Les Affaires

La pensée économique de Justin

- François Pouliot francois.pouliot@tc.tc Chroniqueu­r

« Tu vas voir, sa pensée économique n’est pas trop profonde… »

Beaucoup de monde au bureau et dans notre entourage avait eu vent de cet entretien avec Justin Trudeau. Et presque chaque fois, le commentair­e était du genre.

Constat : beaucoup répètent ce qui se dit. Sans prendre le temps d’écouter. Il ne s’agit pas de dire que M. Trudeau est toujours à l’aise dans la discussion économique, mais celle que notre équipe éditoriale a eue avec lui était intéressan­te et n’était pas sans vision.

Le chef libéral constate que le PIB a doublé dans les 30 dernières années, alors que le revenu médian des Canadiens n’a pas suivi. Seuls les plus riches en ont bénéficié.

L’objectif de son programme économique est de tenter de maintenir la croissance économique, mais en faisant en sorte que la classe moyenne en reçoive plus.

On a manqué de temps pour creuser à fond et échanger sur l’ensemble des mesures.

L’entretien s’est plutôt concentré sur trois aspects du programme. Voici en alternance ses propositio­ns et notre opinion. La lutte contre le CO et le développem­ent économique

2 C’est le sujet sur lequel Justin Trudeau est le plus à l’aise. Le gouverneme­nt actuel a trop négligé l’environnem­ent, ce qui fait que notre développem­ent économique en souffre, affirme-t-il. Les sables bitumineux sont devenus le poster child mondial de la cause environnem­entale. Ce n’est pas pour rien que les Américains hésitent avec Keystone XL : ils voient notre faible volonté de protéger la planète. Ce n’est pas pour rien non plus qu’il y a tant d’opposition à Énergie Est. Le gouverneme­nt a court-circuité les examens environnem­entaux et la population doute désormais de l’intégrité des processus.

Heureuseme­nt, souligne-t-il, les provinces canadienne­s ne sont pas restées inactives. La Colombie-Britanniqu­e et l’Alberta ont une forme de taxation du carbone, le Québec a adhéré au marché du CO de la Californie, et

2 l’Ontario songe à suivre le Québec.

Il ne veut pas que le fédéral impose sa solu- tion, mais souhaite plutôt faire fonctionne­r chacun des systèmes en parallèle. En adoptant des cibles qui puissent déboucher sur une cible nationale. Tout en récompensa­nt les provinces qui les atteignent et en pénalisant celles qui ne les atteignent pas.

Notre opinion : l’idée de systèmes complément­aires est bonne. Il reste cependant à voir les efforts que chacun est prêt à fournir. Le système de récompense­s et de pénalités aurait par ailleurs l’avantage de forcer les provinces à valider l’efficacité de leur système. On l’a écrit quelques fois, un marché du carbone avec la Californie n’est pas nécessaire­ment le meilleur moyen d’atteindre les cibles pour le Québec.

Les sièges sociaux M. Trudeau dit considérer que des sièges sociaux sont névralgiqu­es au Canada. Il n’en nomme cependant aucun. Il affirme vouloir revoir le critère de « l’avantage net » prévu à la loi lors d’offres non sollicitée­s étrangères.

Notre opinion : c’est bien. Il faut clarifier la loi. Mais M. Trudeau n’ira pas très loin làdessus. Il a longuement insisté sur le besoin de ne pas avoir trop de protection­nisme, le Canada n’ayant pas suffisamme­nt de capital pour financer tous ses projets, particuliè­rement dans les ressources naturelles. Au Québec, le sujet restera controvers­é. L’investisse­ment en transport en commun Le chef libéral veut enfin qu’Ottawa investisse de façon importante dans le transport en commun. Il est en faveur de la présence du privé pour former un quatuor avec les provinces et les municipali­tés, mais en s’assurant que chaque projet convient.

Notre opinion : M. Trudeau fait bien d’être prudent sur cette question. Certains projets avec le privé sont structurés d’une façon qui n’est pas nécessaire­ment à l’avantage du Trésor public. Bien qu’il se justifie en raison de la dette du Québec, le projet clés en main du SLR du pont Champlain et le train de la ligne de l’Ouest avec la Caisse de dépôt en sont des exemples. L’arrivée d’Ottawa comme bailleur de fonds pourrait permettre de structurer les choses différemme­nt de sorte que l’on n’ait pas à verser chaque année 10 % de rendement sur l’investisse­ment du privé.

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