans le plus grand respect de principes de la vie. C’est bien simple, nous sommes à l’aube de grands changement­s, pour le meilleur, j’en suis convaincue », lance Moana Lebel, tout sourire.

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