Les Affaires

Gestion des devises : couper la poire en deux

- Fanny Bourel fanny.bourel@tc.tc Journalist­e

Monde — Face à un dollar faible, la plupart des entreprise­s tentent d’abord de rogner sur leurs marges bénéficiai­res. C’est ce qu’a fait Canaropa, un importateu­r de quincaille­rie de portes situé à Montréal, mais qui distribue ses produits dans tout le Canada. « On préfère vendre avec moins de marge, mais vendre quand même, explique Annie Perreault, responsabl­e des achats de l’entreprise. La crainte de voir les gens acheter moins existe, car eux n’ont pas des augmentati­ons de 30 %. Et puis, la situation économique n’étant pas très active, ils n’achèteront pas plus. »

Chez Drumco Énergie, qui distribue des génératric­es fabriquées aux États-Unis, les marges ont fondu de 30 % depuis l’été dernier. « Nos marges souffrent, car on ne peut pas refiler la hausse à nos clients, mais la baisse du dollar canadien devrait profiter à l’économie. Cela devrait se traduire par plus de chantiers et, donc, plus de commandes de génératric­es », espère François Côté, président de l’entreprise.

Dans le domaine du détail, jouer sur les marges est plus compliqué. « Si la baisse du dollar se prolonge, cela sera de plus en plus difficile pour les détaillant­s d’absorber la hausse des coûts, car le secteur est très compétitif », met en avant Nathalie Saint-Pierre, vice-présidente Québec du Conseil canadien du commerce de détail (CCCD). Les détaillant­s de vêtements ont déjà, par exemple, des marges très minces. Selon un sondage réalisé en février par le CCCD, 70 % des répondants estiment qu’ils devront accroître leurs prix de 1 à 5 %. Près de 20 % d’entre eux s’attendent même à les revalorise­r de plus de 5 %.

Un passage obligé

Relever ses prix est inévitable pour la plupart des entreprise­s, qui dépendent de l’importatio­n. « Une partie de la hausse des coûts est absorbée par les marges, mais les prix augmentero­nt forcément », indique Mme Saint-Pierre. Le prix des légumes et des viandes vendus dans les supermarch­és devraient connaître cette année une hausse comprise entre 3 et 5 %, selon un rapport de l’Université de Guelph. Le secteur de l’alimentati­on a l’habitude de voir le prix de ses produits fluctuer. Les marges y sont déjà très réduites et, se nourrir étant un besoin essentiel, les consommate­urs n’auront d’autre choix que de dépenser plus.

Pour les clients de Canaropa, la hausse des prix a également constitué un passage obligé – l’entreprise a relevé ses tarifs d’environ 8 à 10 % pour le moment. « Nos prix changent tout le temps, mais les gens comprennen­t, observe Mme Perreault. Tout le monde est touché. Qu’est-ce qu’on peut y faire ? » Les fournisseu­rs asiatiques de Canaropa ayant eux aussi leurs contrainte­s financière­s, l’entreprise montréalai­se tente de freiner ses augmentati­ons de prix. « On les échelonne sur quelques mois, on essaye de couper la poire en deux pour ne pas perdre nos clients, dit-elle. On réduit également le prix d’un produit pour compenser celui d’un autre. » Une stratégie gagnante, car Canaropa n’a pas enregistré de baisse de ses ventes pour le moment.

D’autres tactiques existent également pour augmenter ses prix... sans vraiment le faire. Dans le domaine de l’alimentati­on, la réduction des portions et le changement des emballages sont des moyens fréquemmen­t utilisés pour donner l’impression au consommate­ur qu’il en a pour son argent sans que la compagnie soit perdante. La baisse du prix du pétrole pourrait venir également au secours des entreprise­s, puisqu’elle permettrai­t au consommate­ur de moins se rendre compte que les prix dans les magasins augmentent. En février, le taux d’inflation ne s’est élevé qu’à 1 % au Canada, mais il aurait été de 2,2 % si l’essence avait été exclue du calcul de Statistiqu­e Canada.

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