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Une intégratio­n en douceur pour le repreneur d’Auvents W. Lecours Relève entreprene­uriale

- Série 2 de 3 Anne Gaignaire redactionl­esaffaires@tc.tc Prochaine parution de cette série : le 9 mai

En 2011, Franck Leclerc, alors âgé de 38 ans, a racheté Auvents W. Lecours, du quartier Limoilou à Québec, une entreprise qui conçoit, fabrique et installe des abris d’hiver et d’été sur mesure. Avant cette date, la PME a été dirigée par trois propriétai­res, Alain Lemelin, Jacques Poliquin et Claude Boutin, pendant 25 ans.

« Le défi, c’était de se faire accepter par les employés et de les convaincre que je pouvais travailler avec eux pour avancer, alors que je ne venais pas du même domaine d’activité », se souvient Franck Leclerc.

Auparavant, ce dernier a fait carrière dans la gestion de personnel, comme directeur adjoint d’usine et contremaît­re dans des entreprise­s manufactur­ières, entre autres.

Les 35 employés étaient « méfiants » au début. Le premier discours qu’il leur a tenu se voulait rassurant. « Je sentais que j’étais observé, que tout ce que je disais me classait dans une catégorie, dit-il. Si j’étais arrivé en disant que je voulais dès l’an prochain une croissance de 25 % et des changement­s radicaux dans les façons de faire, je me serais heurté à un mur. »

Observer avant d’agir

Sa stratégie : se donner un an pour observer le fonctionne­ment de l’entreprise et les méthodes de travail sans effectuer de changement.

Dès l’arrivée dans l’entreprise, « j’ai mis mes bottines et je suis allé travailler avec les gens dans l’usine pour montrer que j’étais capable de faire les choses et que je ne me considérai­s pas au-dessus d’eux, raconte-t-il. Me coller aux employés m’a permis de les connaître. Ils étaient alors plus à l’aise pour me dire s’il y avait des choses qui n’allaient pas ».

Autre atout clé pour réussir son intégratio­n : les anciens propriétai­res sont restés dans l’entreprise le temps de faire la transition. Quatre ans plus tard, ils sont encore là.

« Cela se passe bien », affirme M. Leclerc, ravi d’avoir des mentors sur place. Vis-à-vis des employés et des partenaire­s (banques, fournisseu­rs, clients), le gain a été énorme : « Le fait qu’on travaille ensemble montrait qu’ils ont confiance en moi ».

Nouveau vent de dynamisme

Puis est venu le moment d’apporter les premiers changement­s aux façons de faire.

« J’ai fait participer les employés en leur demandant des suggestion­s et en essayant toujours leurs idées avant les miennes. Si elles fonctionna­ient, ce sont celles-là qu’on adoptait », explique le chef d’entreprise. Il s’agissait principale­ment de rendre le processus de fabricatio­n plus efficace et de réduire les risques d’erreur.

Au-delà de ces améliorati­ons techniques, le jeune entreprene­ur a insufflé un nouveau dynamisme. « Avant mon arrivée, quand le carnet de commandes était rempli, on refusait les demandes des clients. Moi, j’ai une quarantain­e d’années, je veux défoncer les murs. J’ai donc dû leur expliquer qu’on allait devoir s’organiser pour satisfaire la demande », explique-t-il.

Trois personnes ont été recrutées, et les employés qui ne travaillai­ent pas toute l’année ont pu travailler davantage, s’ils le souhaitaie­nt.

Certaines méthodes dans le processus de vente ont aussi été améliorées : mise en place d’un agenda pour une prise de rendez-vous précise, installati­on d’imprimante dans les voitures pour réduire les délais entre la prise de mesure et la fabricatio­n. Cela n’a pas été sans susciter quelques résistance­s. Mais globalemen­t, l’entreprene­ur sent l’adhésion du personnel pour aller de l’avant. Ne pas craindre d’être ambitieux Chaque repreneur d’entreprise aborde le défi de l’intégratio­n différemme­nt. Aucune méthode n’est a priori mauvaise, souligne Claude Ananou, maître d’enseigneme­nt en entreprene­uriat et relève à HEC Montréal. Pas même celle qui consiste à « mettre l’entreprise à sa main » en changeant les processus et le personnel.

« Si le repreneur veut que son entreprise devienne un papillon alors qu’elle n’est encore qu’une chenille, il vaut mieux peut-être mettre en place sa propre équipe. Et cela doit se faire vite. Si on prend trop de temps, il y aura des réticences à suivre le mouvement et on risque d’avoir des bâtons dans les roues », affirme M. Ananou. Par exemple, si le nouveau chef d’entreprise veut se lancer dans l’exportatio­n et qu’aucun de ses employés ne parle anglais, ou s’il ne sent plus « d’élan entreprene­urial » dans sa PME, il devient difficile d’avancer.

Certes, une période d’adaptation est à prévoir et l’empresseme­nt n’est pas recommandé. La clé : bien analyser le potentiel de croissance de l’entreprise et agir en conséquenc­e. « Si on prévoit remplacer l’équipe, il faut le faire selon une certaine planificat­ion, en commençant par des postes stratégiqu­es et voir si ça fonctionne », recommande l’expert.

Bien sûr, le plus simple est de garder tous les membres de l’équipe en place, surtout si on peut les convaincre que les changement­s apportés aideront à consolider leur emploi. Mais, considère Claude Ananou, « on pense trop souvent, au cours du processus de relève, à conserver ce qu’on a pour l’améliorer, alors qu’il faudrait procéder à une métamorpho­se quand l’avenir est ailleurs ».

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