René Vézina
D’autres minéraux prometteurs au Québec
Ça commence à devenir franchement inquiétant. L’industrie minière mondiale va de secousse en secousse. La dernière en date a touché la géante anglosuisse Glencore en début de semaine. Son action a piqué du nez à la Bourse de Londres, perdant 25% de sa valeur le 28 septembre, pour chuter à 70 pence (1,40$ CA).
Glencore avait acheté en 2013 un autre vaste conglomérat, Xstrata, et s’était endettée pour y parvenir. Le secteur nageait alors en eau trouble, mais on était loin de s’imaginer qu’il peinerait autant.
Lundi, le cours du cuivre a dégringolé à des niveaux qu’on n’avait pas vus depuis la crise de 2008, tandis que celui du zinc tombait à son plus bas en cinq ans. Or, il s’agit de métaux stratégiques pour Glencore au Québec, qui produit du cuivre à sa mine de Raglan et en raffine à la Fonderie Horne, de Rouyn-Noranda, tandis qu’elle extrait du zinc de sa mine de Matagami.
Ses difficultés reflètent celles qu’éprouve le secteur des ressources – y compris le pétrole – et font surgir beaucoup de questions quant à la santé de l’économie canadienne. C’est précisément dans ce climat plus que morose que s’est déroulée, le vendredi 25 septembre, la huitième édition d’Objectif Nord, ce grand rendezvous périodique organisé par le Groupe Les Affaires pour faire le point sur les projets jadis regroupés sous l’appellation « Plan Nord ». Il fallait y croire pour tenir à nouveau ce forum… Et vous savez quoi? Les quelque 170 participants en sont sortis revigorés.
En fait, s’il y avait une morale, c’est qu’il ne faut pas tout mettre dans le même panier. Oui, les métaux dits industriels traversent une mauvaise passe. Mais le sous-sol du Québec est riche d’une vaste gamme de minéraux. Et tous ne sont pas soumis à la même dictature des cycles. En fait, pour certains, les temps sont plus propices que jamais.
On savait déjà, par exemple, que les travaux avancent rondement à la mine Renard, de Stornoway, qui devrait livrer ses premiers diamants en 2016. Mais lors de l’événement du 25 septembre, l’attention s’est portée sur des ressources hautement stratégiques dans le contexte actuel, des ressources assez abondantes au Québec pour envisager leur exploitation. Nommément, du graphite et des terres rares.
Pourquoi? Parce que ce sont des minéraux pour lesquels la demande croît du fait de leur utilisation dans les appareils électroniques et les véhicules à propulsion électrique. Pensez aux téléphones mobiles et à l’électrification des transports... Voilà deux domaines qui sont loin d’être en crise, et auxquels des minières québécoises pourraient bientôt contribuer.
Le graphite, le nouvel « or noir »
Oubliez les humbles mines de crayon en ce qui a trait au graphite. Les applications de ce minérai sont nombreuses, ne seraitce parce qu’il est un excellent conducteur électrique. Le graphite sert aussi en sidérurgie, dans les réacteurs nucléaires, pour des alliages légers qui entrent dans la composition d’articles de sport. Bref, une substance polyvalente, dont on appréciait déjà les qualités, qui devient encore plus recherchée maintenant que s’anime l’industrie des batteries pour voitures électriques. Il y joue un rôle clé, au point qu’on le qualifie dorénavant d’« or noir ».
Et le Québec en possède! Lors d’Objectif Nord, on nous a présenté deux projets en développement. Le premier, de Mason Graphite, se situe au nord de BaieComeau, dans la région de Manic V. Le second, de Focus Graphite, est localisé au lac Knife, près de Fermont. Il se veut « le projet le plus avancé de mise en valeur, en Amérique du Nord, de graphite de haute qualité pour les batteries », selon ses promoteurs.
Pour fabriquer ces batteries, il faut cependant du lithium. Qu’à cela ne tienne: on a appris il y a quelques semaines que le projet de Nemaska Lithium et de sa mine Whabouchi, au nord de Chibougamau, avait enfin obtenu du ministère de l’Environnement l’autorisation d’aller de l’avant. Si tout se déroule comme prévu, la filière des transports électriques affichera tôt ou tard un fleurdelisé.
D’autant plus que le Nord québécois pourrait également accueillir un imposant projet d’exploitation de terres rares. Ce terme fait référence à 17 éléments chimiques (scandium, yttrium, lanthane et cie) demeurés relativement obscurs jusqu’au milieu du 20e siècle, sinon jusqu’au développement accéléré de l’électronique.
L’essentiel de la production mondiale vient de Chine. Mais voilà, Minéraux Rares Quest entend aller de l’avant avec sa mine, au nord de Schefferville. Ce ne sera pas facile ni économique: il faudrait compter au bas mot 1,6 milliard de dollars pour la mener à terme, ce qui inclurait la construction d’une route de 100 kilomètres pour rallier le port de Voisey’s Bay, plus à l’est, au Labrador. Mais le potentiel fait rêver.
Parlant de rêve, je vous laisse sur ce rappel que nous faisait le ministre responsable du Plan Nord, Pierre Arcand, lors de son allocution à Objectif Nord: le Québec a réservé 238 millions de dollars pour le prolongement de la route 138, sur la BasseCôte-Nord, qui finira bien par rejoindre Blanc-Sablon. Depuis le temps qu’on en parle, tout le monde applaudira, à commencer par Gilles Vigneault!
Le sous-sol du Québec est riche d’une vaste gamme de minéraux. Pour certains, les temps sont plus propices que jamais.