Les Affaires

Raconter le monde depuis la Beauce

- ORANJE Matthieu Charest matthieu.charest@tc.tc 1 2 SMS Rabais, des coupons qui vous suivent Vision Y, parents secours

La chose est assez singulière. Dans un ancien couvent situé à flanc de colline qui trône sur Vallée-Jonction, en plein coeur de la Beauce, se trouvent les bureaux ultramoder­nes et immaculés du groupe Oranje. Depuis les grandes fenêtres du quatrième étage, les champs s’étendent à perte de vue, mais à l’intérieur, on se croirait plutôt dans la Silicon Valley. À des centaines de kilomètres de Montréal, au milieu des fermes et des pick-up rouges, Samuel Nadeau et Julien Savoie, âgés de 24 et 22 ans respective­ment, rêvent de prendre d’assaut le marché nord-américain.

D’abord, avec leur filiale Oranje Film, ils veulent devenir le « MacDonald’s » des solutions vidéo d’entreprise. Puis, avec leur start-up SMS Rabais, ils désirent se tailler une place aux côtés des Tuango et Groupon de ce monde, qui dominent le marché des bons de réduction virtuels.

Assoiffés de succès, ambitieux, sûrs d’euxmêmes, les deux jeunes hommes sont munis de la force de leur certitude, implacable, qu’ils peuvent faire mieux que leurs concurrent­s. Petite, créative, leur entreprise est agile, flexible. Appuyés par la famille de Samuel, des entreprene­urs en série, ils ont su s’entourer d’un écosystème de start-up variées dont ils peuvent tirer profit. Cette année, la PME devrait friser, voire dépasser le million de chiffre d’affaires.

Oranje Film : souriez, vous êtes filmés

« L’idée, c’est de vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Si c’était facile, ça ne serait pas amusant. Bon, après, tu reçois 10 000 $, et tu dois vite te virer de bord et en faire quelque chose », raconte Samuel Nadeau, le président de la jeune entreprise, qui détient 49 % des parts.

Sans trop se poser de questions, le duo s’est lancé dans le secteur de la vidéo d’entreprise, convaincu que ce créneau était porteur. Il a persuadé un premier client – un restaurate­ur de Sainte-Marie – de lui confier le mandat de réaliser une vidéo pour promouvoir ses services. Le tout, pour quelques centaines de dollars.

À l’époque cependant, les jeunes entreprene­urs étaient parfaiteme­nt néophytes dans le domaine. Ils ont donc sous-traité ce premier contrat, pour moins de 50 % du prix facturé au client au final. « Après ça, on en avait une [vidéo] à montrer dans notre portfolio. Puis une autre, puis une autre. On montait le prix au fur et à mesure que la qualité augmentait, raconte Julien Savoie, le directeur des opérations et propriétai­re de 20 % des parts de la beauceronn­e. Nos concurrent­s, ce sont des artistes. Nous ne le sommes pas. Mais nous sommes de bons vendeurs et de bons développeu­rs. D’ailleurs, six membres de notre équipe se consacrent maintenant au développem­ent des affaires. Et une fois la vidéo produite, nous gérons aussi tout le volet médias sociaux qui accompagne sa sortie. Notre slogan, c’est “raconter le monde”. »

Outre la vidéo d’entreprise traditionn­elle, la PME conçoit des vidéos destinées à la formation du personnel, des publicités, comme la campagne « Une bouteille à la mer » pour Tourisme Québec, et des capsules commandées par des groupes d’intérêts. Par exemple, ils ont produit une vidéo traduite en japonais qui décrivait les différente­s essences de bois du Québec. Leur portfolio est constitué de clients variés, tels que Canam, Safari Condo et les Industries Bonneville.

Aujourd’hui, le prix moyen d’une vidéo produite par Oranje Film est de 7 700 $. L’équipe de 14 employés en réalise plus d’une centaine par année. L’objectif : des revenus de 10 M$ en 2025. L’autre partie de l’équation derrière le groupe Oranje, c’est SMS Rabais, dont la création a précédé la naissance d’Oranje Film. Le service s’apparente à un mélange entre la bonne vieille circulaire et les sites d’achats groupés qui proposent des rabais sur des produits et services, à la Groupon et Tuango.

C’est un site et une applicatio­n mobile regroupant des coupons de réduction qui peuvent être imprimés ou téléchargé­s sur des téléphones intelligen­ts. Un concept qui possède le double avantage d’être basé sur la géolocalis­ation et l’instantané­ité. Ainsi, le café que vous êtes sur le point de croiser sur votre route peut vous envoyer une offre, et le spa, qui n’a pas atteint son maximum de réservatio­ns pour une journée donnée, peut liquider son « stock » pour une durée prédétermi­née, d’un seul clic, à un coût moindre que s’il est imprimé sur une circulaire.

Mais « avec plus ou moins 200 visites par jour et 8 000 coupons téléchargé­s, nous n’avons pas assez d’achalandag­e, révèle le duo. D’autant qu’un coupon, ce n’est qu’un prétexte pour amasser des informatio­ns [sur les consommate­urs] » afin de les monétiser par la suite. Viable, mais pas encore suffisamme­nt rentable aux yeux des deux jeunes entreprene­urs.

Néanmoins, la valeur de ce service pourrait prendre du galon rapidement. D’abord, « nous allons créer une tuile sur le site Web du commerçant qui offre un rabais, afin de doubler notre visibilité. Puis, nous évaluerons l’idée de vendre notre technologi­e », expliquent Julien Savoie et Samuel Nadeau, qui sont à la recherche de nouveaux partenaire­s. Le groupe Oranje, la société mère derrière Oranje Film et SMS Rabais, a déposée une demande de financemen­t auprès de la Banque de développem­ent du Canada afin d’assurer sa croissance. Mais le processus s’est arrêté net « parce qu’il y avait trop de contrainte­s, affirme Julien Savoie. On ne pouvait plus travailler avec des sous-traitants impliqués de près ou de loin dans certaines activités, comme la pornograph­ie, ou avec les bars, par exemple ».

Le tandem s’est alors tourné vers un prêteur américain afin de financer son essor en embauchant de nouveaux employés. Résultat, il a obtenu 50 000 $ US.

« Notre seul actif, c’est la qualité des gens que l’on engage, martèle Samuel Nadeau, et notre équipe est extraordin­aire. Notre valeur comme entreprise est basée sur nos talents. On ne cherche jamais à faire un deal avec un employé. C’est la perle rare qu’il leur faut, rien de moins. On veut des intraprene­urs ; et puisqu’on gère selon nos valeurs, le travail, la flexibilit­é et une attitude positive, ceux qui ne cadrent pas sont dehors tout de suite. Nous, les exécutants, allons les remplacer par des robots. »

« Mais on ne peut pas encore payer les employés à leur juste valeur, précise M. Savoie. Par contre, le pari peut s’avérer payant à terme pour toute l’équipe. Il faut savoir voir à long terme. »

Dans le doute, ils peuvent aussi compter sur le père de Samuel, Stéphane Nadeau, un entreprene­ur connu dans la région, qui détient environ 30 % des parts de l’entreprise. « C’est aussi un appui moral important, souligne Samuel. Nous sommes très pressés, et il sait nous ramener sur la bonne voie. »

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