Les Affaires

Plus qu’une occasion, d’abord un devoir moral

-

a population des 15 à 24 ans était en déclin en août au Canada.

Pas beaucoup, à peine 3 000 personnes de moins par rapport à juillet (4 428 800 comparativ­ement à 4 431 900), mais quand même, ce recul est lourd de sens et nous envoie un sérieux avertissem­ent.

Ce n’est pas ce qui a fait la manchette lors de la publicatio­n de la plus récente Enquête sur la population active de Statistiqu­e Canada, le 4 septembre. On s’est inquiété de la remontée du taux de chômage, tant dans l’ensemble du pays qu’au Québec, tout en se réconforta­nt de cette maigre addition de 12 000 emplois, qui indique que le Canada tente d’émerger de la récession.

Mais nous allons finir par manquer de bras et de cerveaux si cette vilaine séquence démographi­que à la baisse se prolonge. En janvier, toujours selon Statistiqu­e Canada, le groupe des 15-24 ans comptait 4 451 400 personnes. Il n’a depuis cessé de fondre. Pire, la population dite active – en âge de travailler et disponible – est elle aussi en recul marqué: de 2 870 000, en début d’année, à 2 833 000 en août.

Une société qui voit rapetisser comme une peau de chagrin son effectif plus jeune se prépare des lendemains qui déchantent.

C’est notamment le cas au Québec. D’après un bilan de l’Institut de la statistiqu­e du Québec (ISQ), cette fois-ci, la part des jeunes de 0 à 19 ans dans la population totale est en chute depuis le début des années 1960: elle est passée de 45%, en 1961, à 22% en 2011. Le déclin devrait se poursuivre, même s’il s’atténuera graduellem­ent, note l’ISQ, qui signale tout de même une « accélérati­on du vieillisse­ment démographi­que au cours des prochaines années », parce que le groupe des 20 à 64 ans verra lui aussi son importance relative diminuer.

Je n’insisterai pas une énième fois sur les risques de pénurie de travailleu­rs qui nous guettent, d’autant plus que le taux de chômage, ici, grimpe depuis quelques mois. Mais notre économie ne sera pas toujours en stagnation, et certains secteurs sont déjà durement touchés par le manque de main-d’oeuvre, ce qui compromet leur élan. Dans le domaine des technologi­es de l’informatio­n et des communicat­ions, par exemple, le recrutemen­t de personnel compétent est un défi permanent. Et ce n’est pas le seul dans cette situation.

À moins que le Québec ne devienne soudaineme­nt un champion en matière de productivi­té, il ne pourra indéfinime­nt tenir son bout en état d’infériorit­é numérique, pour reprendre une expression de hockey. Tôt ou tard, il lui faudra regarnir sa force de travail.

Ce qui nous ramène à la question de l’immigratio­n et au désolant tableau de ces migrants ballotés d’un pays à l’autre, quand ce n’est pas sur un rafiot en mer.

Comme me le faisait remarquer un lecteur, il convient d’abord de venir à leur secours pour des questions purement humanitair­es. Mais on peut aussi envisager leur éventuelle contributi­on à notre société. L’un n’exclut pas l’autre.

Évidemment, ces gens qui fuient les dictatures ou la barbarie des envahisseu­rs ne disposent pas nécessaire­ment des compétence­s qui leur seraient immédiatem­ent utiles ici. Mais leurs enfants les acquerront peut-être un jour. Leur participat­ion sera alors bienvenue. Étant donné l’enjeu, on n’en est pas à une génération près.

Si vous êtes assez vieux, souvenez-vous du désespoir des boat people indochinoi­s qui fuyaient il y a 40 ans les régimes communiste­s du Sud-Est asiatique. La plupart sont arrivés complèteme­nt démunis. Les plus sceptiques d’entre nous voyaient mal comment ils allaient participer à la constructi­on du Québec moderne. Imaginez s’ils ne s’étaient jamais rendus jusqu’ici. Nous serions en sérieux déficit de leur apport tant commercial qu’artistique, intellectu­el et industriel.

Le passé n’est jamais garant de l’avenir. On ne peut prévoir ce qui arrivera si nous ouvrons nos portes à ce nouveau flot de réfugiés. Mais dans ce cas-ci, indépendam­ment des considérat­ions économique­s, c’est le devoir moral qui nous incombe envers des êtres humains en profonde détresse. Il a été question plusieurs fois dans ces pages du projet de Nemaska Lithium et de sa mine Whabouchi, quelque 280 kilomètres au nordouest de Chibougama­u. Un projet modèle au vu des ambitions québécoise­s : extraction, puis transforma­tion (usine prévue à Valleyfiel­d) et intégratio­n dans la filière de l’électrific­ation des transports. Avec le soutien complet de la nation crie avoisinant­e, pressentie pour participer au travail.

Sauf que... on attendait depuis de longs mois le certificat d’autorisati­on du ministère de l’Environnem­ent, sans lequel il était futile de partir en quête de financemen­t.

C’est maintenant fait. Avec un peu de chance, la constructi­on de la future mine commencera à l’automne 2106; en pleine activité, elle emploiera plus de 200 personnes, sans compter le personnel qui sera requis à l’usine de Valleyfiel­d.

Il faut être patient pour faire avancer des projets, au Québec, mais on ne peut que se féliciter quand ils aboutissen­t!

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada