Les Affaires

RICHARD GUAY, EX-PRÉSIDENT DE LA CDPQ

- Richard Guay redactionl­esaffaires@tc.tc Chroniqueu­r

Comme investisse­ur visant le long terme, vous recherchez sans doute des titres dont le prix est inférieur à leur valeur fondamenta­le. Toutefois, chercher des aubaines ne fait pas automatiqu­ement de vous un investisse­ur de type « valeur ». Les investisse­urs de type « croissance » recherchen­t aussi des aubaines. Pour l’investisse­ur de type valeur, l’aubaine se trouve dans un prix déprimé. Pour l’investisse­ur de type croissance, elle réside dans le fait que la croissance future des bénéfices est sous-estimée par le marché.

L’investisse­ur de type valeur s’intéresse aux entreprise­s dont les activités permettron­t de générer des bénéfices relativeme­nt prévisible­s et surtout, intéressan­ts compte tenu du bas prix de l’action. Prenons la Banque Nationale. Elle dégage un bénéfice par action (BPA) de 4,32$ et un dividende de 1,92$ par année, alors que l’action se négocie à près de 49$. C’est un rendement de dividende de 3,9% et un ratio coursbénéf­ice de seulement 11,3.

En considéran­t un scénario de croissance modeste des bénéfices de 5% par année pour la prochaine décennie, le rendement annuel moyen de l’action devrait être supérieur à8%. À lui seul, le rendement de dividende de 3,9% est élevé avec peu de risque de baisse. Il est déjà nettement supérieur aux taux d’intérêt sur les obligation­s gouverneme­ntales de 10 ans. Le titre est une aubaine à49$.

L’investisse­ur de type croissance cherche aussi des aubaines. Il tente de déceler des entreprise­s dont le bénéfice croîtra rapidement dans le futur, mais dont le cours du titre ne reflète pas encore cette forte croissance. Prenons Facebook. Les analystes prévoient qu’une grande partie de sa valeur est liée au potentiel de revenus publicitai­res sur les téléphones intelligen­ts. Ces revenus pourraient plus que doubler en quatre ans.

Est-ce que Facebook est une aubaine avec un ratio cours-bénéfice supérieur à 70? Plusieurs analystes l’affirment, et des investisse­urs de type croissance s’y intéressen­t. Voyons-y de plus près. À 1,10$ US, le dernier BPA de Facebook ne peut pas justifier à lui seul le cours actuel de l’action, qui s’établit à environ 78$ US. Une grande partie de la valeur courante de Facebook est plutôt liée aux développem­ents futurs.

L’argumentai­re est que Facebook a réussi à fidéliser les utilisateu­rs de son site. Ces derniers y passent plus de temps que sur n’importe quel autre site et y déversent énormément d’informatio­ns précieuses pour les entreprise­s, clientes publicitai­res de Facebook, qui peuvent ainsi mieux rejoindre leur clientèle cible. La marge bénéficiai­re de Facebook reste très élevée. Elle a, en fait, de quoi faire rêver le plus ambitieux des entreprene­urs.

Maintenant, avec un titre à 78$ US, les investisse­urs de type croissance ont-ils raison de s’intéresser à Facebook?

Les analystes de Cantor Fitzgerald prévoient qu’en 2020, le BPA sera cinq fois celui de 2014. Tout un potentiel ! Selon eux, le cours de l’action de Facebook devrait rapidement atteindre 92$ US pour mieux refléter cette croissance future. Du côté des analystes de la Deutsche Bank, il devrait s’établir à 100$ US! Pour ces analystes, le titre est une aubaine. Il y a toutefois deux bémols. Le premier se trouve dans le défi de croissance. Il est possible pour la société de multiplier son bénéfice par cinq d’ici 2020, mais est-ce le scénario le plus réaliste? C’était déjà un exploit de multiplier son bénéfice par cinq, pour le porter à 3 milliards de dollars américains, comme l’a fait Facebook de 2010 à 2014. Le quintupler de nouveau pour qu’il atteigne 15 G$ US en 2020 est un tout autre défi. En effet, une forte croissance est plus difficile à réaliser pour une entreprise qui a déjà une taille énorme.

Le deuxième bémol est que, historique­ment, les analystes ont tendance à être trop optimistes. Les erreurs de prévision sont plus importante­s pour un titre comme Facebook que pour une banque canadienne.

Étant donné ces deux constats, le risque d’investisse­ment et d’une correction de la valeur de l’action est plus élevé. En résumé, l’investisse­ur de type valeur s’intéresser­a davantage à l’action de la Banque Nationale, qui verse un solide dividende et présente un faible ratio cours-bénéfice. L’investisse­ur de type croissance sera plutôt attiré par Facebook et son potentiel de multiplier le bénéfice par cinq, ce qui pourrait faire doubler le cours de l’action d’ici 2020. C’est potentiell­ement plus payant, mais aussi plus incertain.

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