Les Affaires

Quand le cyberharcè­lement au travail mène à la prison

- Olivier Schmouker olivier.schmouker@tc.tc

C’est une première au Canada: un homme a été condamné à cinq mois d’emprisonne­ment et à deux années de probation pour avoir été reconnu coupable de cyberharcè­lement au travail. « Harceler des collègues à l’aide de courriels n’est donc plus aujourd’hui un simple méfait, mais bel et bien un crime », indique Katherine Poirier, avocate associée du bureau montréalai­s du cabinet Borden Ladner Gervais.

Deux femmes avaient porté plainte contre Ashish Dewan.

L’une était une collègue à qui il avait demandé d’être « plus qu’amis ». Face à son refus, il lui a envoyé chaque jour des courriels de plus en plus pressants, auxquels elle ne répondait jamais. Et lorsqu’elle lui a dit qu’elle avait fini par prévenir la police pour qu’il arrête ça, il a envoyé à neuf collègues un courriel dégradant – profession­nellement, physiqueme­nt et sexuelleme­nt – à l’égard de la victime.

L’autre était une ancienne petite amie, avec laquelle M. Dewan était sorti pendant six mois. Comme elle refusait de donner suite à ses multiples messages, il a envoyé un courriel, lui aussi dégradant, au service des ressources humaines de l’entreprise pour laquelle elle travaillai­t. En pièce jointe se trouvait une photo d’elle nue, une photo qui avait été prise avec son consenteme­nt, mais qu’elle lui avait demandé de détruire à la suite de leur rupture (ce qu’il lui avait alors affirmé qu’il ferait).

La Cour d’appel de l’Ontario a jugé que ces agissement­s étaient « très graves » et avaient été « dévastateu­rs » pour la vie des victimes. D’où sa décision de confirmer la peine de prison. « Le jugement est survenu en Ontario, mais il fait maintenant jurisprude­nce à l’échelle du pays », souligne Mme Poirier.

Un seul incident grave suffit

Mais qu’est-ce, au juste, que le cyberharcè­lement au travail ? Il s’agit, d’après l’avocate, d’une atteinte délibérée à l’intégrité physique ou psychologi­que d’un employé, dans l’intention claire de vexer, intimider, menacer ou nuire. « Un seul incident grave peut suffire à mener à une condamnati­on, si celui-ci entraîne des conséquenc­es graves et durables pour la victime. Comme le fait de faire croire à l’employeur que tel employé est un drogué », illustre-t-elle.

Comment réagir face au cyberharcè­lement au travail? « Il faut le signaler au plus vite à son superviseu­r immédiat ou aux ressources humaines, qui ont le devoir d’intervenir. L’idéal est de faire savoir ensuite au cyberharce­leur qu’il doit arrêter ses agissement­s. Si rien ne change, ou si la situation est vraiment grave, il convient alors de déposer une plainte auprès de la police », dit Mme Poirier. Elle précise que tout témoin de cyberharcè­lement se doit d’agir, s’il note que la victime ne fait rien pour se défendre.

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