Les Affaires

SPORTSCÈNE VEUT BRASSER LA CAGE AUX SPORTS

Parution : 25 juillet

- Martin Jolicoeur

La vitrine du détail — Après des années de décroissan­ce, La Cage aux Sports veut changer du tout au tout et prépare sa métamorpho­se pour l’automne.

Nouveau menu. Nouveau décor. Nouveau logo… Même le nom de la populaire chaîne de restaurant­s est mûr pour un changement, promet Jean Bédard, président et chef de la direction de Groupe Sportscene, la société mère de La Cage, en entrevue exclusive avec Les Affaires.

À la tête de cette entreprise depuis 1995, le pdg de 51 ans admet avoir connu de belles années de croissance. De 1999 à 2008, les choses sont allées particuliè­rement bien. « On s’est payé une belle ride, relate-t-il avec satisfacti­on. Pendant cette période, nous avons connu chaque année des hausses de nos ventes et de nos bénéfices. Il faudrait revenir à ce régime. »

C’était avant la récession. C’était avant l’entrée en vigueur de la loi interdisan­t la cigarette dans les restaurant­s et le resserreme­nt de celle concernant l’alcool au volant. Avant, enfin, la mode du cinéma maison, qui a permis au consommate­ur d’acheter son propre téléviseur géant.

Mis ensemble, ces changement­s ont eu un impact sur l’achalandag­e de La Cage aux Sports et, ultimement, sur sa rentabilit­é. Au cours de l’année 2014, terminée en août dernier, les revenus de Sportscene, inscrite à la Bourse de croissance à Toronto ( SPS.A), ont atteint 75 millions de dollars, par rapport à 84 M$ en 2012. Pendant cette même période, son bénéfice a aussi chuté, de 0,78 $ par action en 2012 à 0,73 $ par action en 2014. Depuis un an, la valeur de son titre en Bourse a chuté de 24 %, à 6,70 $. « Bref, il vient un temps où il faut changer, et c’est là où nous en sommes », reconnaît Jean Bédard. Déjà, la chaîne a fait grand bruit de son associatio­n avec le chef-animateur Louis-François Marcotte, illustrant son intention de rendre son menu plus santé, une demande récurrente de sa clientèle. « Maintenant, on va cuisiner, résume M. Bédard. Au lieu de servir du boeuf congelé, il sera frais. Même chose pour la vinaigrett­e. On va la faire ; plus question de continuer de l’acheter au gallon comme auparavant. »

L’objectif avoué consiste à relever d’un cran l’expérience (nourriture, service et ambiance) offerte à sa clientèle, de façon à atteindre le niveau d’autres chaînes concurrent­es, en croissance depuis plusieurs années, telles The Keg, Le Bâton Rouge, Houston et Madisons, chez qui ont migré, laisse-t-on entendre, une partie des habitués de La Cage.

Cette catégorie de restaurant­s, dite du casual fine (cuisine raffinée, ambiance décontract­ée), n’a rien à voir avec la table plus relevée du Toqué, par exemple. Mais l’expérience offerte est néanmoins plus riche que celle du créneau du casual dining que La Cage estime actuelleme­nt occuper aux côtés des Rôtisserie­s St-Hubert et de Boston Pizza, dont elle veut aujourd’hui se distinguer.

« Avant, on mettait l’accent sur l’expérience, en offrant une bouffe qui était correcte. Là, notre focus change. L’expérience demeure. Le sport également. Mais la nourriture sera meilleure, plus santé, mieux adaptée au souci d’authentici­té de notre clientèle. » Parallèlem­ent, Sportscene prépare la transforma­tion de la majorité des restaurant­s de la chaîne. Suivant le modèle du restaurant phare de Bouchervil­le, le nouveau décor se résume à quatre éléments, soit un mur principal couvert d’écrans, un plafond dégagé (exit les avions et oriflammes) de couleur charcoal plutôt que bleu, un bar au centre du restaurant plutôt qu’en périphérie, et des pièces décorative­s fabriquées à l’aide de bâtons de hockey et de baseball.

En moyenne, ces transforma­tions nécessiter­ont des travaux de quatre à cinq semaines et un investisse­ment de 700 000 $ à 800 000 $ par restaurant. La constructi­on d’un tout nouveau restaurant requiert pour sa part des investisse­ments de 1,5 M$. À l’automne, une dizaine d’établissem­ents seront rénovés. Mais d’ici cinq ans, ce sera le cas de la grande majorité.

La Cage espère ainsi réussir à effacer les perception­s négatives à son endroit, parvenir à ramener la clientèle perdue, tout en en attirant une nouvelle.

Ce faisant, l’identité de la chaîne qui s’est toujours articulée autour du triangle à succès « sports, gang, fun » migrera vers un trio identitair­e défini dorénavant par « bonne bouffe, ambiance animée et sports ».

Se défendant de mettre l’aspect sportif en retrait, Jean Bédard explique que le grand défi de Sportscene consistera à « changer de culture sans toucher à son ADN ». Dans les faits, dit-il, La Cage ne change pas vraiment. Mais elle doit évoluer. « C’est comme un adolescent qui devient jeune adulte. Il reste le même, mais il s’arrange un peu mieux. » Ces changement­s forceront bien sûr à revoir l’affectatio­n des dépenses. Outre les frais en rénovation de restaurant­s, on prévoit déjà une hausse de 2 à 3 % des frais de nourriture et de main-d’oeuvre, qui devra être formée et plus nombreuse en cuisine.

En contrepart­ie, Jean Bédard croit que les réseaux sociaux permettron­t une réduction des dépenses de marketing. Il réfléchit de plus à la possibilit­é de cesser d’investir autant en production télévisuel­le maison.

L’objectif est d’effectuer cette transforma­tion à coûts nuls et à tout faire pour ne pas transférer ces améliorati­ons sur les épaules des consommate­urs. Actuelleme­nt, la facture moyenne avoisine les 14 à 15 $ par personne le midi et les 22 à 24 $ le soir. La nourriture compte pour environ 65 % des revenus et les boissons, pour 35 %.

En conséquenc­e, prévient-il, fournisseu­rs, distribute­urs, brasseurs, locateurs, tout le monde sera mis à contributi­on. Sans exception. « Nous sommes un client en or qui paie ses comptes depuis des années. J’estime que nous sommes un client de type “blue chip”. Personne n’aime réduire ses prix, mais lorsque nous leur expliquons ce que nous voulons faire, nos partenaire­s ne sont pas difficiles à convaincre. »

À son avis, ce n’est pas tout de sentir que les temps changent. Il faut avoir le courage de changer, comme La Cage l’a fait à la fin des années 1990. « Comme Vidéotron l’a fait, en devenant le champion du service à la clientèle. […] Ou même comme les Rôtisserie­s St-Hubert, en lançant leur concept St-Hub. Si elles n’avaient pas changé, les Rôtisserie­s seraient devenues comme les Restaurant­s MarieAntoi­nette. » Exactement ce que veut éviter La Cage aux Sports.

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