Mieux outiller les municipalités pour mieux servir les citoyens
es municipalités québécoises tirent en moyenne 70,9% de leurs revenus de l’impôt foncier. C’est la proportion la plus élevée de toute l’Amérique du Nord. Les administrations municipales ne sont nulle part ailleurs aussi dépendantes des charges fiscales que doivent assumer leurs citoyens propriétaires.
Le problème saute aux yeux: vient un moment où on ne peut plus alourdir ce fardeau. Or, le gouvernement du Québec a pris l’habitude de pelleter des responsabilités dans la cour des municipalités, sans leur fournir les moyens d’y faire face. Parallèlement, d’autres enjeux ont surgi au fil du temps. Le transport collectif ou les soins offerts aux itinérants, par exemple, relèvent maintenant des municipalités.
On comprend que l’impôt foncier soit associé au financement de services directs liés à la propriété, comme le déneigement et la cueillette des ordures. Mais quel lien a-t-il avec la gestion des bibliothèques ou l’entretien des patinoires?
Il convient aujourd’hui de revoir de fond en comble toute cette question de fiscalité municipale, parce que viendra un moment, si ce n’est déjà le cas, où on ne pourra plus étirer l’élastique fiscal. Les contributions aux divers ordres de gouvernements sont différentes, mais le contribuable, lui, doit puiser dans le même compte pour les acquitter. Et ses ressources sont limitées. On ne peut lui en demander davantage. Il faut donc diversifier les sources de revenus ou parvenir à réduire les dépenses.
Cette question se retrouve au coeur d’une série de grandes rencontres organisées depuis la mi-mars par l’Union des municipalités du Québec (UMQ), qui veut à la fois sensibiliser ses membres et déterminer avec eux les stratégies à utiliser pour dénouer l’impasse. Les maires, mairesses et autres élus ont répondu en grand nombre et sont venus des quatre coins du Québec faire entendre leur voix et leurs préoccupations qui, essentiellement, se rejoignent. Je me suis retrouvé aux premières loges de ces assemblées, puisque j’ai été délégué par Les Affaires pour y servir d’animateur.
Constat: démodée, l’image des maires et des mairesses de passage, dépassés par les enjeux et incapables d’argumenter sur des dossiers clés. Les personnes que j’ai croisées ont souvent bien d’autres occupations que la mairie, surtout hors des grands centres, mais ils sont remarquablement au fait des grands débats et sont en mesure d’y participer, souvent avec éloquence. Surtout, ils connaissent les états d’âme de leurs citoyens et savent qu’on ne peut plus leur en demander davantage. Ils ont à coeur de faire entendre leurs voix. Compte tenu des histoires d’abus et de corruption qui ont entaché beaucoup de municipalités ces dernières années, ces démonstrations de sérieux et de bonne foi étaient rafraîchissantes.
De là, en même temps, cette notion de « gouvernement de proximité », dont l’UMQ demande la reconnaissance depuis plusieurs années et qui refléterait l’augmentation des responsabilités qui incombent maintenant aux municipalités.
Gérer une municipalité est plus compliqué qu’avant. La gestion des affaires courantes s’apparente vraiment à celle d’un gouvernement qui doit veiller constamment à l’adéquation entre ses ressources et ses responsabilités, entre ses revenus et ses dépenses, tout en obtenant le respect de ses champs de compétences.
Cette reconnaissance serait plus que symbolique: elle ouvrirait la voie à de véritables négociations, d’abord avec Québec, mais aussi avec Ottawa, sur les irritants qu’on cherche à aplanir et qui motivaient cette tournée de consultations.
Nommément: comment gonfler la colonne des revenus sans affliger davantage les contribuables, et comment réduire les dépenses, alors qu’elles ont progressé annuellement, en moyenne, de 4,5% par unité d’évaluation de 2003 à 2013 (selon une analyse effectuée par Raymond Chabot Grant Thornton)?
Les solutions existent. Si seulement Ottawa et Québec payaient la totalité des taxes municipales sur leurs immeubles, ce serait déjà un gros pas. Si Québec acceptait de rembourser entièrement la TPS que paient les municipalités, elles y gagneraient près de 400 millions de dollars. Et d’autres mesures de compensation pourraient également être considérées.
Par ailleurs, des allègements dans certains champs de compétences aideraient déjà à réduire les dépenses. Des fonctionnaires municipaux passent du temps à produire un rapport, Québec le regarde et le leur réexpédie avec un brin de complaisance, à l’image d’un maître qui demande à ses élèves de refaire leurs devoirs... Infantilisant et sujet d’amertume. Sans compter les diktats de Québec sur les zones inondables et autres édits impossibles à contester.
Et que dire de la question de la rémunération des travailleurs municipaux, qui est bien plus élevée, en moyenne, que celle des employés provinciaux et fédéraux! L’écart s’est creusé avec le temps parce que le rapport de force joue en défaveur des municipalités. Le Code du travail ne leur attribue pas les mêmes moyens qu’aux autres gouvernements.
Faut-il revoir ces dispositions? Peut-on obtenir une meilleure écoute de Québec pour la redistribution des revenus? La reddition de comptes aurait-elle intérêt à être allégée? Autant de points qui seront abordés lors des assises de l’UMQ , le 22 mai, au Palais des congrès de Montréal. L’UMQ cherchera alors, à tout le moins, à assurer la solidarité de ses membres pour les grandes manoeuvres qui s’annoncent.