Alain Robitaille
L’une des façons de s’inspirer du style de Warren Buffett est de chercher des entreprises qui ont un avantage concurrentiel et vendent des produits et services « essentiels à l’humain », suggère Alain Robitaille, gestionnaire de portefeuille du Groupe Robitaille, chez Desjardins Marché des capitaux. John Deere Le constructeur de tracteurs de ferme John Deere (NY, DE, 88,49 $ US) fait partie des entreprises dont les produits sont « essentiels à l’humain ». Dans son industrie, John Deere domine son secteur et parvient même à vendre ses produits plus chers que les concurrents, constate M. Robitaille, qui compare l’attrait de la marque à celle de Harley-Davidson pour les adeptes de motos. Le titre se négocie à 16,5 fois les prévisions de bénéfices de 2015.
Joel Tiss, de BMO Marchés des capitaux, reconnaît que la société de Moline, en Illinois, est très bien gérée, même dans les moments difficiles. Le contexte est cependant défavorable pour le secteur agricole, et cette faiblesse pourrait se poursuivre jusqu’en 2016, prévient-il.
M. Tiss fait partie des 11 analystes qui recommandent de conserver le titre. Ils sont sept à émettre une recommandation d’achat et sept autres à en suggérer la vente.
M. Robitaille, pour sa part, se range du côté des optimistes et se concentre sur les perspectives à long terme. « Je ne sais pas si les tracteurs rouleront au carburant ou à l’énergie solaire dans 10 ans, mais on en aura besoin pour effectuer les tâches agricoles, c’est certain », ajoute le gestionnaire de portefeuille de l’Abitibi.
Warren Buffett fait d’ailleurs le même pari. La firme Berkshire Hathaway a acheté une participation de 17,1 millions d’actions au cours du quatrième trimestre 2014. La firme Cascade, de Bill Gates, est également actionnaire. Leur présence est rassurante pour les petits actionnaires, selon M. Robitaille. AutoNation Le concessionnaire de voitures AutoNation (NY, AN, 65,05 $ US) se démarque de ses concurrents en offrant les modèles des différents constructeurs, affirme M. Robitaille. Cela lui permet de ne pas souffrir si un modèle est plus populaire qu’un autre.
Le gestionnaire de portefeuille constate que la société de Fort Lauderdale, en Floride, a racheté « énormément d’actions » au fil des ans. « Elle est très disciplinée avec ses capitaux lorsqu’elle achète de nouvelles concessions. Sinon, elle rachète des actions. »
La très grande majorité des analystes restent cependant sur les lignes de côté. Des 14 qui suivent le titre, 11 émettent une recommandation « conserver », tandis qu’un seul en suggère l’achat et deux en recommandent la vente. Jarden L’acquéreur de marques Jarden (NY, JAH, 53,21 $ US), de Boca Raton en Floride, est une entreprise qui reproduit en quelque sorte la philosophie de Warren Buffett, constate M. Robitaille. « Lorsqu’elle fait des acquisitions, elle garde la direction en place, un peu comme le fait M. Buffett, explique-t-il. Ses cibles d’achat sont toujours complémentaires à ce qu’elle fait. Elle n’effectue pas de diversification à outrance. »
Le portefeuille de marques de Jarden contient notamment les fabricants d’articles de plein air Coleman et de petits électroménagers Oster. « Les marques qu’elle détient occupent souvent la première ou la deuxième place de leur créneau », constate M. Robitaille.
M. Robitaille aime le fait que la société soit capable de croître à un rythme régulier. « En 1993, elle avait des revenus de 200 M$ US ; ceuxci atteignent maintenant 8 G$ US. Elle génère beaucoup de liquidités qu’elle utilise très bien. »
À l’inverse d’AutoNation, les analystes sont très majoritairement dans le camp des acheteurs, même si le titre se négocie à 19 fois les bénéfices de 2015. Sur 18, ils sont 16 à en recommander l’achat. L’un des grands enseignements de Warren Buffett est d’essayer de trouver des entreprises dont les activités seront toujours pertinentes dans plusieurs années, pointe Barry Schwartz, vice-président, Baskin Financial Services. Le gestionnaire de portefeuille torontois choisit trois titres qui résisteront bien aux modes. Goldman Sachs Goldman Sachs (NY, GS, 199$ US) fait partie des sociétés immortelles, selon lui. « Si elle a survécu à la crise financière de 2008, je crois qu’elle peut résister à tout » , avance M. Schwartz. « C’est une entreprise qu’on ne peut pas copier, ajoute-t-il. Vous pourriez ouvrir 200 cafés demain si vous trouvez quelqu’un d’assez fou pour vous prêter le capital. Par contre, tout l’argent du monde ne vous permettra jamais d’acheter l’expertise de cette banque d’investissement américaine. »
Si vous êtes dans le camp des optimistes en ce qui concerne l’économie américaine, Goldman Sachs est susceptible de profiter de l’embellie chez nos voisins du Sud, ajoute le gestionnaire de portefeuille. À 10,5 fois les bénéfices de 2015, le titre est peu cher, d’autant plus que la société génère de « solides » flux de trésorerie lui permettant de retourner de l’argent à ses actionnaires.
La majorité des 32 analystes restent cependant sur les lignes de côté. Ils sont 9 à émettre une recommandation d’achat, 20 à suggérer de conserver le titre et 3 préfèrent s’en départir. Saputo Barry Schwartz aime Saputo (Tor., SAP, 53,21 $). « La famille Saputo est fortement engagée à créer de la valeur pour les actionnaires. L’entreprise familiale est la première dans les marchés qu’elle occupe, note-t-il. Elle utilise judicieusement son capital lorsqu’elle procède à des acquisitions. Elle a régulièrement augmenté son dividende. »
Le titre est cependant coûteux, ce qui fait hésiter bien des analystes qui reconnaissent la force de l’entreprise montréalaise. Le titre de Saputo s’échange à 23 fois les prévisions de bénéfices pour 2015. « Avec son multiple à un sommet historique, les perspectives ne justifieraient pas un rebond du titre », commente Michael Van Aelst, de Valeurs mobilières TD. Il émet une recommandation « conserver » et propose une cible de 36$.
« Le titre s’est toujours échangé à prime, mais ça vaut le prix, défend M. Schwartz. Les gens vont continuer à consommer des produits laitiers dans 10 ans, et je crois que Saputo deviendra un acteur international encore plus important. » Visa Avec l’expansion du commerce en ligne, Visa (NY, V, 68,13$ US) est promise à un bel avenir. Barry Schwartz anticipe que le marché de l’émetteur de cartes de crédit pourrait doubler d’ici 10 ans. Le paiement électronique a un potentiel de croissance au détriment de l’argent comptant. L’avantage du modèle d’entreprise est que ce sont les banques qui prennent le risque de crédit. Visa ne fait que percevoir une redevance sur les transactions, rappelle le gestionnaire de portefeuille.
Les bénéfices de l’entreprise de San Francisco ont aussi l’avantage d’être corrélés avec l’inflation. « Lorsque les prix s’élèvent, les montants perçus en redevances suivent la même trajectoire », explique M. Schwartz.
À 25 fois les bénéfices de 2015, le titre est coûteux. Cela n’empêche pas la majorité des analystes d’émettre une recommandation d’achat. Des 42 analystes interrogés par Bloomberg, 32 émettent une recommandation d’achat, par rapport à 10 qui suggèrent de le conserver.
Un bon exemple de dirigeant sous-payé
Enfin, il y a de ces dirigeants qui gagnent beaucoup moins que ce qu’ils valent, par choix personnel, en raison de la culture de leur entreprise, pour prêcher le bon exemple, etc. Même s’ils sont en minorité, il y en a tout de même un bon nombre.
Je vous donnerai un seul exemple, ici au Québec, soit celui de Stanley Ma, président et chef de la direction du Groupe MTY (Tor, MTY, 33,23$). Son salaire a été d’environ 400 000$ au cours des trois derniers exercices. Et il n’a reçu aucune option, aucune action, aucune rémunération en vertu d’un plan incitatif ni aucun régime de retraite. Rafraîchissant, n’est-ce pas?
Oui, et surtout parce qu’en plus, depuis cinq ans, le titre de MTY a affiché une performance trois fois supérieure à celle de l’indice S&P/TSX. Alors, arrêtez de dire que les dirigeants sont tous cupides! Ce n’est pas vrai.