Les Affaires

Le véhicule électrique rencontre de la résistance

- Antoine Dion-Ortega redactionl­esaffaires@tc.tc La faute des constructe­urs ?

Le nombre de véhicules électrique­s (VE) a plus que doublé au Québec au cours des 16 derniers mois, mais la croissance de ce marché irait encore plus vite si certains éléments de l’industrie cessaient d’appliquer secrètemen­t les freins, disent ses partisans.

En avril 2015, lors d’une entrevue sur le Circuit électrique de bornes de recharge d’Hydro-Québec, France Lampron, directrice de l’électrific­ation des transports de la société d’État, avait déploré la « résistance » des concession­naires automobile­s face au VE, un problème « malheureus­ement répandu ». « Ils sont réticents, parce que l’entretien est moindre et qu’ils reçoivent moins de commission­s sur la vente », disait-elle.

Mais on ne peut blâmer les concession­naires de vendre les véhicules que les consommate­urs veulent acheter, rétorque Jacques Béchard, pdg de la Corporatio­n des concession­naires d’automobile­s du Québec (CCAQ), qui compte 850 membres. Le véritable obstacle, c’est plutôt la méconnaiss­ance du public, croit-il. La CCAQ a d’ailleurs mis la main à la pâte en intégrant à son site Internet un onglet consacré aux VE.

Sur les 425 000 véhicules neufs vendus chaque année au Québec, moins de 5 000 sont électrique­s. « Un tout petit volume », convient Jacques Béchard, mais qui représente tout de même la moitié des ventes au Canada. Le nombre de VE sur les routes du Québec est d’ailleurs passé de moins de 2 900 en mars 2014 à près de 7 000 en juillet 2015, une hausse de 134 %. Yvon Bergeron, porte-parole de la Coalition Zéro Émission Québec (CZEQ), croit que ce sont plutôt les constructe­urs automobile­s qui ont le pied sur le frein.

La CZEQ a été créée en mars 2015 justement pour presser Québec d’adopter au plus vite une loi de type « zéro émission ». Une telle mesure, déjà en vigueur dans 11 États américains, obligerait les constructe­urs à mettre en marché un nombre minimum de véhicules électrique­s chaque année. Car, si les concession­naires dirigent leurs clients vers des véhicules à combustion interne, c’est le plus souvent parce qu’ils n’ont pas de VE à leur proposer.

M. Bergeron a lui-même commandé à son concession­naire une Kya Soul EV en septembre 2014 pour ne la recevoir que le 24 août dernier. « Les constructe­urs disent qu’il n’y a pas de demande, dit-il. Mais il n’y a pas d’offre ! C’est sûr que s’il y a 11 mois d’attente, les gens vont changer d’idée et acheter autre chose. »

Chez GM Canada, on se défend bien de vouloir maintenir une offre basse. Les 70 concession­naires GMC qui proposent la Volt au Québec en ont vendu plus d’un millier en 2014. Et si les ventes ont quelque peu ralenti en 2015, c’est simplement parce que les amateurs de VE préfèrent attendre la mise en marché de la Volt 2016 à la fin de septembre. Ce modèle aura une autonomie de 80 kilomètres.

Chez Nissan Canada aussi, on est plutôt optimiste. Sur les 1 053 voitures Leaf vendues au Canada en 2014, 626 l’ont été au Québec auprès d’une trentaine de concession­naires certifiés. Nissan s’est d’ailleurs engagée avec Hydro-Québec à développer 25 bornes de recharge rapide d’ici 2016. Le réseau québécois compte près de 600 bornes, dont 12 à recharge rapide.

Mais outre la Leaf et la Volt, la plupart des modèles électrique­s ne sont toujours pas disponible­s au Québec. Le ministre du Développem­ent durable, de l’Environnem­ent et de la Lutte contre les changement­s climatique­s, David Heurtel, en est d’ailleurs à analyser « très sérieuseme­nt » la possibilit­é d’instaurer au Québec une norme « zéro émission », à l’instar du Vermont. La décision de l’Ontario d’intégrer le marché commun du carbone d’ici 12 à 18 mois a ajouté un élément à cette réflexion.

« Nous ne sommes pas rendus à un projet de loi, notamment parce qu’on essaie de voir si on ne peut pas avoir une approche intégrée avec l’Ontario », dit le ministre Heurtel.

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