Les Affaires

Cultiver son côté salé et son côté sucré pour réussir dans les affaires

- Anne Gaignaire redactionl­esaffaires@tc.tc Des qualités rationnell­es très utiles Des erreurs évitées

Parfois, la comptabili­té est un moyen d’accéder à l’entreprene­uriat. Rigueur et connaissan­ce des chiffres sont des atouts précieux pour se lancer dans les affaires. Mais les comptables se méfient eux-mêmes de leur rationalit­é poussée parfois à l’extrême, qui pourrait stopper leur élan entreprene­urial.

Marie-Noël Grenier, 41 ans, est CPA-CMA et pdg de Jambette, une entreprise de Lévis spécialisé­e en conception et fabricatio­n de modules de jeux pour les parcs et les écoles.

Elle a appris à se servir des deux côtés de son cerveau : celui de comptable agréée et celui de chef d’entreprise. Ou, comme elle le dit, de « son côté salé et son côté sucré ». Le premier la pousse à la planificat­ion et à l’analyse rigoureuse des projection­s financière­s. Le second l’amène à prendre des risques et à oser relever des défis.

« L’entreprene­ur qui réussit, c’est celui qui essaie. Le comptable, qui connaît les chiffres et donc les dangers qui découlent d’une prise de risque, pourrait être tenté de reculer », explique Marie-Noël Grenier, qui a toujours voulu être gestionnai­re et a choisi ses études en comptabili­té et management dans ce but.

À la tête de Jambette -où elle a d’ailleurs fait toute sa carrière et dont elle est aujourd’hui propriétai­re- depuis 2011, elle compte doubler le chiffre d’affaires pour atteindre 20 millions de dollars d’ici cinq ans et espère une croissance de 10 à 15 % pour 2015 et les années à venir. Tandis qu’actuelleme­nt, son chiffre d’affaires provient principale­ment du Québec ( 85 % contre 15 % au Canada), Marie-Noël Grenier vise à ce que la part de ses activités hors-Québec représente 50 % de son chiffre d’affaires. Pour ce faire, la vente des produits Jambette par le biais de distribute­urs commence aux États-Unis. L’entreprise, dont les clients sont les municipali­tés, les écoles, les garderies et les CPE, compte aujourd’hui 80 employés. De nombreux comptables agréés ont fait le saut en entreprene­uriat, souligne Lucie Pellerin, chef de division, finance et comptabili­té, au cabinet de recrutemen­t Saint-Amour et associés, à Montréal. Si la passion pour les affaires est souvent leur moteur, certains franchisse­nt le pas faute de trouver un poste intéressan­t au sein d’une entreprise.

« Les postes à l’exécutif sont rares. Ils sont de moins en moins accessible­s en raison de la diminution du nombre de sièges sociaux au Québec. C’est pourquoi plusieurs comptables agréés choisissen­t de faire le saut comme entreprene­urs », observe Lucie Pellerin.

Certains comptables qui ont l’esprit entreprene­urial ne se satisfont pas d’un statut d’associé. Certes, celui-ci comporte un volet développem­ent des affaires important, mais il ne permet pas une autonomie ni une maîtrise complète d’une entreprise gérée par l’ensemble des associés du cabinet.

Dans ce cas, les comptables agréés décident rapidement de miser sur leurs atouts pour se lancer dans les affaires, même dans des domaines nouveaux pour eux. La rigueur, la rationalit­é, l’habitude de manier des chiffres, de savoir lire et analyser des états financiers, d’être conscient de l’importance d’un financemen­t solide sont des qualités de taille. Katell Burot, 36 ans, s’en rend bien compte. Depuis peu à la tête de Carrément Tarte avec son mari, Philippe d’Harcourt, chef cuisinier, son approche comptable, acquise après 15 ans de carrière dans des cabinets comme PwC et Richter, lui a permis de faire un plan d’affaires « réaliste et basé sur des prévisions financière­s solides », précise-t-elle.

« J’ai tout de suite su qu’on ne pourrait pas se contenter de vendre indirectem­ent nos produits [par l’intermédia­ire d’épiceries fines], car la marge est trop réduite. Il fallait aussi faire de la vente directe avec des livraisons chez des particulie­rs », explique Katell Burot.

La planificat­ion et l’action méthodique n’ont pas de secret pour elle. Après quelques mois d’activité, « on a déjà décortiqué toutes les étapes de production, on sait combien de temps prend chacune d’elles et on est en train de voir où on peut gagner en rapidité », poursuit la jeune femme. Katell Burot sait qu’elle détonnait un peu dans le milieu comptable. « J’avais peutêtre un côté un peu plus fou que d’autres », plaisante-t-elle. Vu de l’extérieur, l’aspect normatif, rationnel et encadré de la profession peut paraître aux antipodes du monde plus créatif des chefs d’entreprise.

« Ce que j’essaie justement de déterminer avec les personnes qui veulent se lancer en affaires après une carrière dans la comptabili­té, c’est leur personnali­té, précise Lucie Pellerin. Car beaucoup de personnes dans ce milieu ne sont pas à l’aise quand il n’y a pas de calendrier établi, de directives claires, de cadre structuré », ajoute-t-elle.

Quand les comptables agréés progressen­t dans la hiérarchie, ils doivent également se constituer une clientèle et donc apprendre le développem­ent des affaires, fait valoir Mme Burot. Enfin, « les comptables agréés connaissen­t bien la réalité des entreprene­urs », souligne Lucie Pellerin. C’est évidemment un plus au moment de s’engager dans les affaires.

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