Les Affaires

JUSTIN TRUDEAU DÉVOILE SA VISION ÉCONOMIQUE

- Stéphane Rolland stephane.rolland@tc.tc Journalist­e

Justin Trudeau veut laisser les provinces choisir les armes qu’elles déploieron­t pour lutter contre le réchauffem­ent climatique. Si le chef du Parti libéral du Canada (PLC) se montre flexible sur les moyens, il est tout de même prêt à sortir la carotte et le bâton afin que ses homologues provinciau­x se joignent au bataillon, a-t-il expliqué en entrevue éditoriale avec Les Affaires.

L’« absence de leadership » du gouverneme­nt Harper sur le réchauffem­ent climatique a poussé les provinces à faire cavalier seul, constate M. Trudeau. Le Québec l’a fait avec la Bourse du carbone ; la Colombie-Britanniqu­e, pour sa part, a choisi une taxe sur le carbone. Les libéraux fédéraux se trouvent ainsi devant un fait accompli.

« On ne peut plus proposer une solution nationale comme on l’a fait en 2008 [Stéphane Dion avait proposé une taxe sur le carbone en campagne électorale], concède M. Trudeau lors d’un entretien dans nos bureaux. Nous ferions quoi ? Dire à la Colombie-Britanniqu­e “non, non, ce sera une Bourse du carbone” ou au Québec “non, non, ce sera une taxe” ? »

Laisser les provinces tracer la marche à suivre n’est pas nécessaire­ment une mauvaise chose dans un pays où les économies régionales sont très différente­s d’un océan à l’autre, pense le principal intéressé. « Les provinces ont pris des décisions qui fonctionne­nt pour leur économie », estime le Québécois de 43 ans.

Même s’il laissait les provinces choisir le « comment », M. Trudeau compte bien s’assurer que la fédération parle à l’unisson à la Conférence de Paris, en décembre, où les États travailler­ont à l’adoption d’un traité de l’après-Kyoto. « Le fédéral aura la responsabi­lité d’assurer et d’encourager les provinces à atteindre leurs cibles. Et ça, avec des récompense­s et peut-être des pénalités si elles ne le font pas. »

Réconcilie­r économie et environnem­ent

Encourager un développem­ent économique « plus respectueu­x de l’environnem­ent » est l’une des pierres angulaires de la politique économique des libéraux. L’aspirant premier ministre veut accroître les investisse­ments dans les infrastruc­tures, la recherche et l’éducation. Il promet également d’annuler l’abolition du crédit d’impôt pour le Fonds de solidarité FTQ et Fondaction CSN.

Justin Trudeau s’inscrit en porte-à-faux avec ceux qui opposent économie et environnem­ent. Au contraire, les conservate­urs ont nui à la réalisatio­n des grands projets énergétiqu­es en mettant l’environnem­ent au second plan, dénonce-t-il. L’opposition du gouverneme­nt Obama à Keystone XL en est l’une des conséquenc­es, ajoute-t-il. Le chef libéral se dit d’ailleurs favorable au projet d’oléoduc Énergie Est de TransCanad­a.

« Même si le gouverneme­nt donne les permis, ce sont les communauté­s qui donnent la permission, formule M. Trudeau. Les gens comprennen­t qu’il faille exploiter les ressources naturelles et créer des emplois, mais ils ne veulent pas le faire au détriment de l’avenir de leurs enfants. Les conservate­urs ont semé la méfiance chez les citoyens, qui ne croient plus que les projets seront analysés selon des critères impartiaux. »

Pas de hausse d’impôt pour les entreprise­s

Les libéraux de Justin Trudeau n’abandonnen­t pas seulement la taxe du carbone de Stéphane Dion. Ils mettent au rancart l’idée d’augmenter l’imposition des sociétés présentée en campagne par Michael Ignatieff. Sous sa gouverne, les libéraux avaient promis de ramener le taux d’imposition des grandes sociétés au niveau de 2010, soit à 18 %. Il était à 16,5 % au moment de la dernière campagne électorale et se situe maintenant à 15%.

« Non, ce n’est pas du tout dans nos intentions, assure Justin Trudeau. C’est ce que le NPD

Lutte au réchauffem­ent climatique, impôts des entreprise­s et règles du jeu concernant les investisse­urs étrangers. En entrevue avec Les Affaires, le chef du Parti libéral du Canada, Justin Trudeau, lève le voile sur sa vision économique.

propose. Augmenter l’impôt des grandes entreprise­s nuirait à la croissance économique et aux investisse­ments. De toute façon, ça n’apporte pas tant d’argent que ça. »

Le directeur parlementa­ire du budget, une source indépendan­te, estime qu’une hausse d’un point de pourcentag­e du taux d’imposition des entreprise­s apporterai­t 1,85 G$ supplément­aires dans les coffres de l’État. Cela représente près de 1% des recettes du gouverneme­nt fédéral.

Cette prévision ne tient pas compte de l’impact d’une baisse d’impôt sur les investisse­ments et de la croissance économique. Les économiste­s en faveur du libre marché affirment que des impôts bas donnent plus d’argent aux entreprise­s pour investir. L’Institut C.D. Howe calcule que chaque dollar supplément­aire qu’Ottawa irait chercher dans les poches des entreprise­s retirerait en fait 1,71 $ de l’activité économique. À l’inverse, d’autres économiste­s associés aux idées de gauche mettent en doute le fait que les entreprise­s réinvestis­sent les économies fiscales dans l’économie. L’IRIS a publié une étude affirmant que les sociétés détiennent près de 600 G$ en liquidités non utilisées.

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Le chef du Parti libéral du Canada, Justin Trudeau, lors de l’entrevue éditoriale avec l’équipe de Les Affaires.

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