Les Affaires

LES CONSTRUCTE­URS AUTOS, DE VÉRITABLES AUBAINES ?

- Yannick Clérouin yannick.clerouin@tc.tc Chroniqueu­r

A vant même que le scandale entourant Volkswagen n’éclate la semaine dernière, le secteur automobile avait attiré mon attention.

Non seulement les ventes d’autos sont vigoureuse­s au Canada et aux États-Unis, mais un financier chevronné a récemment mentionné à l’hebdomadai­re Barron’s que les actions des deux principaux constructe­urs américains étaient « incroyable­ment bon marché ».

« Ford (NY, F) se négocie sous les 14$ US et devrait dégager un bénéfice par action de 2$ US l’an prochain, auquel s’ajoute un rendement du dividende de 4,4% », soulignait Joe Rosenberg, stratège en chef du congloméra­t Loews Corp.

General Motors (NY, GM) se négocie de son côté à environ 30$ US et devrait afficher un bénéfice par action de 5$ US en 2016, tout en offrant un généreux rendement du dividende de 5%, indiquait le stratège. Il voyait aussi d’un bon oeil le fait qu’un investisse­ur activiste fasse pression sur la direction de GM.

M. Rosenberg n’est pas le seul investisse­ur de renom à apprécier les constructe­urs autos. Au cours de la dernière année, l’équipe de gestionnai­res de Berkshire Hathaway (NY, BRK.B), congloméra­t de Warren Buffett, a également investi d’importante­s sommes dans GM.

Plus près de nous, la firme de gestion Barrage Capital, qui compte dans ses rangs les blogueurs de LesAffaire­s.com Rémy Morel et Patrick Thénière, s’est aussi laissé séduire par l’évaluation attrayante de GM dans la dernière année.

Le trucage des moteurs diesel de Volkswagen a eu un effet domino sur ses concurrent­s en Bourse et a rendu les titres de GM et de Ford encore meilleur marché.

Cette tricherie incitera les autorités à imposer des tests plus poussés afin de vérifier les émissions de gaz, ce qui entraînera une hausse des coûts pour les constructe­urs. Itay Michaeli, analyste de Citigroup, pense cependant que la facture sera peu salée pour GM et Ford.

Meilleures ventes en 10 ans

Le marché nord-américain de l’automobile évolue sur les chapeaux de roues, en dépit des craintes liées à l’économie et à la Bourse.

En août, le rythme annualisé de ventes de véhicules légers a grimpé à 17,8 millions d’unités chez nos voisins du Sud, comparativ­ement à 17,3 millions un an plus tôt. Il s’agit de la meilleure performanc­e en 10 ans.

Au Canada, les ventes d’autos défient la récession: il s’est écoulé 175000 véhicules au pays en août, soit la meilleure performanc­e de l’histoire, selon DesRosiers Automotive Consultant­s.

La rentabilit­é de GM et de Ford sur le marché nord-américain a par ailleurs atteint un record au deuxième trimestre.

Trop beau pour durer? Voilà ce que craignent les investisse­urs. Certes, l’économie tourne au ralenti, mais un autre facteur pourrait maintenir l’élan des ventes: l’âge moyen des véhicules aux États-Unis est de 11 ans. Tôt ou tard, ces autos devront être remplacées.

La faible valeur accordée aux titres des constructe­urs reflète aussi la décélérati­on de l’économie chinoise. Les mesures anticorrup­tion et la chute des Bourses depuis ce printemps freinent les achats de voitures étrangères dans ce marché clé. Les ventes de véhicules ont reculé de près de 3% en août dans l’empire du Milieu, la cinquième baisse mensuelle consécutiv­e. Les ventes d’autos risquent de baisser pour la première fois en 17 ans en Chine cette année, selon Ford.

La Chine représente plus du tiers des ventes mondiales de GM, mais moins du cinquième de celles de Ford. Malheureus­ement pour cette dernière, les investisse­ments importants qu’elle a réalisés au cours des dernières années pour y accroître la production prendront plus de temps à rapporter. Car, au moment où ses usines sont devenues prêtes à rouler à plein régime, le marché s’est immobilisé.

La menace Apple

Le parcours des constructe­urs traditionn­els est parsemé d’obstacles qui sont plus complexes à évaluer que les défis passagers liés à l’économie, dont l’arrivée d’acteurs qui s’apprêtent à bouleverse­r les règles établies. L’industrie automobile est mûre pour connaître une rupture, conclut l’équipe de recherche de Jefferies, dans un volumineux rapport publié la semaine dernière.

D’après un scénario avancé par les analystes, Apple (Nasdaq, AAPL) pourrait s’attaquer au marché de l’auto en 2019. On comprend pourquoi: ce créneau affiche des revenus cinq fois plus importants que ceux de la téléphonie mobile.

À cela s’ajoute l’avancée de Google (Nasdaq, GOOG) dans les véhicules autonomes. La rivale d’Apple ne semble pas vouloir vendre de voitures, mais cela pourrait changer. Il est possible qu’elle choisisse d’intégrer sa technologi­e dans des véhicules construits par des concurrent­s de GM et de Ford, dans un horizon de cinq ans.

N’oublions pas Tesla Motors (Nasdaq, TSLA). Le constructe­ur californie­n a le potentiel de changer le monde, croit David Whiston, analyste de Morningsta­r. Ses véhicules sont encore réservés aux riches. Son fondateur, Elon Musk, ambitionne toutefois de permettre à la classe moyenne d’avoir accès à ses autos électrique­s dans deux ans.

Des trappes de valeur ?

Aux prix auxquels ils se négocient et considéran­t le généreux dividende qu’ils versent, les titres de Ford et de GM sont difficiles à ignorer. Mais avons-nous affaire à de fausses aubaines?

GM devra se défaire de son image de « trappe de valeur » pour réaliser son plein potentiel haussier, notait récemment Brian A. Johnson, analyste de Barclays. Compte tenu de l’offensive d’Apple, de Google et de Tesla dans le marché de l’auto, les titres de GM et de Ford peuvent rester bon marché longtemps avant que les sceptiques à l’égard de leurs perspectiv­es ne décident de monter à bord.

Le marché nordaméric­ain de l’automobile évolue sur les chapeaux de roues, en dépit des craintes liées à l’économie et à la Bourse.

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