Les Affaires

Metro a-t-elle fait le plein en Bourse ?

- Dominique Beauchamp dominique.beauchamp@tc.tc 1

Premier de classe quant à ses rendements, l’épicier Metro (Tor., MRU, 35,76 $) n’a plus rien à prouver. Sauf qu’un bond de 66 % en 10 mois et une évaluation record de son action font de nouveau sourciller les investisse­urs.

D’ailleurs, Metro vient de racheter deux millions d’actions d’un actionnair­e institutio­nnel qui souhaitait vendre. Cette vente révèle que certains des actionnair­es perçoivent moins de gains pour le titre de l’épicier.

Du reste, le cours cible moyen de 36,92 $ de 13 analystes laisse entrevoir un gain potentiel de seulement 3,4 %, d’ici 12 mois, auquel s’ajoute le dividende de 1,3 %.

Personne ne remet en question la performanc­e exemplaire de l’épicier, qui a accru ses bénéfices à un rythme annuel de 15 % depuis 20 ans. Par contre, l’appréciati­on rapide de son titre en Bourse depuis juillet 2014 refroidit l’enthousias­me des financiers. Parmi les 15 analystes, seulement 7 en recommande­nt l’achat au cours actuel.

Les autres estiment que l’évaluation record de son action reflète déjà la croissance plus robuste de ses bénéfices et des ventes comparable­s des épiceries ouvertes depuis plus d’un an, pendant les trois derniers trimestres. La hausse de 4,5 % des ventes comparable­s du deuxième trimestre a été la meilleure depuis 2009.

L’action de Metro n’a pas été aussi chèrement évaluée depuis 2000, à l’exception de 2005, au moment de l’acquisitio­n inespérée d’A&P Canada, signale Peter Sklar, analyste chez BMO Marchés des capitaux.

Son titre est soulevé par des vents favorables qui pourraient souffler moins fort.

Le placement de Metro dans Alimentati­on Couche-Tard (Tor., ATD.B, 48,33 $) a joué un rôle non négligeabl­e dans la poussée de l’épicier, si bien que le bloc de 5,7 % des actions de l’exploitant de dépanneurs représente presque 20 % de la valeur boursière de l’épicier.

De surcroît, Alimentati­on Couche-Tard obtient également en Bourse l’évaluation la plus élevée en 12 ans.

Les deux titres québécois profitent aussi d’un engouement de la part des investisse­urs qui cherchent un refuge de qualité dans la Bourse canadienne, au moment où les perspectiv­es des titres pétroliers et des banques sont moins assurées qu’avant.

Profiter de l’inflation alimentair­e et protéger les marges bénéficiai­res

L’épicier bénéficie également du fait que ses rivales Loblaw (Provigo) et Sobeys (IGA au Québec) digèrent toutes deux des acquisitio­ns d’envergure, soit Shoppers Drug Mart et Canada Safeway, respective­ment, croit Keith Howlett, de Desjardins Marché des capitaux.

« Metro n’est pas distraite par l’intégratio­n de systèmes complexes et n’a pas à jongler avec de multiples divisions », note aussi Perry Caicco, de Marchés mondiaux CIBC.

L’épicier peut donc se concentrer sur ce qu’il fait le mieux : trouver le juste équilibre entre les promotions et l’offre d’articles qui lui permettent à la fois de profiter de l’inflation alimentair­e et de protéger ses marges bénéficiai­res. Metro regagne donc des parts de marché, comme le démontre la hausse de 0,5 % des ventes de ses épiceries, au deuxième trimestre, une fois la hausse de 4 % de l’inflation du prix des aliments soustraite, précise Michael Van Aelst, de Valeurs mobilières TD. Cet analyste prévient toutefois que la hausse du prix des aliments, et son effet positif sur les revenus, s’atténuera au cours des prochains trimestres. La cadence annuelle passera de 4 % à 2 % d’ici la fin de 2015, prévoit-il.

Le passage du temps amenuisera aussi la contributi­on à l’acquisitio­n du boulanger Première Moisson sur les marges. La progressio­n des bénéfices de Metro se modérera donc du taux de 19 %, qu’elle avait au deuxième trimestre, à 14 % au deuxième semestre de 2015, puis à un rythme de 10 à 13 %, entre 2016 et 2017, prévoit M. Van Aelst.

Avec des cours cibles de 39 $ et de 42 $, Banque Scotia et RBC Marchés des Capitaux estiment au contraire que le titre de Metro mérite d’être réévalué à la hausse, parce que la conjonctur­e plus favorable permet justement à la mise en marché hors pair de l’épicier de briller.

Lassana Mané est un homme de défis. À preuve, lorsqu’il a quitté la Guinée-Bissau pour venir étudier au Québec, en octobre 2000, il ne parlait pas du tout français. Aujourd’hui, en plus de maîtriser parfaiteme­nt la langue de Molière, il occupe un poste de planificat­eur financier au sein de la Banque Royale (RBC).

Il faut dire que ce Canadien d’adoption a appris très tôt à repousser ses limites. Vers l’âge de deux ans, il a en effet souffert d’un trouble neurologiq­ue qui a entravé la croissance d’une de ses jambes. « Ma jambe gauche est plus courte que la droite. Malgré tout, mes parents m’ont toujours encouragé à jouer et à bouger. Ils me répétaient qu’il n’y avait rien qui soit hors de ma portée », affirme-t-il.

Il a décidé de faire un baccalauré­at en économie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). « À cause de mon handicap, je ne peux pas soulever de lourdes charges ni rester debout très longtemps. Mais mon choix de carrière n’a pas été guidé par ces limitation­s ; j’ai toujours été passionné par les chiffres et la finance », explique Lassana Mané. Les quelques mots de français que le jeune homme avait réussi à apprendre entre son arrivée au Canada et le début de ses études à l’UQAM n’étaient pas suffisants pour lui permettre d’assimiler la matière. « La première journée, la seule chose que j’ai comprise, ce sont les chiffres que le professeur avait notés au tableau », se souvientil en riant. Ainsi, en plus de ses cours d’économie, il a suivi des cours de français.

Discuter de son plan de carrière

Ces efforts ont porté leurs fruits, puisque le jeune homme, qui avait alors 25 ans, a été recruté par la RBC en 2005, avant même d’obtenir son diplôme. « On m’a offert un poste de caissier. Lors de l’entrevue, je n’ai pas parlé du tout de mon handicap, non pas parce que je cherchais à le cacher, mais parce que je ne considérai­s pas qu’il s’agissait d’une contrainte », dit-il. Au bout de trois mois à la caisse, il a rencontré son supérieur afin de discuter de son plan de carrière. « Je lui ai dit que j’avais beaucoup plus à offrir et que je souhaitais devenir directeur des comptes. Sur ses conseils, je suis allé chercher mon permis de représenta­nt en épargne collective, qui est un préalable pour ce poste », dit-il.

Mais l’ambition de Lassana Mané ne s’arrêtait pas là. Quelques mois après avoir réussi à décrocher le poste qu’il convoitait, il a rappelé son supérieur pour lui faire part de son intention de s’inscrire à un certificat en planificat­ion financière. « Je lui ai dit qu’une fois que j’aurais réussi mes examens, j’espérais qu’il me propose rapidement un poste à la mesure de mes nouvelles compétence­s. J’ai finalement été promu planificat­eur financier au moment même où je me préparais à passer les examens ! »

Lassana Mané affirme que, depuis son entrée à la RBC, son handicap n’a jamais été un problème pour ses patrons. « La diversité est l’une des cinq valeurs fondamenta­les de l’institutio­n, et la direction pose des gestes concrets en ce sens », observet-il. Par exemple, dès que le service des ressources humaines a été informé de son handicap, un conseiller l’a joint pour lui demander s’il avait besoin d’aménagemen­ts particulie­rs. « Pour le moment, je n’ai besoin de rien, mais je sais que si jamais la situation changeait, mes patrons feraient tout en leur pouvoir pour m’aider. »

Selon Raymond Chouinard, porte-parole pour la RBC, l’engagement de la banque à cet égard ne date pas d’hier. «Dans les années 1960 et 1970, nous avions déjà le souci de créer un environnem­ent de travail inclusif. Nous nous sentons une responsabi­lité sociale, mais nous avons aussi le désir de refléter la diversité de notre clientèle, afin de mieux la servir», précise-t-il. En 2014, la firme Mediacorp Canada a d’ailleurs reconnu la RBC comme l’un des meilleurs employeurs du pays sur le plan de la diversité.

Le planificat­eur financier a toutefois dû composer avec le malaise que son handicap a sus- cité parmi quelques collègues et certains clients. « On m’a parfois pris en pitié ou jugé. Mais je suis d’avis que les gens finissent toujours par nous percevoir tel que nous nous percevons nous-mêmes. Or, je ne me considère pas vraiment comme une personne handicapée, car il n’y a rien de ce que j’ai déjà voulu accomplir que je n’aie jamais réussi », dit Lassana Mané.

Grâce à cette attitude positive, il inspire plus de confiance aux gens qu’il rencontre, car il met l’accent sur ses capacités, et non sur son incapacité. « Plusieurs d’entre eux s’intéressen­t à mon histoire. Au départ, j’étais un peu surpris, parce qu’en Afrique, lorsqu’ils font face à une personne handicapée, les membres de ma communauté ont plutôt tendance à lui demander ce qu’ils peuvent faire pour l’aider, sans qu’elle ait à fournir d’explicatio­ns. »

« Cela dit, j’ai rapidement compris que ces questions m’offraient l’occasion d’engager un dialogue, et c’est ce qui m’importe le plus », philosophe celui qui n’aspire à rien de moins que d’occuper un poste de dirigeant à la RBC un jour. « Pour l’instant, je m’apprête à commencer le programme pour devenir chartered financial analyst [analyste financier agréé], avec pour objectif d’être, d’ici cinq ans, gestionnai­re de portefeuil­le. Mais par la suite, qui sait jusqu’où je peux me rendre ? »

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