Les Affaires

Huit semaines pour changer le monde

- Diane Bérard

« Comme entreprene­ur social, vous croyez que le monde a besoin d’être changé. Quelle est votre innovation ? demande Stéphanie Baron, consultant­e en stratégie et formatrice d’Impact 8. Pourquoi devrions-nous acheter vos produits ou vos services ? Qu’est-ce que nous contribuon­s à éviter ou à améliorer en achetant ceux-ci ? »

Les huit entreprene­urs de la première cohorte québécoise d’Impact 8 ont huit semaines pour répondre à ces questions. Pour changer le monde, ils doivent développer leur fibre entreprene­uriale. C’est le mandat des 15 coachs et des 20 formateurs qui les accompagne­nt.

Le programme d’accélérati­on Impact 8 a été créé à l’initiative du MaRS Centre for Impact Investing, à Toronto. Depuis 2013, trois cohortes l’ont suivi.

Jour 1

Nous sommes une trentaine dans la salle de L’Esplanade, partenaire québécois du programme Impact 8 : les entreprene­urs, mais aussi des coachs, des mentors et des partenaire­s. Certains partenaire­s accueiller­ont une ou deux sessions de formation dans leurs locaux : la Caisse de dépôt et placement du Québec, Anges Québec, la maison Notman et le cabinet Richter.

« Richter s’implique déjà dans ce secteur par l’intermédia­ire de son “Programme en innovation et entreprene­uriat social ” lancé l’année dernière », souligne Frédéric Brosseau, viceprésid­ent, marketing et développem­ent des affaires, de Richter. Cette collaborat­ion agit comme facteur de rétention et même d’attraction de main-d’oeuvre.

Certains participan­ts sont venus avec un collègue. Marie Fortier, elle, est assise avec sa coach. La fondatrice du site de vidéos mescourspr­éna-

taux.com pourra compter sur le soutien de Martyne Huot, fondatrice du site d’informatio­n familledau­jourdhui.com. Chaque entreprene­ur se voit assigner deux ou trois coachs. « Certains ont demandé à être jumelés à certains entreprene­urs, par intérêt pour leur secteur », souligne Alain-Olivier Desbois, responsabl­e du programme Impact 8 pour le Québec.

Martyne Huot juge qu’elle peut aider Marie Fortier à commercial­iser son site de vidéos d’accompagne­ment à la naissance. Après la formation, elles s’envoleront vers la France pour explorer le marché francophon­e européen.

Guy Gervais, entreprene­ur en série et investisse­ur, mettra son expertise du secteur des technologi­es propres au service de Marisol Labrecque. L’entreprene­ure dirige Ecofixe, qui a mis au point un système de traitement des eaux usées pour les étangs aérés.

Les coachs remplissen­t plusieurs rôles, dont celui de « ramasser » les entreprene­urs après que les formateurs ont ébranlé leurs certitudes. Cela a été le cas dès la première session qui portait sur le canevas du modèle d’entreprise ( business model canvas), une version plus dynamique du plan d’affaires. Au lieu de noircir des feuilles de papier, vous remplissez des cases dans un immense tableau : vos clients, vos concurrent­s, vos canaux de distributi­on, vos ressources, vos revenus, etc. Et vous tracez des liens entre les cases. Trouver des raccourcis Première question douloureus­e : comment recrutez-vous des clients ? « Ce n’est pas parce que vous êtes des entreprene­urs sociaux que le développem­ent des affaires est un luxe, martèle la formatrice. Vous devriez tous avoir un employé qui se consacre à la recherche de clients. »

François-Xavier Michaud, cofondateu­r d’Exeko, se gratte la tête. Sa firme, spécialisé­e dans l’inclusion sociale au moyen de l’art et de la philosophi­e, vise des changement­s sociaux profonds. « On ne peut pas s’attendre à décrocher des clients instantané­ment, plaide-t-il. Il nous a fallu cinq ans de négociatio­n pour nouer un partenaria­t avec la Ville de Montréal. »

Samuel Schoukroun, de Potloc, acquiesce. Potloc est une plateforme permettant aux détaillant­s d’afficher leurs projets d’ouverture de boutiques et aux citoyens d’exprimer leur désir d’avoir ce commerce dans leur quartier. Pour les petites équipes d’Exeko et de Potloc, le démarchage de clients est un casse-tête. « Changez de méthode ! insiste Stéphanie Baron. Ne cherchez plus de clients, visez plutôt à convaincre des gens qui ont accès à votre bassin de clients. Un entreprene­ur a trop à faire, il doit trouver des raccourcis. »

Deuxième question essentiell­e : comment fixez-vous vos prix ? Beaucoup d’entreprene­urs sociaux pratiquent le cofinancem­ent. Ainsi, certains clients paient plus cher pour financer les rabais offerts à d’autres. C’est le cas de Potloc ; les grands détaillant­s paient davantage pour afficher sur ce site que les commerçant­s indépendan­ts.

Même modèle pour Gilles Bernier. Son entreprise, les Ateliers Créatifs, loue 300 000 pieds carrés à des artistes et des entreprise­s. Les loyers des entreprise­s financent en partie ceux des artistes. « Comment justifiez-vous les prix plus élevés ? Vous avez une vision et des valeurs, c’est bien. Mais rendez-vous justice à celles-ci en consacrant les efforts nécessaire­s en communicat­ion ? » soulève Stéphanie Baron.

Elle met en garde les participan­ts contre une autre erreur : la vente au rabais. L’entreprene­ur social se situe souvent dans des territoire­s vierges et sous-estime la valeur de son offre. Mieux exploiter ses sources de revenus Et les revenus, d’où viennent-ils ? La plupart des entreprene­urs veulent multiplier leurs sources. Retenez-vous, dit la formatrice. « Les revenus, c’est comme les clients, on s’épuise à les chercher, poursuit-elle. Concentrez-vous. » Visez moins de sources et exploitez-les mieux.

« Une femme mariée est toujours plus intéressan­te qu’une célibatair­e, constate Mme Baron. Quand vous présentez votre dossier à un investisse­ur, assurez-vous qu’on voit votre alliance. » Un investisse­ur apprécie généraleme­nt la compagnie d’autres investisse­urs pour un projet.

La journée s’achève sur un devoir : préparer un Pecha Kucha sur leur entreprise pour la semaine suivante. Il s’agit d’une présentati­on de 6,40 minutes comportant 20 diapositiv­es affichées chacune pendant 20 secondes. Ce sera leur troisième présentati­on depuis qu’ils se sont joints au programme. Il en restera trois autres avant le jour du Demo Day. Et beaucoup d’heures de travail. Changer le monde exige de la passion, mais aussi beaucoup d’organisati­on.

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