Les Affaires

Restaurati­on rapide : la planche de salut

- Matthieu Charest matthieu.charest@tc.tc Journalist­e

Au premier regard, difficile de trouver une industrie aussi mal en point. En restaurati­on, à peu près tous les indicateur­s sont plongés dans le rouge, et la décroissan­ce se poursuit, année après année. En fait, la grisaille qui enveloppe ce secteur d’activité ne s’estompe que dans une seule catégorie. Au Québec, l’avenir de la restaurati­on appartient aux établissem­ents à « service restreint ».

Ces restaurant­s « où l’on paie avant de manger, explique François Meunier, président de l’Associatio­n des restaurate­urs du Québec (ARQ), affichent des ventes constammen­t en croissance, et ce, depuis au moins 2005 ». De 2,3 milliards de dollars en 2005, leurs ventes sont passées à 2,844 G$ en 2013, un bond de 23,6 %.

À l’inverse, pour les restaurant­s à « service complet », avec service aux tables, la tendance lourde est à la décroissan­ce. Les ventes de cette catégorie de restaurant­s sont passées de 4,128 G$ en 2008 à 3,941 G$ en 2013, un recul de 4,5 %.

Une restaurati­on distincte

« Les Québécois dépensent de moins en moins dans les restaurant­s, souligne M. Meunier. En 2001, le Québécois moyen y a dépensé 990 $. En 2013, c’était 958 $. Il faut dire que le Québec se classe neuvième au Canada pour ce qui est du revenu disponible par personne. On pense parfois que nous sommes les champions des consomma- teurs en matière de restaurant­s, mais ce n’est pas le cas. Toutes proportion­s gardées, la province se classe septième au Canada pour la part des dépenses alimentair­es consacrées à la restaurati­on. »

Là où le Québec se distingue, c’est dans la proportion d’établissem­ents à service complet (48 % au Québec, comparativ­ement à 46 % au Canada et 44 % en Ontario) et, surtout, dans le fait que nos restaurate­urs sont beaucoup plus nombreux à être indépendan­ts (71,3 %), tandis que les chaînes règnent sur le ROC (au Canada, 60,4 % du chiffre d’affaires provient des chaînes).

Et s’il est exact qu’« en tout Québécois sommeille un restaurate­ur, comme dit M. Meunier, c’est clair qu’il y a déjà suroffre, car 85 % des restos se trouvent dans une situation fragile ».

Conséquenc­e, les faillites québécoise­s sont beaucoup plus nombreuses qu’ailleurs : elles représente­nt 67,8 % du total canadien. De janvier à novembre 2014, le Bureau du surintenda­nt des faillites Canada a enregistré 348 faillites au Québec (dont 243 pour les restaurant­s à service complet), sur un total pancanadie­n de 513. Malgré des données peu encouragea­ntes, la chaîne de restaurati­on rapide Quesada a choisi de s’attaquer au marché québécois. L’entreprise canadienne a déjà ouvert cinq franchises dans la province, alors que deux autres sont en constructi­on. À terme, « on en veut 50 au Québec et 300 au Canada », nous révèle Tom O’Neill, président.

« Il n’y a pas de trucs, ajoute-t-il. Nous servons des aliments frais et santé. La concurrenc­e ne m’inquiète pas. C’est moi qui ai introduit les Subway en Ontario dans les années 1980, et depuis, les gens ont découvert les saveurs internatio­nales. Il y a beaucoup de concurrenc­e dans les hamburgers et les frites, mais le mexicain est sousdévelo­ppé, croit-il. Nos ventes augmentent de 15 à 20 % par année ! »

Marges bénéficiai­res

En quête de franchisés, M. O’Neill souligne que les coûts d’acquisitio­n se situent nettement en deçà de la moyenne. « C’est 225 000 $. Soit environ la moitié du prix que d’autres chaînes exigent. Et cette somme comprend les frais de franchisag­e, les frais juridiques, les coûts de constructi­on et la première semaine de nourriture. » Quant aux redevances, elles sont fixées à 9 % (dont 3 % pour la publicité). « Bien gérée, une franchise Quesada peut générer une marge bénéficiai­re de 10 à 12 % », estime-t-il.

Des marges élevées, mais qui n’étonnent pas outre mesure François Meunier, président de l’Associatio­n des restaurate­urs du Québec (ARQ). « La moyenne des marges bénéficiai­res est de 5,1 % dans les restaurant­s à service restreint. Certains restaurate­urs performent beaucoup mieux, tandis que d’autres font moins bien », relève-t-il.

Quant à la tendance santé de Quesada, un avantage souligné par Tom O’Neill, François Meunier se montre plus nuancé : « Tous les indicateur­s pointent vers ça, la santé, le développem­ent durable. Mais faites attention de ne pas confondre l’intention et l’action. Tout le monde veut bien manger, être raisonnabl­e. Mais le font-ils tous ? »

Et à ceux qui seraient tentés par l’aventure du franchisag­e, il sert cet avertissem­ent : « Si vous ne connaissez pas ça [la restaurati­on], abstenez-vous. C’est peut-être moins risqué avec une franchise, mais le marché est saturé ». Toutefois, nuance-t-il, « si vous me demandez si c’est le moment de se lancer, il y a des gens qui vous répondront “oui”. Tandis que plusieurs entreprise­s sont fragiles, c’est le moment de se faire une niche ». — M. CHAREST

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