L’Oréal teste le big data avec sa marque Kiehl’s
Les attentes des consommateurs sont de plus en plus élevées, la concurrence de plus en plus féroce, les défis de plus en plus nombreux… Du coup, la tâche est fort complexe pour les responsables de l’expérience client.
Un signe ne trompe pas: en Amérique du Nord, seulement 12% des responsables de l’expérience client considèrent que leurs initiatives sont vraiment efficaces, d’après une étude récente du cabinetconseil Forrester.
« Nous sommes en plein paradoxe de Stockdale », a illustré Marc MacDonald, chef de la direction, ressources humaines, de la chaîne des magasins David’s Tea, à l’occasion de l’événement Expérience Client organisé la semaine dernière à Montréal par le Groupe Les Affaires.
James Stockdale? Cet officier de la Marine américaine a survécu à huit années de torture durant la guerre du Vietnam grâce à deux mantras a priori contradictoires: il se disait sans cesse « Je vais finir par m’en sortir » ainsi que « Je dois affronter la dure réalité qui est la mienne ». « Autrement dit, il a su combiner optimisme et réalisme, ce qui lui a permis de survivre à l’horreur absolue, tandis que les autres – trop optimistes ou trop réalistes – n’ont pas survécu », a expliqué M. MacDonald. Et d’ajouter: « C’est la même chose en affaires, il faut maintenant trouver le moyen d’harmoniser optimisme et réalisme pour avoir une chance de survivre, voire de grandir ».
Comment atteindre une telle harmonie? Grâce à une vertu inusitée: la vulnérabilité ! « La clé du succès, c’est de permettre au client et à l’employé à qui il s’adresse de nouer un lien authentique. Et qui dit authenticité dit vulnérabilité, laquelle peut s’exprimer, par exemple, par des phrases franches du genre “Écoutez, je n’ai pas la réponse à votre question, mais je vais me renseigner et vous la donner au plus vite”. Pourquoi? Parce que c’est en étant vrai et sincère qu’on peut toucher le coeur du Kiehl’s, une marque de cosmétiques née au 19e siècle à New York et détenue par L’Oréal depuis 2000, s’est toujours illustrée par ses opérations de marketing à nulle autre pareilles.
Ces dernières décennies, elle ne jurait que par les échantillons de produits, qu’elle distribuait gratuitement par dizaines de millions chaque année, y consacrant jusqu’à 80% de son budget publicitaire.
« Tout reposait alors sur le produit. Mais aujourd’hui, avec l’avènement du numérique et du big data, on mise à fond sur le client », a dit Khoi Truong, directeur, optimisation des données, de L’Oréal Canada, lors de l’événement Expérience Client organisé par le Groupe Les Affaires.
Comment? Grâce aux fichiers témoins ( cookies) qui sont logés dans notre ordinateur et qui enregistrent tout ce que nous faisons sur le Web. « Ce sont des mines d’informations pour nous. Ils nous permettent de connaître votre historique d’achat et de navigation, et, en recoupant ça avec d’autres bases de données (Google, etc.), d’offrir un service personnalisé renversant d’efficacité », a-t-il expliqué.
Ainsi, il suffit qu’une internaute accède une fois au site Web de Kiehl’s pour qu’à sa prochaine visite la page d’accueil soit adaptée à elle. « Nous sommes en mesure de savoir, par exemple, que la peau de son visage est grasse ou encore que son origine ethnique est asiatique, si bien qu’on lui proposera d’emblée des rabais sur une crème de visage spécifique. Mieux, les pubs Kiehl’s qu’elle verra à l’avenir sur, disons, sa page Facebook lui proposeront d’autres rabais correspondant à son profil », a précisé Khoi Truong.
« Kiehl’s fait figure d’opération pilote au sein de L’Oréal. Notre objectif est de tout connaître sur 50% de la clientèle régulière de L’Oréal et de l’amener progressivement à acheter de plus en plus en ligne. À présent, ça représente 5% de nos ventes; on aimerait que ça grimpe à 20% dans les prochaines années », a indiqué Martin Aubut, directeur, marketing interactif et intelligence consommateurs, de L’Oréal Canada. – OLIVIER SCHMOUKER