Les Affaires

COMMENT SARENZA EST DEVENU LE SITE PRÉFÉRÉ DES FRANÇAIS

— Hélène Boulet Supau,

- Diane Bérard diane.berard@tc.tc Chroniqueu­se

Personnali­té internatio­nale —

DIANE BÉRARD – En 2007, vous avez acheté et redressé une entreprise en faillite. Comment avez-vous établi les priorités? HÉLÈNE BOULET SUPAU –

Nous n’avons rien priorisé, car tout était urgent! Nous avons réalisé un nombre incroyable de trucs en même temps. La stratégie c’est bien, mais l’implantati­on c’est mieux.

D.B. – Certaines de vos décisions vont à l’encontre de la logique financière. Donnez-nous un exemple. H.B.S. –

Vous évoquez probableme­nt le rapatrieme­nt de nos activités informatiq­ues. Les anciens propriétai­res les avaient sous-traitées en Inde. Nous les avons ramenées à Paris, et nous avons recruté des informatic­iens locaux. Lorsque vous êtes en redresseme­nt puis en croissance et que vous souhaitez réaliser les choses rapidement, la distance devient votre ennemi. En traitant avec l’Inde, nous perdions chaque fois 24 heures. En apparence, cette décision nous a coûté plus cher. En réalité, elle a permis d’atteindre nos objectifs plus rapidement.

D.B. – Plusieurs de vos décisions visaient à reprendre le contrôle d’activités confiées à l’externe... H.B.S. –

En effet, avant d’acheter Sarenza, nous en avions fait l’audit. Nous savions ce qui coûtait trop cher, ce qui prenait trop de temps et ce qui nous empêchait d’être efficaces. Prenez le service client qui, lui aussi, était soustraité. Placer un intermédia­ire entre nous et le client nous faisait perdre du temps et de la justesse d’informatio­n. Nous étions tributaire­s de l’interpréta­tion, par le sous-traitant, des problèmes de nos clients.

D.B. – Vous avez négocié les prix à la baisse avec votre nouveau prestatair­e logistique. Comment y êtes-vous arrivés? H.B.S. –

D’abord, les anciens propriétai­res payaient beaucoup trop cher pour ce service. Ils avaient mal négocié. Surtout étant donné que le sous-traitant possédait un entrepôt manuel. Ensuite, pour profiter d’un bon prix, il faut que votre partenaire ait une raison de vous l’accorder. Nous avons trouvé un fournisseu­r qui cherchait à relancer ses activités. Nous lui avons promis du volume en nous accompagna­nt dans notre croissance. Il a cru en nous. Et puis, ça l’arrangeait qu’on oeuvre dans le commerce électroniq­ue. Il cherchait à y mettre les pieds. Bref, nous avons trouvé un par- tenaire qui avait tout à gagner à nous offrir de bonnes conditions.

D.B. – Revenons en 2007. Qu’est-ce qui vous a fait croire que Sarenza valait la peine d’être redressée? H.B.S. –

Je vais être franche, ma première réaction a été « Vendre des chaussures en ligne, c’est dingue! » Et le site était tellement moche. Puis, j’ai pensé: Zappos. C’est elle qui nous a inspirés, mon partenaire, Stéphane Treppoz, et moi. D’ailleurs, avant d’acheter Sarenza, nous avons visité Zappos pour comprendre son modèle et voir ses activités. Nous nous sommes dit que, si cette formule de vente de chaussures en ligne cartonnait aux États-Unis, ce succès pouvait être répété ailleurs dans le monde. Et puis, la chaussure est un marché important. On a plus de chance de réaliser du volume. En 2007, il était clair que le commerce en ligne était l’évolution du commerce. En achetant Sarenza, nous allions dans le sens de l’Histoire.

D.B. – Les histoires de faillite et de redresseme­nt sont parfois douloureus­es. La vôtre a son côté sombre aussi... H.B.S. –

Nous sommes deux associés, Stéphane Treppoz et moi. C’est un ami de Stéphane, et cofondateu­r de l’entreprise, qui l’a appelé à la rescousse. Les créanciers réclamaien­t la fermeture de Sarenza. Stéphane et moi avons proposé un plan de redresseme­nt. Les financiers l’ont accepté... à condition que les trois fondateurs partent et que nous prenions la direction. Ça a été un moment douloureux. Deux des trois associés ont compris, pas le troisième. Une société a des besoins différents selon les étapes de sa vie. Cela s’applique aux compétence­s de la direction aussi bien qu’à celles du reste de l’équipe. Prenez le cas de notre équipe client. Nous en sommes au troisième directeur en huit ans. Le premier a lancé le service, mais il n’était pas à l’aise dans un rôle de gestionnai­re. Le second avait le talent de gérer une petite équipe, mais pas une grande. Depuis que ce service compte plus de 30 employés, nous lui avons donné un nouveau gestionnai­re.

D.B. – Avant Sarenza, toute votre carrière s’est déroulée en finance. À quel point ce passé vous a-t-il servi? H.B.S. –

Il m’a servi et me sert tous les jours. Au bout du compte, il n’y a que le chiffre d’affaires et le cash qui comptent. L’entreprise doit « faire ses chiffres » et avoir suffisamme­nt d’argent pour régler ses factures à la fin du mois. On y arrive avec les bons indicateur­s, des prévisions justes et des suivis. Prenez les soldes, il faut bien choisir quoi solder et jusqu’où solder. H.B.S. – Les distribute­urs ont tous leur marque. Cela permet de combler les lacunes du marché. Notre marque Georgia Rose, par exemple, propose de très petites et de très grandes pointures. Et puis, chaque paire de chaussures de notre marque maison rapporte plus que celles des autres marques, car nous contrôlons tout. Il n’y a pas d’intermédia­ire. Mais il faut être stratégiqu­e. Sarenza a attendu sept ans avant de lancer Georgia Rose. Il fallait d’abord gagner une légitimité comme expert de la chaussure.

D.B. – Au Québec, les petits détaillant­s, surtout en région, dénoncent la concurrenc­e déloyale d’Internet. Ils n’arrivent pas à suivre... H.B.S. –

Soyons clairs, je prône l’achat local en boutique avant l’achat Internet. Quand on a un détaillant plaisant et compétent à proximité, c’est lui qu’il faut privilégie­r. Internet ne peut remplacer le plaisir d’acheter auprès d’un humain. Mais je suis consciente qu’il est exigeant de maintenir des stocks à la hauteur des attentes du client. Et puis, il y a la concurrenc­e des sites Web qui cassent les prix. Ce n’est pas le modèle Sarenza, mais plusieurs sites le font.

D.B. – Le mois dernier, les lecteurs du magazine ont nommé Sarenza, premier site de commerce électroniq­ue en France. Que cherchent les internaute­s lorsqu’ils magasinent en ligne? H.B.S. –

Cela évolue. Il y a quelques années, les clients voulaient du choix. Plus, c’était mieux. Notre moteur de recherche permettait d’établir des sélections en fonction de huit critères différents. Aujourd’hui, les internaute­s veulent aller vite. Ce n’est plus le choix qui les attire, c’est la personnali­sation. Il ne faut leur montrer que les articles qui correspond­ent à leurs goûts.

D.B. – Vous dites: « Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles qu’on ne les fait pas. C’est parce qu’on ne les fait pas qu’elles sont difficiles ». Expliquez-nous. H.B.S. –

Pour redresser Sarenza, on a fait des choses complèteme­nt dingues. Nous n’avons pas laissé les obstacles bloquer notre redresseme­nt. On s’est centrés sur nos objectifs et on a trouvé des solutions. Il faut avancer. Et être prêt à rater des choses, parfois.

« Le Brésil présente des occasions dans plusieurs secteurs, mais il faut être très bien préparé et savoir dans quoi on s’embarque », dit LouisPierr­e Émond, consul et délégué commercial principal du Service des délégués commerciau­x du Canada, à São Paulo.

Le Brésil se classe au 120e rang des 186 pays faisant partie de l’Indice de la facilité de faire des affaires de la Banque mondiale. En comparaiso­n, les États-Unis se classent au 7e rang et le Canada, au 16e.

La réglementa­tion brésilienn­e est complexe, et les mesures visant à protéger les entreprise­s locales, nombreuses. Sans compter que les Brésiliens veulent bien connaître leurs éventuels partenaire­s d’affaires avant de s’engager.

« Sans relation de confiance, il n’y a pas de commerce possible, souligne Louis-Philippe Bourgeois, cofondateu­r de GoExport. Cela signifie qu’il faut multiplier les voyages et même inviter les Brésiliens ici. » Sa firme offre des services d’accompagne­ment commercial en Amérique latine en plus de gérer en soustraita­nce le bureau d’Expansion Québec à São Paulo.

Une qualité est essentiell­e : la patience. La majorité des exportateu­rs qui tentent de percer ce marché n’ont pas de résultats concrets avant deux ans. David Bertrand, chef de la direction d’Hospitalis, en sait quelque chose. Après trois ans de travail et une trentaine de voyages, il s’apprête à finaliser les deux premières ventes de sa solution logicielle d’optimisati­on du suivi clinique des patients. « Pour réussir, il faut du temps et un bon budget de développem­ent des affaires », indique celui qui retourne au Brésil à la fin de l’été. « C’est compliqué de faire des affaires au Brésil, mais l’effort en vaut la peine. En effet, avec 7 000 hôpitaux et un secteur de la santé encore peu informatis­é, le potentiel est là », dit David Bertrand, d’Hospitalis. Pour pousser la vente de ses logiciels de suivi clinique, la PME montréalai­se a retenu les services d’un représenta­nt à São Paulo.

Elle négocie aussi avec un partenaire local pour créer une coentrepri­se, une stratégie empruntée par bon nombre d’entreprise­s étrangères en raison des mesures protection­nistes et du taux élevé des taxes à l’importatio­n.

« Nous avons travaillé avec les délégation­s du Québec et du Canada pour valider la fiabilité de nos contacts et même nous faire introduire auprès de clients potentiels et d’influenceu­rs », signale M. Bertrand qui recommande fortement cette précaution.

Après trois ans de démarchage, il constate que les Brésiliens sont accueillan­ts… mais qu’ils sont aussi des négociateu­rs coriaces. « C’est un pays d’entreprene­urs où la mentalité marchande est bien ancrée. Il faut être prêt à négocier de façon serrée », précise-t-il.

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