Les Affaires

Dix ans de chantiers à venir au Québec

- Jean-François Venne redactionl­esaffaires@tc.tc

L’État québécois investira plus de 88 milliards de dollars dans ses infrastruc­tures publiques d’ici 2025. Les vedettes de ces investisse­ments seront les grands projets, que l’on retrouvera surtout du côté du réseau routier.

Les dépenses du gouverneme­nt du Québec en infrastruc­tures ont atteint un sommet de 10,1 G$ en 2014-2015, près du double des sommes engagées 10ans plus tôt. L’entretien et la constructi­on des infrastruc­tures publiques seront toutefois touchés par le souci d’équilibrer les finances publiques. Dans son récent Plan québécois des infrastruc­tures (PQI), le gouverneme­nt annonçait une diminution des investisse­ments publics annuels, lesquels devraient passer de 9,9 G$ cette année à moins de 9 G$ à partir de 2017.

L’annonce a déçu l’Associatio­n de la constructi­on du Québec (ACQ). Jean-Philippe Cliche, économiste à l’ACQ, craint des pertes d’emplois. « Le prix des ressources naturelles est relativeme­nt bas en ce moment, et les projets dans le Nord ne démarrent pas, dit-il. Il faudrait soutenir l’industrie de la constructi­on par des investisse­ments publics, jusqu’à ce que le prix des ressources naturelles remonte et que le privé s’y remette. »

Les municipali­tés rappellent, quant à elles, que 58% des infrastruc­tures sont sous leur responsabi­lité, mais que seulement 8,5% des sommes prévues au PQI leur sont attribuées. « Les municipali­tés ont des besoins très diversifié­s, explique Suzanne Roy, présidente de l’Union des municipali­tés du Québec. Les plus anciennes réparent leurs routes, leurs égouts, leurs aqueducs, alors que les plus récentes construise­nt des infrastruc­tures de loisirs, de sports ou de culture. Elles doivent avoir voix au chapitre. »

D’autant que les municipali­tés devront verser 8,1 G$ au PQI. De son côté, le gouverneme­nt fédéral investira 9,8 G$. Pontage routier Les projets dont la valeur atteint au moins 50 millions de dollars représente­nt 14,7% des investisse­ments annoncés dans le PQI. Le réseau routier subira un véritable pontage artériel. À lui seul, le coût des 28 projets majeurs déjà en cours dépassera 3,8 G$. Parmi les plus coûteux: la reconstruc­tion de l’échangeur Turcot (2,98 G$), le maintien d’actifs sur l’échangeur Turcot et de La Vérendrye (142,7 M$) et l’entretien du pont Mercier (118,3 M$).

S’ajoute à cela, bien sûr, la constructi­on du futur pont Champlain, menée par le fédéral, dont l’évaluation du coût varie de 3 à 5 G$.

Quant aux projets dits « à l’étude », rien n’assure qu’ils seront entrepris prochainem­ent. Le prolongeme­nt de l’autoroute 19 entre les autoroutes 440 et 640 est inclus dans le PQI une année sur deux depuis 2011, pour en être retiré l’année suivante!

Un peu plus de 1,9 G$ devrait être investi dans de grands projets de transport collectif, mais près de 90% de cette somme ira au métro de Montréal, dont 1,4 G$ pour le remplaceme­nt des wagons. « On entretient, mais on ne développe pas beaucoup le réseau des transports collectifs », déplore Paul Lewis, doyen de la Faculté de l’aménagemen­t de l’Université de Montréal. Le Train de l’Est est le seul autre projet d’envergure en cours de réalisatio­n. Objectif qualité Du côté du bâtiment, le gouverneme­nt investira près de 2 G$ dans les hôpitaux, dont 1,17 M$ dans le CHUM, 319 M$ pour relocalise­r l’hôpital de Baie-Saint-Paul et 287 M$ à l’hôpital SainteJust­ine. Près de 50M$ seront consacrés aux infrastruc­tures culturelle­s.

Période d’investisse­ments majeurs donc, dans un climat d’austérité. Clément Demers, directeur général de Quartier Internatio­nal Montréal, espère que le souci d’économiser ne poussera pas les gouverneme­nts à opter pour des solutions de moins bonne qualité.

« À l’époque, pour économiser quelques millions, nous avons construit un pont Champlain avec un tablier solidaire de la structure, rappelle M. Demers. Voilà que nous devons remplacer le pont au complet, parce que le tablier de béton arrive en fin de vie, alors que le reste de la structure est sain. »

Rénover une place située directemen­t au-dessus d’un ancien cimetière est une opération fort délicate. Quand, de plus, elle se trouve en plein centre-ville de Montréal, au coeur du quartier des affaires, le défi est encore plus grand.

La place du Canada, construite en 1876, est située au sud du boulevard René-Lévesque et à l’est de la rue Peel. Son réaménagem­ent en cours est la deuxième étape d’un projet amorcé en 2009 par la rénovation du square Dorchester (achevée en 2011), situé juste en face, au nord de René-Lévesque. Depuis 2012, ces deux parcs sont reconnus comme sites patrimonia­ux en raison de leur intérêt architectu­ral, urbain et paysager.

Il faut dire qu’ils sont situés directemen­t au-dessus de l’ancien cimetière catholique Saint-Antoine, actif entre 1799 et 1854. « On y trouve plus de 50 000 sépultures inhumées », dit François Bélanger, archéologu­e à la Ville de Montréal.

Le cahier des charges de l’entreprene­ur Ceveco, responsabl­e de ce projet évalué à 9,2 millions de dollars, comprend l’obligation de prendre en compte le patrimoine et de travailler de concert avec les archéologu­es, historiens et autres profession­nels de la Ville. La relation entre les deux groupes est restée harmonieus­e, confirme l’archéologu­e. De fait, les entreprene­urs avaient une place privilégié­e pour observer les travaux archéologi­ques et se sont montrés fort curieux de l’opération.

Déménageme­nt de sépultures

On le serait à moins. Environ 500 sépultures, dont près de 150 contenaien­t des squelettes complets, ont été exhumées en raison des travaux. « L’intention était d’altérer le moins possible le cimetière, mais les travaux sur les égouts, le drainage, l’installati­on de bases d’appui, de l’électricit­é ou de lampadaire­s nécessiten­t de creuser le sol, c’est inévitable », admet François Bélanger. Les squelettes ont d’abord été analysés par les archéologu­es afin d’en déterminer le sexe, l’âge et parfois même la cause de mortalité, avant d’être acheminés à l’Université de Montréal pour une analyse plus fine.

Leur parcours se terminera au cimetière Notre-Dame des Neiges, lequel avait justement été ouvert pour succéder au cimetière Saint-Antoine, où ils seront inhumés de nouveau. Un monument y rappellera l’existence du cimetière SaintAntoi­ne. De petites croix ancrées au sol feront de même à la place du Canada, en plus d’une simple plaque indiquant les années de service de l’ancien cimetière catholique.

Un chantier instructif

Évidemment, un tel chantier en plein coeur de la ville, ça fait désordre. La place du Canada est fermée pendant les travaux, mais l’accès aux nombreux commerces et immeubles situés autour reste ouvert. Le chantier cause aussi la fermeture complète de la rue de la Cathédrale, entre le boulevard René-Lévesque et la rue De La Gauchetièr­e jusqu’à la fin de juin 2015.

Situé en plein coeur du quartier des affaires, le secteur demeure très fréquenté, de jour comme de soir. Pendant les travaux, pour atténuer l’impact visuel négatif du chantier, la Ville de Montréal l’a habillé d’images inspirées de l’époque victorienn­e et du style qu’adoptera la place une fois le réaménagem­ent achevé.

Mais l’habillage a aussi revêtu un aspect plus éducatif. « Des panneaux d’interpréta­tion archéologi­que installés sur les clôtures du chantier permettaie­nt aux gens de comprendre les travaux archéologi­ques et scientifiq­ues qui se déroulaien­t sur les lieux, explique François Bélanger. Pendant quelques mois, il y avait même un guide archéologi­que sur place, apte à répondre aux questions des nombreux passants. Cela assurait une grande transparen­ce quant à la nature des travaux. »

Le nouveau design de la place du Canada fera une large part au corpus d’oeuvres d’art public et aux objets commémorat­ifs que l’on y trouve, notamment le monument à Sir John A. Macdonald, ancien premier ministre du Canada, qui date de 1895, et le monument aux braves de Montréal (cénotaphe), inauguré en 2011.

Même la végétation est soignée : on transplant­era 6 arbres de grande valeur à l’intérieur du site et on plantera 90 arbres supplément­aires, ce qui doublera le couvert végétal.

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