Les Affaires

Bernard Mooney

- Bernard Mooney bernard.mooney@tc.tc Chroniqueu­r

Le triomphe du magasinage sur la politique

Ily a quelques jours, j’ai eu une conversati­on frappante avec un collègue de badminton. On attendait notre tour et il s’est mis à me dire jusqu’à quel point il était inquiet face à l’avenir.

« Il semble qu’on n’a jamais été aussi mal dirigé, m’a-t-il lancé. Depuis 30 ans, c’est un fiasco, peu importe ce qu’on regarde, les infrastruc­tures, la santé, l’éducation et les finances publiques, sans mentionner la corruption. Et rien ne laisse présager un changement pour l’avenir… »

Nous sommes retournés au badminton, mais cette discussion m’a marqué. Le lendemain, je me suis dit que bien des gens devaient penser cela, y compris des épargnants-investisse­urs. Et ces derniers devaient souvent se poser des questions sur les conséquenc­es d’une telle situation sur leurs placements.

Comment est-ce possible de faire de l’argent en Bourse à long terme si notre monde se dirige tout droit vers le désastre?

La force du commerce

La réponse est à la fois simple et fort complexe. Commençons par le côté simple: ce qui arrive au monde politique est beaucoup moins important qu’on ne le pense, beaucoup moins en tous les cas que ce qui se passe dans le monde du commerce. Magasiner est plus important, plus puissant que la politique!

La quantité de cafés vendus dans les Tim Hortons est plus importante que les chicanes sur la supposée austérité du gouverneme­nt provincial. La quantité de bières vendues à votre dépanneur du coin est plus importante que la course à la chefferie du Parti québécois. Et le nombre de personnes qui iront magasiner chez Wal-Mart est plus important que la manifestat­ion contre les politiques gouverneme­ntales.

Ça semble simpliste, mais prenez un peu de recul et vous comprendre­z. Une grande partie de notre système économique fonctionne malgré nos politicien­s.

Cela est vrai pourvu que nous conservion­s une certaine liberté économique, car c’est sur elle que reposent les fondements de notre société. Cette liberté s’exprime quotidienn­ement dans nos besoins. Chaque semaine, nous avons besoin de biens et de services pour nous alimenter, nous divertir, etc.

Concrèteme­nt, cela signifie que, peu importe ce qu’il advient de nos grands problèmes sociaux, nous aurons besoin de faire notre épicerie. Nous aurons besoin d’investir notre argent et d’en emprunter pour acheter une automobile, et les institutio­ns financière­s en profiteron­t. Nous aurons besoin de logement, d’assurance, de divertisse­ment, de transport, etc.

Et c’est là que vous retrouvez dans toute sa subtilité et toute sa puissance notre organisati­on économique, cet ordre presque spontané créé par l’échange volontaire de biens et de services qui repose sur la spécialisa­tion. Subtil, parce que peu de gens en ont conscience et que tous le tiennent pour acquis.

Peu importe ma richesse, je suis incapable de fabriquer moi-même mon automobile. Je suis incapable de bâtir ma maison. Je suis tout autant incapable de générer mon électricit­é, de me soigner, etc.

Qui organise ces milliards de personnes partout dans le monde et qui leur permet de m’offrir ces biens et services, elles qui ne se connaissen­t pas? Ces gens qui, par leurs décisions et leur travail, me fournissen­t les biens et les services rendent possible ma vie quotidienn­e.

Personne. Personne ne le pourrait. C’est le résultat spontané créé du simple fait que les êtres humains agissent pour leur intérêt personnel, en cherchant à améliorer leur sort.

La mondialisa­tion a multiplié plusieurs fois la force de cet ordre économique, amplifiant les connexions, les liens et les échanges, créant une richesse qui dépasse toutes les attentes.

C’est ce qui explique la raison pour laquelle les actions américaine­s, par exemple, se sont appréciées de 1,5 million pour cent durant le 20e siècle, malgré les crises, les récessions, les guerres, etc.

Ça va mal?

Je me dois d’ajouter une idée pour vous faire réfléchir. Mon partenaire de badminton est inquiet face à l’avenir. En bon citoyen, il s’informe et consomme des nouvelles, politiques et économique­s, la plupart présentées comme étant des signes que « ça va mal ».

Cependant, cette expression veut dire quoi au juste? « Ça va mal » par rapport à quel « bien » ? Froidement, cette expression devrait juste exprimer le fait qu’on a des problèmes. Comme il l’entend des milliers de fois, l’individu conclut que nous vivons au bord de la catastroph­e.

Si on se décolle le nez de notre télé et qu’on jette un regard à la fois planétaire et dans le temps, on constate que « ça va bien en maudit » !

Vous vous sentez pauvre? Rappelez-vous que, si votre revenu annuel dépasse les 34 000$, vous faites partie du fameux 1% des plus riches de la planète, selon la Banque mondiale.

Ce qui signifie que 99% des êtres humains rêvent d’atteindre votre niveau de vie et travaillen­t dur pour y accéder.

Hum… il me semble que cela suffit pour arrêter de se plaindre. En effet, si on se concentre tant sur nos problèmes, qui sont bien réels, j’en conviens, c’est que nous avons perdu la conscience de notre grande chance et de nos énormes réalisatio­ns.

Une grande partie de notre système économique fonctionne malgré nos politicien­s.

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