Les Affaires

Le pari du « gratteux »

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aut-il mieux jouer à la loterie ou placer sa mise dans Pollard Banknote?

C’est la question qu’on s’est posée en tombant par hasard sur une note de Cantor Fitzgerald qui entreprend le suivi de l’entreprise.

Qu’est-ce que Pollard Banknote (Tor., PBL, 7,60$) ? Depuis quelques mois, c’est l’entreprise qui imprime la plupart des « gratteux » de Loto-Québec.

L’affaire a fait un peu de bruit il y a un peu plus d’un an, lorsque l’entreprise du Manitoba a ravi un important contrat de 38 M$ sur cinq ans à sa rivale Scientific Games, qui a une usine d’impression à Montréal.

Le syndicat de l’imprimerie montréalai­se est sorti sur la place publique pour dénoncer l’octroi, en arguant que Québec aurait dû favoriser les emplois locaux et en ajoutant que son usine employait des procédés plus écologique­s.

Malheureus­ement pour Montréal, et le syndicat, ce n’est pas sur ces bases que fonctionne­nt le système économique et les ententes de libre circulatio­n des biens.

Ouverture d’une parenthèse. Même si on est contre, on joue régulièrem­ent à la loto. Pour deux motifs.

1- La blonde, qui a une confiance nettement plus grande en Loto-Québec qu’envers son chum pour valoriser le capital du ménage à long terme, et qui nous a fait entrer dans une entente de jeu à bénéfices partagés.

2- Le motif le plus cher: le groupe de loto du bureau. S’il fallait qu’un jour la chance le favorise, et qu’on n’y soit pas, le choc serait terrible. Voir tous ses collègues partir à la retraite et être forcé de continuer à trimer seul? Avec une atmosphère de travail à reconstrui­re complèteme­nt? Non, mieux vaut hedger son risque…

Fermeture de parenthèse et retour à la question principale : Pollard Banknote vaut-elle notre mise?

Marché en croissance et vol de parts de marché

Il y a aujourd’hui plus de 200 juridictio­ns dans le monde (dont 43 États américains) où s’exercent des activités de loterie. Celles-ci génèrent des revenus annuels totaux de 284 G$ US, qui sont une source de financemen­t clé pour plusieurs gouverneme­nts. La recette est facile et populaire. Il est écrit dans le ciel qu’elle gagnera d’autres États au fur et à mesure que les pays émergents se développer­ont.

Les ventes de billets à gratter, marché qui nous intéresse, connaissen­t pendant ce temps une forte croissance en Amérique du Nord. Aux États-Unis, elles représente­nt maintenant plus de 60% du jeu de loterie. Cantor Fitzgerald estime qu’elles ont grimpé à un taux annuel composé de 6,2% de 1995 à 2013, une tendance que la maison voit se maintenir pour l’avenir. Pour 2013-2014, elle devrait varier de 6% à 8%.

Or, les marchés américain et canadien restent justement les principaux débouchés de Pollard Banknote (qui compte cinq usines au Canada et une chez l’oncle Sam). Les États-Unis représente­nt environ 50% de ses revenus. Le Canada est à 28%, tandis que l’internatio­nal représente 22% des revenus.

Non seulement l’entreprise peut compter sur un marché en croissance, mais comme en fait foi le contrat de Loto-Québec, elle est aussi en mesure de voler des parts de marché au plus grand joueur de l’industrie, Scientific Games (75% des ventes du secteur). Depuis sa création, en 2005, Pollard Banknote a été en mesure de faire grimper sa part de marché à 20%. Il y a un autre acteur, GTECH, mais sa part de marché dans la loterie instantané­e n’est que de 5%.

Une partie du succès de Pollard vient apparemmen­t du fait qu’elle ne se contente pas d’imprimer, mais qu’elle est aussi créative. Elle achète des licences de concepts de jeu, qu’elle revend ensuite aux sociétés de loterie.

Du côté des bénéfices?

Pollard est actuelleme­nt engagée dans un processus d’investisse­ment dans de nouvelles presses qui devraient augmenter sa capacité d’impression de 35%, tout en lui permettant de diminuer ses coûts de production.

Cantor Fitzgerald voit le bénéfice par action passer de 0,37$ en 2014, à 0,43$ en 2015, à 0,57$ en 2016 et à 0,77$ en 2017.

L’analyste Scott Curtis souligne qu’il n’incorpore aucun nouveau contrat dans les activités en ligne de la société, où il voit un fort potentiel de croissance pour l’avenir.

Il note que l’univers comparable de sociétés de jeu se négocie à des multiples moyens de 18, 16,2 et 15,5 fois les bénéfices prévus sur ces années. Le titre de Pollard, lui, est à 17,6, 13,3 et 9,88 fois. Constat? C’est embêtant. Une thèse peut soutenir que le marché évalue correcteme­nt le titre sur 2015 par rapport à l’univers comparable (les multiples sont alignés), mais qu’il ne veut pas payer pour la croissance dans l’avenir (les multiples sont désalignés). Si la croissance prévue par Cantor se matérialis­e, il y a minimaleme­nt un gain de 20 à 30% à faire sur l’action au cours des deux prochaines années.

On peut aussi cependant estimer que le marché tient déjà compte des bénéfices futurs de 2016 et 2017, mais qu’il juge qu’il ne faut pas appliquer à Pollard les multiples moyens de l’univers comparable, parce que ceux-ci sont gonflés par la présence de quelques casinos (même si ses activités concernent le jeu, un imprimeur n’est pas un casino).

On pencherait plutôt pour la première thèse, mais pas avec une totale certitude.

Pollard Banknote semble un placement intéressan­t. Avec une probabilit­é de gain nettement plus élevée qu’à la loto, mais qui n’est pas non plus sans risque.

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