Terres à bois : où s’en vont les prix ?
On n’achète pas un petit bout de forêt privée pour des miettes de pain. Un lot à bois fait 100 acres (100 fois 43 560 pieds carrés) ou, dans une autre unité de mesure, 40 hectares. Les lots à moins de 100 000$ se font rares. La règle du pouce parle d’un prix minimal d’environ 1000$ l’acre ou 2500$ l’hectare. Mais les prix peuvent varier d’une région à l’autre.
La Fédération des producteurs forestiers du Québec (FPFQ) estime que la valeur foncière forestière moyenne par unité d’évaluation en Estrie (sans égard à la superficie des unités concernées) est passée de 37 529$ à 128 523$, de 1997 à 2012, un bond de 242%. En fait, toutes les régions ont assisté à une croissance de valeur foncière soutenue, avec une moyenne de 159%.
« Comme dans l’immobilier, la localisation peut jouer pour beaucoup, dit Marc-André Côté, directeur général de la FPFQ. Plus un lot est situé près d’un grand centre, plus c’est cher », ajoute l’ingénieur forestier. Un boisé privé sera donc plus coûteux en Estrie qu’en Gaspésie.
À titre d’illustration, vous pourriez avoir à débourser jusqu’à 7500$ l’hectare pour un lot complet en Montérégie, soit la rondelette somme de 300 000$. Dans la MRC de La Matanie, une analyse sommaire des ventes de terrains répertoriés en 2012 et en 2013 dévoile un prix moyen de 1300$ par hectare. Au Saguenay–LacSaint-Jean, Régis Bonneau, directeur de la firme Cévimec-BTF, estime de son côté qu’un hectare de forêt mature de résineux de bonne qualité coûte actuellement de 3000 à 3600$.
Jean-François Arteau, évaluateur agréé de la firme Servitech, de Québec, souligne que l’évaluation foncière d’une forêt privée est fondée sur l’analyse des ventes de terrains comparables. La méthode comparable est également privilégiée pour l’évaluation des résidences et des chalets. « Nous recensons les transactions des terres sur un même territoire, et nous tentons de déterminer un taux unitaire moyen par hectare pour des terrains possédant les mêmes caractéristiques physiques telles que la superficie, le couvert forestier, la topographie, l’accès, etc. », explique-t-il. Des prix élevés, compte tenu du marché du bois Étant donné la situation du marché, les prix des lots à bois sont actuellement jugés élevés par plusieurs observateurs. Le prix du bois évolue en dents de scie depuis quelques années et ne semble pas justifier la hauteur des transactions actuelles. Les banques prêtent généralement avec plus de prudence, et les habitués du secteur recommandent d’avoir le même comportement. « Prévoyez une mise de fonds équivalente à 50% du montant de la vente, en argent ou par l’équité disponible sur un autre bien immobilier », explique David Couture, courtier immobilier et ingénieur agricole pour le compte de Sutton.
« Ne vous attendez pas à générer des revenus substantiels de votre terre: par conséquent, limitez votre endettement à l’achat », renchérit Sara de Grady, associée de David Couture. D’où viennent ces prix élevés? « On constate dans plusieurs régions du Québec que le marché de la villégiature est de plus en plus important et continue de faire augmenter le niveau des prix, et ce, malgré le ralentissement du marché du bois », explique JeanFrançois Arteau, de Servitech.
Albert Guévin, coordonnateur et technicien en évaluation à la MRC Nicolet-Yamaska, souligne d’ailleurs que les petites superficies – de moins de 10 hectares – à caractère récréatif sont très recherchées dans cette région. « Les prix ont triplé depuis une douzaine d’années, allant jusqu’à 10 000$ par hectare », dit-il.
Une observation confirmée par le dernier sondage réalisé auprès des propriétaires forestiers québécois : la forêt est de plus en plus perçue comme l’occasion de se rassembler en famille et d’apprécier la villégiature. Le plaisir de posséder un milieu naturel (92%), de l’aménager (84%), d’y faire son bois de chauffage (75%) et de chasser ou de pêcher (48%) sont quelques-unes des motivations exprimées par les répondants1.
Conséquences pour les producteurs forestiers
Alors que le prix moyen du bois n’a cessé de décroître, l’augmentation de la valeur foncière entraîne inévitablement un plus grand fardeau fiscal pour les propriétaires de lots boisés.
Par exemple, en Estrie, le fardeau fiscal d’un propriétaire a grimpé de 248% de 1997 à 2012. Ainsi, la valeur des taxes est passée de 308 à 1072$. Les propriétaires du Saguenay–Lac-SaintJean (+ 171 %), de Chaudière-Appalaches (+ 242%) et du Centre-du-Québec (+ 271%) doivent désormais, eux aussi, vendre davantage de cordes de bois dans l’espoir d’éponger leurs taxes foncières. Pour la période s’échelonnant de 1997 à 2012, le fardeau fiscal moyen des propriétaires forestiers du Québec par unité d’évaluation a explosé de 155%. À titre comparatif,
Un nombre grandissant de propriétaires forestiers éprouvent de la difficulté à rentabiliser la production de bois. Curieusement, le prix des lots de forêt privée poursuit néanmoins son ascension. Que se passe-t-il ? Le secteur peut-il encore être un bon investissement ?